S’imposant de plus en plus dans les portefeuilles, la dette privée semble être l’investissement parfait. Les véhicules evergreen participent encore davantage à son essor auprès d’investisseurs fortunés. Entretien avec Arnaud Perrier et Jérôme Samuel, associés et cofondateurs d’Inkipit Finance.
Arnaud Perrier et Jérôme Samuel (Inkipit Finance) : " La dette privée est une classe d’actifs à part entière"
Décideurs. Quelles sont les tendances actuelles que vous observez sur le marché de la dette privée ?
Inkipit Finance. Nous observons une croissance continue de l’offre de fonds de dette privée, particulièrement pour les clients Private Wealth. Ce marché se structure de plus en plus autour de véhicules evergreen semi-liquides, qui permettent aux investisseurs privés d’accéder à des stratégies institutionnelles. Cela offre une diversification par rapport aux traditionnels fonds de private equity. Nous pensons que la dette privée est une classe d’actifs à part entière et qu’elle doit faire partie d’une allocation plus large en actifs privés. Le contexte actuel, avec des taux d’intérêt élevés, favorise cette classe d’actifs, en particulier la dette senior secured, qui offre des rendements attractifs tout en limitant le risque comparé à d’autres types d’investissements privés.
Quels sont les avantages des fonds evergreen dans la dette privée ?
Les fonds evergreen ou semi-liquides permettent d’accéder rapidement à des rendements tout en offrant une certaine flexibilité, même si la liquidité reste limitée. Ce type de véhicule est bien adapté à la dette privée, car les durées des opérations sont généralement plus courtes que celles du private equity, avec des échéances situées typiquement entre trois et cinq ans. Cela permet une rotation plus rapide des actifs et une certaine régularité dans les remboursements. Toutefois, il est important que les investisseurs comprennent que ces fonds ne garantissent pas une liquidité permanente. Il faut toujours avoir un horizon d’investissement à long terme, en acceptant que les sorties soient parfois retardées en cas de conditions de marché difficiles.
La dette privée est-elle adaptée à tous les types d’investisseurs ?
Non, la dette privée ne s’adresse pas à tous les investisseurs. Même avec des véhicules semi-liquides, cela reste un investissement illiquide. Il est crucial que les investisseurs ayant une partie de leur portefeuille sur les actifs privés n’en aient pas besoin à court terme. Nous nous assurons également que nos clients comprennent les risques et la complexité de ce type d’investissement. Les portefeuilles doivent avoir une taille suffisante pour supporter cette illiquidité. Pour des investisseurs moins expérimentés ou disposant de portefeuilles moins diversifiés, d’autres options plus liquides pourraient s’avérer appropriées.
Comment percevez-vous l’impact des baisses potentielles de taux d’intérêt sur la dette privée ?
Une baisse des taux d’intérêt aura probablement un effet mécanique sur les rendements de la dette privée, puisque ces financements sont souvent indexés sur des taux variables comme l’Euribor. Cela réduira les rendements bruts, mais, en relatif, la dette privée restera attractive. Une baisse des taux permet aussi de réduire la charge de la dette pour les entreprises, ce qui est un élément positif, notamment pour éviter les situations de stress financier chez les emprunteurs. Globalement, même avec une baisse des taux, le profil rendement-risque de la dette privée reste avantageux par rapport à d’autres classes d’actifs.
Quels critères utilisez-vous pour sélectionner les fonds de dette privée ?
La stratégie sous-jacente est primordiale. Nous privilégions les fonds qui financent des opérations de LBO ou de growth, avec une préférence pour les entreprises matures et solides. Il est aussi important de diversifier entre différents segments, comme les mid-caps et les large-caps, pour équilibrer le risque. Nous avons également une approche paneuropéenne, car la gestion du change peut être complexe dans d’autres régions, même si nous collaborons avec des gérants anglo-saxons pour diversifier encore davantage les portefeuilles.
Propos recueillis par Marc Munier