Avocat de formation, David El Sayegh, nommé en 2013 secrétaire général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), a participé à la mise en place des directives sur le droit d’auteur adoptées le 17 avril 2019. Depuis octobre 2021, il occupe les fonctions de directeur général adjoint de la Sacem, aux côtés de Cécile Rap-Veber.

Décideurs. Quelles sont les grandes missions de la Sacem ?

David El Sayegh. L’objectif de la Sacem c’est la transformation, tout en préservant nos fondamentaux. Nous sommes fiers de ce que nous sommes : une société à but non lucratif qui appartient aux auteurs, compositeurs et éditeurs et dont la principale activité est la collecte et la répartition de leurs droits. La Sacem accompagne également ses membres à chaque étape de leur carrière et elle s’engage, à travers son action culturelle, pour une création diverse et durable.

Sans compter les nombreuses mutations technologiques et techniques auxquelles nous devons faire face et qui entraînent à la fois une mondialisation des échanges, puisque nous négocions avec des acteurs mondiaux – qu’il s’agisse de Netflix, Spotify, YouTube, Disney, notamment – et l’augmentation de la consommation à travers des plateformes interactives. Un phénomène qui s’est accéléré ces deux dernières années avec la crise sanitaire.

En matière de rémunération des auteurs par les plateformes, quels sont les effets de la directive droit d’auteur de 2019 ?

Le 22 juin 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt favorable à YouTube estimant que les plateformes ne pouvaient pas être systématiquement responsables des violations du droit d’auteur par leurs utilisateurs. Une décision qui intervient avant l’entrée en vigueur de cette directive droit d’auteur qui dit exactement le contraire !

"La directive droit d'auteur a permis de corriger une asymétrie en termes de négociation avec les plateformes. Elle porte en elle des fondamentaux très sains dont une plus grande responsabilité de ces acteurs"

La directive a changé la donne avec les plateformes. Nos accords se sont vus sécurisés : les plateformes ont une obligation de négocier avec les titulaires de droits. Certaines d’entre elles qui refusaient de négocier n’ont désormais plus le choix. Elles doivent être plus transparentes, plus réactives par rapport à nos revendications.

La directive a également permis de corriger une asymétrie en termes de négociation avec ces sites. Elle porte en elle des fondamentaux très sains dont une plus grande responsabilité de ces plateformes qui participent à la communication publique des œuvres. Il faudrait néanmoins améliorer le niveau de transparence des données qu’elles communiquent.

Concernant les NFT, comment la Sacem appréhende-t-elle cette nouvelle donne ?

Les NFT sont des fichiers numériques à part, car nécessitant un certificat d’authentification. En fait, le NFT n’est autre que du téléchargement donc un mode d’exploitation traditionnel. En revanche, les outils techniques qui se déploient autour du NFT sont innovants avec la blockchain, le smart contract, la cryptomonnaie.

Nous devons donc être en mesure d’utiliser les nouvelles fonctionnalités de ces technologies et d’introduire des informations pertinentes. Ce sont des chantiers en cours.

Quels sont vos chantiers prioritaires ?

Beaucoup de nos réflexions actuelles se portent sur l’audiovisuel, notamment sur les plateformes de SVOD [pour Subscription Video On Demand, Ndlr], un secteur qui travaille différemment des acteurs traditionnels de l’audiovisuel que sont les chaînes de télévision et les producteurs. Si le plus difficile a été fait car nous avons déjà conclu des accords avec Netflix, Disney ou Amazon, le mode de fonctionnement de ces acteurs est très différent et nous devons veiller à maintenir la diversité culturelle, un enjeu très important pour nous. Faire en sorte que ces acteurs internationaux fassent travailler des créateurs locaux est primordial.

"Pour devenir pleinement une "data company", nous devons désormais muscler notre informatique"

Ensuite, la Sacem a adopté une démarche en matière de  R&D qui s’appuie sur deux piliers : le droit et l’informatique. Le droit parce qu’il renforce notre capacité à agir et l’informatique pour le traitement massif de données. Aujourd’hui, nous traitons, analysons et répartissons 170 000 milliards de streams musicaux provenant de toutes les plateformes… Pour devenir pleinement une "data company", nous devons désormais muscler notre informatique.

Par ailleurs, pour appliquer notre stratégie "plus de droit, plus de répertoires et plus de territoires", nous devons être capables d’agréger davantage de répertoires internationaux, notamment anglo-américains.

Propos recueillis par Anne-Sophie David

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