Téléexpertise, équipe de soins, protocole de soins, protocole pluriprofessionnel, protocole de coopération… Il est aisément possible de se perdre dans toutes les possibilités qui sont offertes aux professionnels de santé pour collaborer entre eux dans le cadre de la prise en charge des patients.

S'il n’est pas un mécanisme nouveau, le protocole de coopération mérite une attention particulière pour les opportunités qu’il offre aux professionnels de santé de proposer, notamment, une offre de soins élargie ou réduire le délai de prise en charge des patients dans des zones tendues. Initialement prévu par l’article 51 de la loi Hôpital Patients Santé Territoires (HPTS) de 2009, le dispositif des protocoles de coopération a été rénové avec la loi Organisation et transformation du système de santé (OTSS) du 24 juillet 2019. Le protocole de coopération permet aux professionnels de santé de transférer des activités ou actes de soins ou prévention à d’autres professionnels de santé de titre et de formation différents.

Par exemple, un médecin pourra déléguer la réalisation d’actes à une sage-femme, un pharmacien, un infirmier, un orthoptiste ou encore un opticien notamment. De même, un masseur-kinésithérapeute pourra déléguer des actes à un ergothérapeute, un infirmier à un aide-soignant, etc. Les possibilités sont nombreuses : aussi bien les professionnels médicaux (médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes) que les paramédicaux peuvent être à l’initiative de cette délégation. Ainsi, un délégant transfère des actes activités de son champ d’exercice à un délégué dans le cadre du protocole. Le délégué se voit donc accorder le droit de réaliser de nouveaux actes ou activités, qui n’entrent pas dans son champ réglementaire de compétences, dans le cadre précis du protocole. Le protocole de coopération se distingue alors du protocole de soins et du protocole pluriprofessionnel dans lesquels les professionnels de santé agissent tous dans leur champ de compétence réglementaire car aucune délégation d’actes n’a été opérée.

Le délégué se voit donc accorder le droit de réaliser de nouveaux actes ou activités, qui n’entrent pas dans son champ réglementaire de compétences

Dans la mesure où l’objectif des protocoles de coopération est de faciliter l’accès des patients aux soins et de soulager les professionnels de santé qui ne parviennent plus à répondre aux besoins des patients, les délégués et les délégants ne sont pas contraints d’exercer sur le même site. Les seules obligations sont que le délégué puisse contacter le délégant en cas de besoin, que les données de santé soient échangées de manière sécurisée et que les patients puissent consulter les délégants si cela s’avère nécessaire. Il existe deux types de protocoles de coopération : les protocoles nationaux et les protocoles locaux.

Le protocole de coopération national est un protocole dont le projet a été validé par la Haute Autorité de santé (« HAS ») et autorisé par arrêté ministériel. Cette trame va définir les exigences de qualité et de sécurité des soins, les qualifications, expériences et formations nécessaires des professionnels délégants et délégués ainsi que la manière dont se déroulera le parcours patient. Une fois, le projet de protocole proposé par arrêté, les équipes soignantes volontaires peuvent adhérer au protocole en se déclarant sur la plateforme nationale « Démarches simplifiées ».

En pratique, une seule personne de l’équipe, délégant ou délégué, déclare l’adhésion des différents professionnels qui souhaitent s’engager dans le dispositif. Au minimum, un binôme délégant/délégué est requis pour que le protocole soit mis en place. Il y a, à ce jour près d’une vingtaine de protocoles de coopération nationaux autorisés que ce soit en établissements de santé, en structures pluriprofessionnelles ou en libéral. Les secteurs d’activité et les professionnels concernés sont tout autant variés : cardiologie, gériatrie, plaies, vaccination, radiologie interventionnelle, ophtalmologie, handicap…

Il y a, à ce jour près d’une vingtaine de protocoles de coopération nationaux autorisés que ce soit en établissements de santé, en structures pluriprofessionnelles ou en libéral

Si la liste des protocoles de coopération ne répond pas aux besoins de certains territoires, il est possible pour les équipes intéressées de rédiger un protocole de coopération local. À la différence du protocole national, le protocole local sera réservé à la seule équipe promotrice. Le protocole de coopération local offre une grande souplesse aux professionnels de santé quant au nombre de structures éligibles: établissements publics ou privés de santé, établissements d’un même groupement hospitalier de territoire, structures médico-sociales et structures d’exercice coordonné en ville (équipe de soins primaires, centre de santé, maison de santé pluriprofessionnelle, communauté professionnelle de santé…).

