Outre la revalorisation des rémunérations des soignants, le Ségur de la santé s’est fixé trois grands chantiers de réformes : l’investissement et le financement des hôpitaux, et l’organisation des soins et leur coordination dans les territoires.

A peine les revalorisations de salaires des soignants signées, le gouvernement s'est attaqué à de nouveaux chantiers, avec l'objectif d'insuffler une plus grande flexibilité à l'hôpital. Le Premier ministre Jean Castex a ajouté, lors de son discours de politique générale, un  "investissement inédit" de 6 milliards d’euros pour le système de santé. Il s'ajoute aux 13 milliards d'euros de reprise de la dette des hôpitaux – sur environ 30  milliards – actés avant la pandémie.

Cette dernière mesure devrait permettre aux établissements de dégager entre 800 millions et 1 milliard d'euros par an, afin d'équilibrer leur budget et de retrouver des marges d'investissement. La nouvelle enveloppe de 6 milliards doit, de son côté, "donner davantage de souplesse aux établissements, intégrer la qualité des soins dans les règles de financement des hôpitaux et des médecins de ville" et "mettre l’accent sur la prévention".

Des contreparties aux revalorisations

En rattrapant – un peu – le retard des salaires des personnels soignants, le gouvernement veut aussi se défaire des freins à l'organisation des établissements, à commencer par les 35 heures, qui ralentissent le recours aux heures supplémentaires, aujourd'hui plafonnées à 20 heures par mois, avec des dérogations possibles, mais complexes à obtenir, sauf en cas d'urgence, comme une pandémie. Un paradoxe, alors que nombre de soignants cumulent aujourd'hui un deuxième emploi ou font de l'intérim pour occuper leurs RTT. Les établissements pourront ainsi mettre en place "des dispositifs d'annualisation du temps de travail", mais aussi négocier avec chaque employé "la réalisation d'un quota annuel d'heures supplémentaires dans les limites prévues par la réglementation."

Décentraliser l'organisation des soins

Pourtant, avec ou sans les 35 heures, les hôpitaux ne peuvent traiter tous les patients de France. Bien avant la pandémie, l'embolie des services d'urgence était déjà pointée, avec, parmi ses principales causes, les problèmes d'accès à la médecine de ville. "C’est en partant des territoires que nous progresserons sur le sujet de l’accès à un médecin de ville", a souligné le Premier ministre, qui veut "attirer davantage de médecins en région".

"Avec ou sans les 35 heures, les hôpitaux ne peuvent traiter tous les patients de France"

De nouvelles responsabilités se dessinent également pour les hôpitaux, à travers l'organisation des soins. Là aussi, des réformes avaient été lancées avant l'épidémie. Elles vont s'accélérer, notamment en matière de paiement à l’épisode de soins (EDS). Contrairement à la facturation à l'acte T2A, elle prévoit un forfait global de prise en charge d'une pathologie précise. Reste alors aux établissements de soins, en partenariat avec les autorités de santé locales (ARS) d'organiser dans un périmètre défini, l’amont (diagnostic et prévention), le séjour hospitalier (traitement et chirurgie) et l’aval (suivi des patients pour éviter les récidives). La clé du jeu est simple : en organisant un système de prise en charge optimal, le risque de récidives, et donc d'actes supplémentaires, sera limité. La part du forfait réservé à chaque soignant sera donc plus importante.

Un système vertueux, qui cache cependant de nouveaux risques. Multiplier les centres de décision à l'échelle locale les rapprochera en effet des industriels de la santé, avec un risque de conflit d'intérêts décuplé.

Fabien Nizon

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