Afin de se concentrer sur les médicaments et vaccins innovants, Sanofi a annoncé en octobre être entré en négociations exclusives pour céder Opella, sa filiale qui produit notamment le Doliprane. Une cession qui a réveillé les inquiétudes sur la souveraineté française en matière de santé.

C’est une cession qui fit grand bruit. En octobre, Sanofi annonce entrer en négociations exclusives avec le fonds américain Clayton Dubilier & Rice (CD&R) en vue de la vente de 51 % de sa filiale Opella. Une entité qui produit notamment le Doliprane. Il n’en fallait pas plus pour déclencher une levée de boucliers. Les salariés et l’État s’inquiètent. Les premiers pour leur emploi, le second pour les risques que cette vente ferait peser sur la souveraineté de la France en matière de santé. Les traumatismes du Covid ne sont pas si loin.

Numéro 3 mondial

La décision de Sanofi n’a pourtant rien d’une surprise. Nommé en 2019, le nouveau directeur général du groupe, Paul Hudson, s’est donné pour mission de transformer l’entreprise. Sa stratégie : miser sur le lancement de médicaments et vaccins innovants. En octobre 2023, le laboratoire pharmaceutique déclare vouloir se séparer de son activité Santé Grand Public, Opella.

Le groupe "étudie les scénarios de séparation possibles, mais estime que la voie la plus susceptible d’être empruntée serait celle d’une opération sur les marchés de capitaux par la création d’une société cotée en Bourse dont le siège serait à Paris", précisait alors le communiqué de presse. Sans écarter l’idée d’une IPO, Sanofi lance en juin 2024 un appel d’offres qui aiguise les appétits de CD&R ainsi que ceux de PAI Partners.

En octobre dernier, le groupe annonce être entré en pourparlers avec CD&R pour lui céder Opella, le numéro 3 mondial des médicaments sans ordonnance, vitamines, minéraux et compléments alimentaires. La filiale emploie alors plus de 11000 personnes, opère dans 100 pays, compte "100 marques leaders" dans son portefeuille et gère 13 sites de production ainsi que 4 centres de R&D. Sa valorisation est d’environ 16 milliards d’euros, soit 14 fois son Ebidta.

Garanties

Dans un contexte de pénuries récurrentes de médicaments, le dossier est sensible pour l’État, même si le paracétamol, molécule du Doliprane, est tombé dans le domaine public. C’est pourquoi, après les négociations, il est convenu que Bpifrance – le bras armé financier de la France – prendrait jusqu’à 2 % du capital d’Opella et serait représenté au conseil d’administration du fabricant. "Nos exigences sur l’emploi, la production et l’investissement seront respectées. Pour le Doliprane et les autres médicaments essentiels au pays", assure le ministre de l’Économie Antoine Armand.

Certains experts ont appelé à ne pas occulter les vraies difficultés auxquelles fait face l’industrie pharmaceutique française. Plutôt que de s’offusquer de la vente d’une entité qui fabrique une molécule ancienne, "Ne serait-il pas plus pertinent de s’inquiéter du retard de la France en matière d’innovation technologique dans le domaine de la santé, vrai risque pour notre souveraineté ?", interrogeait dans Décideurs, Renée Kaddouch, docteur en droit et associée au sein du cabinet d’avocats Squair. En tout cas, la stratégie de Sanofi, qui consiste à se concentrer sur les traitements innovants, vise à combler ce retard pris par l’Hexagone.

Oliva Vignaud

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