Dès lors qu’un binôme délégant/délégué constate a minima un besoin dans la prise en charge des patients au niveau de son territoire, il élabore le protocole, le transmet à l’Agence régionale de santé (« ARS ») territorialement compétente via la plateforme publique « Démarches simplifiées » et peut immédiatement mettre en œuvre le protocole. L’ARS transmettra le protocole, pour information, à la HAS qui pourra alors étudier l’opportunité de proposer un protocole de coopération national. Il n’y a pas de contrôle a priori pour la mise en œuvre des protocoles. Cependant, l’ARS peut toujours suspendre ou annuler la mise en œuvre d’un protocole en cas d’événements indésirables répétés ou graves ou si les exigences réglementaires de sécurité et de qualité ne sont plus respectées.

Applicables tant aux protocoles locaux que nationaux, ces exigences réglementaires de sécurité et de qualité sont définies par l’article R. 4011-1 du Code de la santé publique. Elles concernent la construction générale du protocole, la sécurité de la prise en charge des patients et l’organisation de l’équipe mettant en œuvre le protocole. Aussi, la mise en œuvre d’un protocole nécessite la formation des équipes, notamment celle des délégués puisqu’effectivement les délégués seront chargés de mettre en œuvre des compétences auxquelles ils n’ont pas été formés lors de leur formation initiale. Si, dans les protocoles nationaux, la formation attendue est précisée, pour les protocoles locaux, les équipes promotrices (les délégants) définiront elles-mêmes les conditions de formation des délégués.

L’adhésion à un protocole est toujours individuelle. Cela signifie qu’aucun professionnel ne peut être contraint d’adhérer à un protocole quand bien même la structure dont il relève est à l’origine de la mise en œuvre d’un protocole. Chaque nouvelle adhésion d’un professionnel devra être enregistrée via Démarches simplifiées auprès des autorités compétentes. Qu’en est-il du côté des patients ? Les délégués et les délégants se doivent de respecter les modalités d’information et de prise en charge des patients définies dans le protocole. Les patients sont informés des conditions de leur prise en charge dans le cadre du protocole. En cas de besoin, ils sont invités à consulter le délégant. C’est pourquoi le délégué doit toujours s’assurer de pouvoir joindre le délégant. Cela n’implique pas nécessairement une disponibilité en temps réel, les protocoles et les pathologies concernées en définiront les modalités.

Les outils de communication à distance proposés dans le cadre des plateformes de télémédecine ou télésoins seront tout indiqué pour joindre et communiquer avec le délégant dans la mesure où ils répondent aux exigences de sécurité. Mais il faut bien comprendre que le protocole de coopération n’a pas pour ambition d’encadrer des relations de télémédecine (téléconsultation ou télé expertise) ou de télésoins entre délégant et délégué. Le protocole de coopération va plus loin en confiant à l’un des tâches qu’il n’est pas, en conditions normales, légalement autorisé à réaliser.

La rémunération des professionnels participant à un protocole a également été réglée par le législateur. En établissement de santé public, ils peuvent bénéficier d’une prime mensuelle fixée à 100 € brut peu importe le nombre de patients concernés par le protocole. En structure d’exercice coordonné la rémunération provient de l’ARS ou du Fonds d’intervention régional (FIR) sous forme de subvention annuelle à la structure initiatrice. En termes de responsabilité des professionnels, la règlementation ne prévoit aucune mention spécifique. Par conséquent, ce sont les règles de droit commun qui s’appliquent : les délégants et les délégués sont responsables à titre personnel de leurs décisions et de leurs actes. Cela est confirmé par l’article R. 4011-1 du code de la santé publique qui imposent aux professionnels de santé concernés de déclarer leur engagement dans un protocole de coopération auprès de leurs compagnies d’assurances de responsabilité civile professionnelle respectives et, éventuellement des établissements de santé dont ils relèvent.

Les protocoles de coopération permettent donc, certes de manière très encadrée, à des professionnels de santé de voir leur domaine de compétence élargi par délégation de tâches d’une autre profession afin d’assurer plus facilement aux patients, entre autres, un accès aux soins et une prise en charge adaptée.

SUR LES AUTEURS

Forte de son expérience d’ancienne directrice juridique dans différents laboratoires pharmaceutiques, Isabelle Vigier, qui a une connaissance complète et opérationnelle de la mise sur le marché de produits de santé, a choisi d’apporter son expertise et son savoir-faire à ses clients, mais également des solutions pratiques grâce à sa connaissance du monde de l’entreprise.

Après une thèse en droit européen de la santé sur la qualité et la sécurité des médicaments et dispositifs médicaux, et une expérience au ministère de la Santé, Sarah Bister accompagne les clients sur les questions stratégiques liées à la réglementation européenne des produits et sur les aspects des données personnelles.

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