Le blé, la vigne ou le chêne ne sont pas aussi rentables ou séduisants que les cryptomonnaies en matière d’investissement, mais leur intérêt se trouve peut-être ailleurs, entre diversification et transmission. Dans une note de conjoncture de mai 2024, Benoît Léchenault, directeur d’Agrifrance – département spécialisé sur le marché du foncier rural de BNP Paribas Wealth Management – présente les grandes tendances du marché du foncier rural français. En voici les principaux enseignements.
Le bonheur est dans la prairie
Domaines agricoles
En 2023, le prix moyen d’un hectare de foncier agricole en France était de 7 880 euros pour les terres céréalières et de 6 410 euros pour les prairies naturelles. Au cours des dix dernières années, ces prix ont augmenté de 2,6 % par an. Le marché est influencé par le bénéfice généré, la qualité et la nature du sol, les améliorations, la structure de l’exploitation et les conditions climatiques.
Pour la première fois en quinze ans, le prix des terres céréalières a baissé de 1,5 % en 2023, tandis que celui des prairies naturelles a augmenté de 17,6 %. Cette baisse est due à la diminution des prix des céréales et à l’augmentation des coûts des intrants, impactant les revenus des agriculteurs. Malgré la diminution des cheptels, les revenus des éleveurs augmentent grâce à la hausse des cours des animaux. Le marché du foncier est influencé par ces évolutions, avec des terres céréalières atteignant plus de 20 000 euros par hectare dans les meilleures zones, et des régions moins chères autour de 2 500 euros.
Progression du foncier agricole libre de bail. Source : Valeurs Vénales, Agrifrance
Le marché du foncier agricole loué en France est estimé à environ 100 milliards d’euros, représentant 75 % du marché et 80 % des surfaces. La décote d’une terre louée varie de 0 à 60 %, avec une moyenne de 35 %. Pour les propriétaires bailleurs, le prix moyen se situe entre 3 790 et 5 340 euros par hectare. En 2023, les prix des terres louées baissent de 17 % pour les terres céréalières et de 4 % pour les prairies. Le rendement locatif brut oscille entre 3,7 % et 4 %. Le foncier rural reste attractif pour la diversification patrimoniale grâce à une fiscalité avantageuse pour la transmission.
Propriétés viticoles
Le prix d’un vignoble dépend fortement du marché du vin, notamment de la notoriété du domaine ou de l’appellation, surtout à l’export. Bien que des éléments comme le terroir, les plantations et l’état général de la propriété influencent sa valeur, les prix varient considérablement. En France, le prix moyen des vignes est de plus de 153 500 euros par hectare et a augmenté de 1,3 % par an en moyenne sur les dix dernières années, bien que cette moyenne masque des disparités importantes entre les régions.
Évolution du prix des vignes libres de bail en France. Source : SAFER*, Agrifrance
En 2023, les valeurs du foncier viticole baissent pour l’entrée et le milieu de gamme, avec une diminution de 7,6 % des transactions viticoles et de 12,8 % des surfaces cédées, totalisant 16 000 hectares. Toutefois, le foncier haut de gamme continue de progresser. La Bourgogne se distingue avec des hausses annuelles proches de 10 % sur dix ans. En Bordelais, des appellations comme Pomerol et Margaux suivent cette tendance, tandis que d’autres souffrent. L’AOP Bordeaux chute de plus de 13 % en un an. En Champagne, les prix restent stables à plus de 1,5 million d’euros par hectare, avec une progression de 3,1 % par an sur dix ans. L’Anjou et le Saumurois connaissent une hausse, notamment l’AOP Saumur Champigny qui progresse de 10,8 % en un an. En Provence, la demande ralentit, stabilisant ou baissant les prix. Les côtes-du-rhône sont en crise, avec des baisses de 3 à 13 % en entrée de gamme. Environ un hectare sur trois est vendu loué, les transactions représentant moins de 2 % de la surface totale.
Massifs forestiers
En 2023, 141 900 hectares de forêt ont été cédés en France, contre 155 100 hectares en 2022, marquant une diminution de 8,5 % des surfaces vendues. Les ventes de grandes forêts (plus de 100 hectares) représentent 38 % des surfaces vendues et baissent de 19,1 %, tandis que les ventes de petites forêts (moins de 100 hectares) diminuent de 4,8 %.
En 2023, le marché a diminué de 14,3 % en valeur, totalisant 21 670 transactions pour un montant de 1,98 milliard d’euros. Toutefois, sur les dix dernières années, le marché a progressé de 8,1 % par an en valeur.
Évolution du prix moyen et du prix maximum en forêt. Source : SAFER*, Agrifrance
En 2023, le prix moyen de l’hectare de forêt en France est de 4 750 euros, en hausse de 5,2 % par rapport à 2022, avec des prix variant de 720 à 14 750 euros par hectare. Sur dix ans, les prix maximaux ont augmenté en moyenne de 2,8 % par an. Plus de 75 % des surfaces cédées concernent des transactions de moins de 10 hectares. Les agriculteurs restent les principaux acquéreurs, souvent achetant avec des terres agricoles. La demande pour les forêts de plus de 100 hectares est moins soutenue, avec une offre limitée à 23 % des surfaces et 19,3 % des transactions. La baisse des prix du bois et le ralentissement du marché immobilier impactent le prix des forêts de moyenne gamme.
*SAFER : Société d’aménagement foncier et d’établissement rural