Celle qui a pris les rênes de Solvay en 2019 doit être sur tous les fronts en cette période de crise. Pour elle, les tempêtes sont l’occasion de mettre en valeur la vision des femmes, l’un de ses combats personnels.

Accompagnement des collaborateurs confinés, lancement d’un fonds de solidarité, accélération des mesures d’économie, définition de la raison d’être de l’entreprise… En 2020, Ilham Kadri n’a pas ménagé sa peine. Et, visiblement, cela paie puisque Solvay résiste à la conjoncture et peut se targuer d’un chiffre d’affaires en hausse de 5 % sur le quatrième trimestre.

Des résultats qui parlent pour elle

La nomination d’Ilham Kadri à la direction du groupe belge de chimie en a surpris plus d’un. La dirigeante n’a pas fait de grande école et n’est pas issue de l’establishment. Ce qui a convaincu le conseil d’administration ? Sa vision, son charisme, son style de management ou encore son parcours. Lors de sa précédente expérience, cette quinquagénaire avait redressé Diversey, un spécialiste des produits d’entretien et de nettoyage qui battait de l’aile. Sous sa coupe dès 2013, l’entreprise a généré une croissance des bénéfices et des revenus à deux chiffres. Dans le même temps, les indicateurs d’engagement des collaborateurs atteignaient des records.

Elle rend régulièrement hommage aux "héroïnes invisibles"

"Nous ne fabriquons pas du savon, nous sauvons des vies", déclarait à cette époque Ilham Kadri. Un discours loin d’être démagogique pour celle qui souffrit l’année de son bac de typhoïde, faute d’une eau de qualité dans son Maroc natal, et qui faillit en mourir. La CEO est issue d’une famille très pauvre. Élevée par sa grand-mère, une femme de ménage qu’elle admirait beaucoup, elle rend régulièrement hommage aux "héroïnes invisibles" et s’investit également pour l’égalité des genres. Ce qui passe par davantage de diversité au sein des entreprises mais aussi par une meilleure "capacité à être inclusif".

Cette problématique était au menu du dernier Women’s Forum. À cette occasion, Ilham Kadri martelait aux Échos : "Il ne suffit pas de parachuter une viceprésidente aux États-Unis ou une CEO chez Solvay pour dire que le problème est réglé. Sans vouloir blesser certains egos, nous restons toutes des anecdotes… De bonnes anecdotes, j’espère."

Une citoyenne du monde

C’est grâce à deux bourses obtenues au Maroc et en France qu’Ilham Kadri traverse la Méditerranée pour intégrer une prépa Maths sup avant de se lancer dans des études de chimie à Mulhouse, à Lyon, au Canada puis à Strasbourg. Docteur en physico-chimie macromoléculaire, celle qui "aurait pu être une grande chercheuse" selon son directeur de thèse, multiplie les expériences sur des sujets tels que la stratégie, la gestion d’activités ainsi que le digital dans des secteurs tout aussi divers que l’automobile, le pétrole, l’activité minière, le dessalement de l’eau ou encore la construction.

Lors de sa nomination chez Solvay, un cadre du groupe confiait au Monde : "Elle arrive à un moment où l’industrie a sans doute touché son haut de cycle, et va connaître des heures plus difficiles." Depuis, le cygne noir de la crise sanitaire a bel et bien donné du corps à cette prédiction. Mais c’est dans la tempête que les vrais leaders se révèlent. Si Ilham Kadri confie au Journal du dimanche ne jamais avoir été confrontée à un choc d’une telle ampleur, elle souligne néanmoins que "les crises mettent en valeur la vision des femmes". De ce marasme, les dirigeants espèrent plus de digitalisation et une économie davantage tournée vers l’écologie. Ilham Kadri ajoute un objectif, et pas des moindres, celui de la parité.

Olivia Vignaud

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