Véritable outil d’investissement alliant performance et risque mesuré, la dette privée ne cesse de faire parler d’elle, en s’ouvrant de plus en plus aux investisseurs privés. À travers les plateformes de crowdfunding ou des fonds, les perspectives d’investissement abondent et la sélection fine devient essentielle, dans un environnement réglementaire évolutif. Entretien avec Joachim Savigny, président fondateur de Cheval Blanc Patrimoine.
Joachim Savigny (Cheval Blanc Patrimoine) : "Dans un monde où la liquidité manque, la dette privée est reine"
Décideurs. Quel est votre rapport à la dette privée ?
Joachim Savigny. Nous investissons sur des fonds d’une part, et en financement participatif ou "crowdfunding" d’autre part, avec des dossiers triés sur le volet. Il s’agit souvent d’émissions obligataires privées sur 12 à 36 mois, en immobilier ou corporate, afin de chercher de la performance avec un risque mesuré. Il y a beaucoup de refinancements. Les opérateurs sont prêts à payer des intérêts plus élevés pour plus de simplicité et de réactivité. Dans un monde où la liquidité manque, la dette privée est reine. La fenêtre de tir est vraiment intéressante, et les rapports risque-performance sont très bons. Dans l’immobilier, nous pouvons avoir des projets concrets et des garanties de premier ordre, et par conséquent un risque global relativement faible.
Comment l'investissement en dette privée s'intègre-t-il dans une stratégie de diversification de portefeuille ?
Il y a des règles à respecter, notamment à travers le fichier EMT – European MiFID Template –, fichier officiel validé par l’Autorité des marchés financiers, afin de définir les degrés de risque et limites d’allocations par rapport au profil client – novice, averti ou expert. Celui-ci doit au minimum être averti. Pour la dette privée il est préférable de ne pas dépasser 15 % de l’allocation pour les "gros" clients.
Les plateformes de crowdfunding, autrefois CIP – conseiller en investissement participatif –, doivent maintenant détenir l’agrément PSFP, ou prestataire de services de financement participatif. Néanmoins elles ne sont pas considérées comme des sociétés de gestion. Le besoin de réglementation est fort dans ce domaine.
Que pensez-vous de la loi industrie verte et du règlement ELTIF 2 ?
Cela va forcer les Français à s’américaniser. Les Américains ont compris que c’est la façon dont l’argent est employé qui compte. Investir sur les actifs privés va aider les entreprises françaises à être compétitives. Toutefois, les fonds qui seront éligibles à ces dispositifs ne seront pas nécessairement les meilleurs. De même qu’aujourd’hui les fonds stars en assurance-vie ne le sont pas, à quelques exceptions près. Il faut donc espérer que l’offre de qualité sera au rendez-vous.
Par rapport à la liquidité des actifs non cotés, qui devrait s’améliorer dans les contrats d’assurance-vie et les PER, cela dénature peut-être un peu le private equity, dont l’avantage premier est d’avoir du temps pour générer de la performance. Les fenêtres de liquidités permettent surtout de rassurer une catégorie d’investisseurs, sachant que tout le monde ne peut pas désinvestir en même temps.
Quels sont les risques spécifiques liés à la dette privée ?
En dette privée, il peut y avoir des renégociations de dette sur certaines opérations, notamment à cause de facteurs externes. La qualité intrinsèque des projets permet alors de trouver une solution intelligente où tout le monde sort gagnant. En direct, il faut donc avoir deux ou trois leviers de garantie sur le projet sous-jacent. Sur les opérations immobilières, il est préférable d’avoir, outre un projet cohérent, une bonne localisation et un juste prix, une garantie à première demande et une garantie hypothécaire. Une société avec des fonds propres et un historique de plus de dix ans sera aussi plus rassurante. Sur les fonds d’investissement, il faut faire confiance à une équipe et sa stratégie d’investissement.
Propos recueillis par Marc Munier