Économie circulaire : quels impacts pour les acteurs de la santé
La loi Agec : un impact majeur pour la protection de l’environnement
La loi n° 2020-105 "relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire" (Agec), adoptée le 10 février 2020, couvre de nombreux domaines et introduit une centaine de mesures avec pour objectif de profondément transformer notre système de production et de consommation à travers cinq axes :
- la sortie progressive du plastique jetable ;
- une meilleure information des consommateurs ;
- une amélioration de la gestion des déchets en luttant contre le gaspillage et favorisant le réemploi solidaire ;
- l’action contre l’obsolescence ;
- de meilleures méthodes de production.
Ces objectifs se traduisent par de nombreuses nouvelles obligations, interdictions et outils susceptibles d’avoir un impact direct ou indirect pour la plupart des entreprises tous secteurs confondus.
Responsabilité élargie des producteurs (REP) : une mise à contribution étendue aux dispositifs médicaux perforants et aux autotests
Pour le développement de l’économie circulaire, le concours de tous les industriels est requis et les entreprises du secteur de la santé n’échapperont pas à ces nouvelles obligations dès lors que leurs produits génèrent des déchets en fin de vie. La loi Agec a ainsi allongé la liste des filières soumises à la REP qui comprend désormais les dispositifs médicaux (DM) perforants et les autotests, et parmi lesquelles se trouvaient déjà les emballages, les équipements électriques et électroniques (EEE) ou encore les médicaments.
Pour le développement de l’économie circulaire, le concours de tous les industriels est requis
Ainsi, tout producteur de médicaments, dispositifs médicaux, compléments alimentaires ou cosmétiques est susceptible d’être concerné (ne serait-ce que sous le prisme de la filière des emballages), et doit donc se montrer vigilant compte tenu de la diversité des nouvelles exigences introduites par la loi Agec et de l’importance des mesures que peut exiger leur mise en œuvre.
Un axe prioritaire: l’information des consommateurs… et des patients !
Les mesures relatives à l’information du consommateur revêtent un enjeu particulièrement déterminant pour la gestion de la fin de vie des produits. La loi Agec introduit à ce titre deux mesures phares que sont l’obligation d’apposer une signalétique harmonisée (logo "Triman" et consignes "info-tri") sur tous les produits ou emballages et l’obligation d’informer les consommateurs quant aux qualités et caractéristiques environnementales des produits et emballages.
- L’obligation d’apposer une signalétique harmonisée (logo "Triman" et consignes "info-tri") :
Chaque filière soumise à la REP concernée par cette nouvelle obligation dispose d’une signalétique propre. Pour les médicaments, l’info-tri dédiée a été développée par Cyclamed en partenariat avec les éco-organismes des emballages ménagers, qui permet d’informer les "patients-consommateurs" sur la gestion des déchets pharmaceutiques ménagers et ainsi de limiter les impacts environnementaux des médicaments non utilisés ou périmés. En raison de l’obligation de détenir un stock de sécurité de médicaments destiné au marché national, les médicaments et les dispositifs médicaux bénéficient d’une prolongation du délai d’écoulement des stocks.
Il est cependant intéressant de noter que le 15 février 2023, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France à ce sujet, invoquant notamment l’absence d’harmonisation au niveau européen, l’atteinte au principe de libre circulation des marchandises et le risque lié aux potentiels effets contreproductifs sur l’environnement (étiquetage additionnel, taille des emballages plus importante). Dans l’attente de l’issue de cette procédure, le respect des règles d’étiquetage demeure obligatoire.
- L’obligation d’informer les consommateurs quant aux qualités et caractéristiques environnementales des produits et emballages :
Cette obligation, en vigueur depuis le1er janvier 2023, demande à mettre à disposition des consommateurs, via un système d’affichage dématérialisé (une "fiche produit"), des informations précises déterminées selon la catégorie de produits : incorporation de matière recyclée, emploi de ressources renouvelables, durabilité, compostabilité, réparabilité, possibilités de réemploi, recyclabilité et présence de substances dangereuses, de microfibres plastiques, de métaux précieux ou de terres rares.
Il n’est en revanche pas toujours aisé de savoir si l’on se trouve en présence d’un emballage. Citeo (l’éco-organisme dédié aux emballages ménagers), a apporté la précision suivante concernant les produits de santé : les verres doseurs, cuillères, pipettes et autres instruments d’administration ne sont pas des emballages ménagers et ne doivent pas être triés dans le bac de tri.
Pêle-mêle d’autres mesures susceptibles d’impacter le secteur de la santé
- Encadrement des allégations environnementales : une mesure d’importance concerne l’encadrement des allégations environnementales avec de nouvelles exigences strictes en la matière afin de combattre le greenwashing : interdiction de faire figurer "respectueux de l’environnement" ou "toute autre mention équivalente" sur un produit ou un emballage.
Pour les médicaments, l’info-tri dédiée permet d’informer les "patients consommateurs" sur la gestion des déchets pharmaceutiques
- Dispensation de médicaments à l’unité : afin de lutter contre le gaspillage, la loi Agec a introduit un article offrant la possibilité aux pharmaciens de délivrer des médicaments à l’unité, lorsque leur forme pharmaceutique le permet pour ne dispenser que ce dont le patient a besoin et non plus une boîte complète.
Ainsi, depuis le 1er mars 2022, les pharmaciens d’officine sont autorisés à dispenser les antibiotiques à l’unité.
- Interdiction d’utiliser des huiles minérales sur les emballages : cette interdiction vise à prévenir l’usage d’huiles minérales comportant des substances perturbant le recyclage des déchets ou limitant l’utilisation du matériau recyclé en raison des risques que présentent ces substances pour la santé humaine. Les modalités d’application de cette interdiction, les teneurs maximales tolérées en MOSH et MOAH dans les encres et les délais d’entrée en vigueur de cette nouvelle interdiction, ont été précisés par décret et arrêté.
- Interdiction des microplastiques : à compter de 2024, les dispositifs médicaux contenant des microplastiques seront interdits (à l’exception des biodégradables ou non modifiés chimiquement).
Les cosmétiques sont également concernés par cette mesure, notamment les produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage et à partir du 1er janvier 2026, tous les autres produits cosmétiques rincés (shampoings, produits de coloration, gels douche et démaquillants).
SUR LES AUTEURS
Alexandre Vuchot, Co-Managing Partner de Bird & Bird, dirige le département commercial du bureau parisien. Johanna Harelimana est avocate collaboratrice au sein de Bird & Bird à Paris. Son activité est dédiée aux sciences de la vie et au droit de la santé.