À terme, l’instauration d’un brevet unitaire en Europe permettra d'obtenir une protection de son innovation dans 24 Etats membres de l'UE par le biais d'une seule demande déposée auprès de l'Office Européen des Brevets. Une avancée de taille que les entreprises françaises doivent considérer, écrivent les membres de la CNCPI, de l’ASPI, du Barreau de Paris et du CNB.

La promesse tient en quelques mots. Protéger son innovation dans l’ensemble de l’Union Européenne par le biais d’un seul brevet.

Bien plus qu’une avancée pour le domaine de la propriété intellectuelle, l’enjeu est en réalité de taille pour l’Europe.

Sur le plan politique, d’abord, l’introduction du brevet unitaire prévue d’ici quelques mois viendra concrétiser près de 50 années de travaux et d’échanges diplomatiques entre les membres de l’UE. Sur le plan économique, ensuite, ce mécanisme permettra de traduire, en des termes concrets, la volonté affichée par la Commission Européenne d’assurer la reprise et la résilience dans l’UE par le biais de la propriété intellectuelle (PI).

Car, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les secteurs à forte intensité de droits en PI représentent près de 45 % du PIB de l’Europe et contribuent directement à la création de presque 30 % de l’ensemble des emplois, selon une étude conjointe menée par l’Office Européen des Brevets (OEB) et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

L’introduction du brevet unitaire prévue d’ici quelques mois viendra concrétiser près de 50 années de travaux et d’échanges diplomatiques entre les membres de l’UE.

Pourtant, il faut le reconnaître, trop d’entreprises et notamment des PME, restent encore en retrait. La raison ? Un système des brevets jugé souvent trop complexe et couteux.

Un semblant d’unité

Certes, depuis 1973, l’OEB gère une procédure centralisée d’examen et de délivrance des brevets au niveau de l’Europe. Mais, au-delà de l’effet d’unité affiché, cette procédure consiste en réalité en l’obtention d’une multitude de brevets nationaux. Car, une fois le brevet européen délivré par l’OEB, une entreprise devra alors le valider dans un ou plusieurs Etats qu’elle aura choisis parmi les 38 Etats signataires de la Convention sur le Brevet Européen.

Naturellement, ces procédures apportent leur lot de déconvenues. Au niveau des coûts, d’abord. Alors que certains Etats exigent une traduction, complète ou partielle, des documents techniques liés à la validation d’un brevet ainsi que le paiement de taxes, le titulaire doit également veiller à maintenir son brevet en vigueur dans chaque Etat où il produit ses effets par le paiement d’une taxe annuelle.

Pire encore, ce système soumet les entreprises aux distorsions de décisions. Le brevet européen échappant au contrôle d’un juge unique, il oblige son titulaire à le défendre devant autant de juridictions locales que d’Etats où il revendique une protection. De fait, l’insécurité juridique et, donc, économique prévaut pour les entreprises.

A terme, pourtant, la création d’une nouvelle institution juridique devrait pallier ce problème. Connue sous le nom de Juridiction unifiée du brevet (JUB), celle-ci constitue le pan judiciaire du brevet unitaire et aura pour mission de juger sa validité et sa contrefaçon sur l’ensemble du territoire de l’Union Européenne.

Nouveau système, nouveaux enjeux

L’avantage de ce nouveau système pour les entreprises est donc double.

D’une part, elles pourront accéder à un brevet unique produisant ses effets dans tous les Etats membres de l’Union Européenne ayant ratifié l’Accord sur la JUB – 17 Etats à l’heure actuelle avec deux grands absents, néanmoins : le Royaume-Uni depuis sa sortie de l’UE et l’Espagne dont la ratification n’est pas envisagée. D’autre part, elles auront accès à une seule et même institution compétente pour traiter les contentieux civils dont les décisions s’imposeront à tous les Etats participants.

Les entreprises pourront accéder à un brevet unique produisant ses effets dans tous les Etats membres de l’Union Européenne ayant ratifié l’Accord sur la JUB.

A cette simplicité d’exécution, s’ajoutera la réduction des coûts. Dans son plan d’action pour la reprise et la résilience dans l’UE, la Commission indiquait que l’obtention d’un brevet unitaire et son maintien pendant une durée standard coûteraient près de six fois moins qu’à l’heure actuelle.

Reste à savoir comment le déposant pourra accéder à ce brevet unitaire ?

Là encore, la procédure sera allégée. L’entreprise ou l’inventeur indépendant devra opter pour une option supplémentaire à la demande de brevet européen classique. Ainsi, lors de sa délivrance, le déposant pourra requérir, sans taxe additionnelle, l’effet unitaire de son brevet et/ou valider son brevet dans certains États selon le système actuel.

Une protection plus ambitieuse

Le système imaginé en 1973 nous a légué un héritage concret : plus de 180 000 demandes émanant du monde entier déposées auprès de l’OEB chaque année, une évolution croissante des demandes au cours de la dernière décennie, et des brevets dont la qualité est internationalement reconnue.

Le nouveau système nous offrira une simplicité d’exécution, une réduction des coûts et, in fine, une meilleure protection de nos innovations. A nos entreprises et nos inventeurs, à présent, de se l’approprier.

Tribune co-signée par la Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle (CNCPI), l’Association Française des Spécialistes en Propriété Industrielle de l'Industrie (ASPI), le barreau de Paris et le Conseil National des Barreaux (CNB).

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