Classe d’actifs discrète, la dette privée semble faire son grand retour dans les portefeuilles. Emmanuel Narrat, fondateur d’Haussmann Patrimoine, nous livre son point de vue.
Emmanuel Narrat (Haussmann Patrimoine) : "Nous sommes encore dans une période où investir au sein de la dette privée fait sens"
Décideurs. Pouvez-vous revenir sur le fonctionnement de la dette privée ?
Emmanuel Narrat. Ce sont des obligations qui ne sont pas échangées sur le marché coté, et donc le rôle de la société de gestion est parfois de structurer cet engagement. Cela donne aux entreprises privées la possibilité d’avoir accès à des capitaux pour se développer sans ouvrir leur capital. Elles sont en concurrence avec toutes les obligations du marché, donc elles doivent offrir une prime de rendement intéressante. C’est là tout le rôle du gérant : trouver les sociétés les plus pérennes avec un taux attractif.
C’est un investissement risqué ?
Les gérants utilisent parfois des obligations convertibles car elles offrent une garantie supplémentaire que l’entreprise tienne ses engagements. Convertir une obligation revient à ouvrir son capital. Donc, lorsqu’une structure choisit de faire appel au marché pour de la dette, elle a cette épée de Damoclès au-dessus de la tête qui sous-entend que si elle n’honore pas ses engagements, elle se verra dans l’obligation de céder une part de son capital. Par ailleurs, certains gérants souscrivent des assurances externes et optionnelles contre les risques de défaut.
Il y a une succession de garanties qui, certes, ne supprime pas tous les risques, mais les réduit considérablement.
Pourquoi est-il question d’un intérêt grandissant des investisseurs pour cette classe d’actifs ?
Les points de vue divergent mais je fais partie de ceux qui, depuis près d’un an, pensent qu’à force de vouloir se battre contre l’inflation à tout prix, les banques centrales risquent d’aller trop loin pendant trop de temps, quitte à nous faire entrer dans une phase de déflation. Dans tous les cas, nous sommes encore dans une période où investir au sein de la dette privée fait sens, avec des taux de rendement attractifs.
En tant que conseil, comment choisissez-vous les fonds dans lesquels investir ?
Les émissions faites par les fonds d’infrastructures sont à mon sens très intéressantes. Ce sont des budgets toujours colossaux avec des besoins très forts sur cette classe d’actifs, et généralement sans concurrence. Ce sont des sociétés dotées d’un business model très concret, tangible, et ayant des taux de rendement meilleurs et un taux de défaut plus faible que la dette privée classique.
Plus généralement, nous regardons avant tout le track record de la société de gestion, mais aussi la clientèle de ces fonds, la séniorité de l’équipe, les performances des millésimes passés ainsi que l’innovation dans la gestion.
Propos recueillis par Marine Fleury