Éric Séheux et Raja Kchia (Officium AM) : "L’allocation d’actifs et la sélection d’experts sur chaque classe d’actifs sont essentielles dans notre métier"
Décideurs. Comment abordez-vous l’allocation d’actifs globale ?
Éric Séheux. L’accompagnement de nos investisseurs va au-delà de l’allocation financière. Nous devons comprendre les besoins et les objectifs de nos clients. Nous confrontons ainsi ces éléments à l’environnement macroéconomique et leur présentons nos convictions afin d’établir une stratégie. Nous allons jusqu’à son implémentation dans le patrimoine du client.
Comment se forgent vos convictions ?
Raja Kchia. Nous élaborons nos opinions avec l’appui de recherches économiques indépendantes et un accès privilégié à la recherche de grandes institutions financières. Nous construisons une allocation de long terme, alignée sur les besoins du client, son horizon de placement et son aversion au risque. L’allocation stratégique oriente nos choix de classes d’actifs et zones géographiques, à horizon six mois. Ces éléments sont revus de manière régulière et dynamique, tout en effectuant un suivi quotidien des marchés financiers, sans perdre de vue nos convictions.
E.S. Afin de compléter notre travail de recherche, nous prêtons attention aux convictions des investisseurs institutionnels, notamment nord-américains. Ils ont une vision de long terme, intégrant aussi bien les actifs cotés que non cotés.
Selon quels critères choisissez-vous les gérants ?
R. K. Les critères sont quantitatifs mais aussi qualitatifs. Nous travaillons uniquement en architecture ouverte. Dans un premier temps, nous analysons aussi bien les données de performances que de risque, sur moyennes périodes, 1, 3 et 5 ans. L’objectif étant de sélectionner des gérants qui délivrent une surperformance régulière dans un cadre de risque et une volatilité maîtrisés. Il est primordial de rencontrer les gérants afin d’approfondir leurs processus, le mode d’organisation des équipes de gestion et de risques et d’échanger sur les portefeuilles. Au travers de cette analyse, nous cherchons à appréhender le caractère reproductible des performances.
E. S. Nous sélectionnons en toute indépendance, ce qui nous permet également d’être agiles dans nos décisions d’investissement comme de désinvestissement, sans contrainte liée à une équipe interne ou à un fonds maison. Ce modèle de gestion en architecture ouverte nous permet cette flexibilité, cette agilité.
R. K. Notre but est de sélectionner le ou les meilleurs gérants pour chaque classe d’actifs. Nous construisons ensuite les portefeuilles de nos clients en combinant gestions passive et active. Une étude récente a montré que seuls 12,58 % des gérants américains parviennent à surperformer le S&P 500 sur dix ans, et ce sont ces gérants que nous nous efforçons de sélectionner. Concernant le suivi des gérants, nous avons accès aux portefeuilles, ce qui nous permet de limiter les « overlaps » entre les fonds, d’éviter la concentration des expositions, avec le souci permanent du pilotage des risques.
En quoi la sélection de gérants cotés diffère-t-elle de celle des spécialistes non cotés ?
R. K. Nous avons accès facilement aux gérants cotés et aux données les concernant, si bien que l’information n’est pas un enjeu.
E. S. Quant aux marchés non cotés, ils sont par nature non efficients et non liquides. La même philosophie s’applique à la sélection des stratégies non cotées avec un univers très large de gérants internationaux et du monde institutionnel. Nous y avons accès grâce au réseau et expertise des associés depuis plus de 20 ans, à notre présence chez France Invest, et grâce à notre réseau de clients qui sont pour certains des professionnels du monde du non coté. Nous développons ainsi notre dixième génération de fonds nourriciers.
Quelle est la place de l’investissement socialement responsable dans votre approche ?
E.S. C’est un sujet prépondérant, d’autant plus concernant les placements non cotés avec lesquels nous sommes engagés sur le long terme. Une allocation socialement responsable peut cependant induire des sur-représentations sectorielles ou géographiques. Ainsi, tout en intégrant un caractère ESG, notre politique d’investissement reste diversifiée et pragmatique.