Le télétravail généralisé pendant le confinement va accélérer la mutation des espaces de travail traditionnels au cours des prochaines années. Décideurs a rencontré des professionnels du secteur pour avoir un premier aperçu.

A quoi ressembleront les bureaux de demain ? Cette question récurrente a pris une résonance particulière durant le confinement. "Le recours au télétravail a généré un sentiment contrasté chez les Français, explique Olivier Chappert, associé en charge du développement des pôles immobilier et RH au sein du cabinet de conseil en management BearingPoint. D’une part, plus de la moitié d’entre eux ont eu le sentiment de n’avoir eu aucun répit pendant le confinement et 76 % regrettent leurs espaces de travail classiques (ndlr : source Deskeo). Mais ils sont également 62 % à exprimer le souhait de continuer à travailler à distance. Les lignes vont donc bouger avec plus d’heures télétravaillées par les collaborateurs, mais aussi davantage de télétravailleurs." Certaines entreprises comme Facebook, Twitter, Google et PSA ont même laissé entendre que le télétravail pourrait devenir permanent. Mais nombre d’observateurs s’attendent plutôt à un partage entre temps de travail au siège de l’entreprise et à distance. Dans ces conditions, la fonction des espaces de bureaux traditionnels est appelée à évoluer.

Facebook, Twitter, Google et PSA ont laissé entendre que le télétravail pourrait devenir permanent

"Le bureau va devenir le lieu social de l’entreprise, assure Franck Eburderie, CEO de Tétris, entreprise spécialisée dans l’aménagement des espaces professionnels. Les collaborateurs y viendront pour rencontrer leurs collègues, travailler sur des projets collectifs, cultiver leur appartenance à l’entreprise… Le siège ne sera plus le lieu de production principal." Une idée largement répandue chez les analystes du secteur et qui entraînera une nouvelle équation. "A moyen terme, pour une entreprise, on estime que les baux traditionnels 3/6/9 représenteront 70 % des surfaces louées et les espaces de coworking 30 %", prévoit Olivier Chappert. "Les entreprises passeront d’un pilotage des coûts immobiliers au mètre carré à un pilotage par collaborateur, anticipe quant à lui Philippe Morel, président et co-fondateur de Dynamic Workplace, acteur qui accompagne les entreprises dans la transformation de leur environnement de travail. Une entreprise dépense en moyenne 14 000 € par poste de travail en Île-de-France alors que le taux d’occupation de ces locaux atteint généralement 50 %. Et ce dernier va fortement baisser dans les mois à venir. Dans le cadre de la réduction des coûts fixes, les entreprises vont naturellement diminuer la taille de leurs locaux tertiaires pour retrouver des marges de manœuvre et ainsi être en mesure d’investir dans la qualité des différents lieux de travail du collaborateur." Une logique qui amène à s’interroger sur l’aménagement des bureaux post-Covid.

L’influence du numérique et des codes du résidentiel


"Si vous voulez savoir à quoi ressemblera le bureau de demain, réfléchissez à ce que vous avez dans votre salon, déroule Franck Eburderie. Nous cherchons tous des logements avec une grande pièce à vivre pour y réaliser différentes tâches. Dans les locaux tertiaires, cette tendance se matérialisera par l’aménagement d’une vaste salle commune avec un bar pour échanger assis sur un tabouret, des canapés pour travailler sur son ordinateur portable, des tables de salle à manger… Des pièces dédiées pour réaliser des visio-conférences, des réunions avec des clients ou passer un coup de téléphone seront aménagées autour de cette pièce principale. Le design jouera un rôle primordial car il permettra de faire du bureau un lieu attractif où les collaborateurs auront envie de se retrouver." 

"Si vous voulez savoir à quoi ressemblera le bureau de demain, réfléchissez à ce que vous avez dans votre salon"

Philippe Morel indique pour sa part : "La crise sanitaire va accélérer la diffusion des nouveaux usages au sein des immeubles. Il existera ainsi trois typologies de zones au sein du siège social humain et performant de demain selon notre référentiel Dynamic Working System : la life zone, la share zone et la core zone." Dans la première, située au rez-de-chaussée, une diversité de services et d'animations est accessible, à la fois aux collaborateurs de l'entreprise et pour les visiteurs. Elle comprend des espaces de café-coworking, de restauration rapide et des offres retail (livraison des colis privés, pop-up stores, expositions…). La share zone occupe les étages intermédiaires et se compose d'espaces semi ouverts destinés aux collaborateurs, notamment de passage, ainsi qu'aux entreprises de l’écosystème du locataire. Quant à la core zone, elle regroupe des lieux de travail privatifs et confidentiels destinés aux collaborateurs. Elle intègre de nouveaux modes de travail en favorisant la mobilité des collaborateurs (nomadisme intra et inter-bâtiment) et la digitalisation des usages.

Et qu’en est-il de la prise en compte des problématiques de santé et de bien-être ? "Le siège de demain permettra de baisser la charge mentale des collaborateurs, en partie grâce à la mise à disposition de services qui facilitent le quotidien comme la télémédecine", répond Philippe Morel. "Les applications qui fourniront des services utiles aux collaborateurs dans les bureaux de l’entreprise mais aussi chez eux contribueront à leur bien-être. Cet enjeu sera important demain pour attirer et retenir les talents", ajoute Olivier Chappert. La bascule a même commencé à en croire Franck Eburderie : "Nous sommes de plus en plus sollicités par nos clients pour mettre à disposition des applications leur permettant de gérer la problématique du travail à distance de leurs collaborateurs." Le pouvoir accélérant de la crise sanitaire a encore frappé.

Par François Perrigault (@fperrigault)

 

Le Covid-19 relance le match entre les tours et les campus

Alors qu’il semblait avoir perdu de son attrait ces dernières années, le campus pourrait faire son retour en force à l’aune de la crise sanitaire. "Dans des pays comme la France et la Grande-Bretagne, le campus permettra de résoudre une partie des contraintes engendrées par la concentration des zones de bureaux en rapprochant le siège social des espaces de vie comme le logement, les commerces, les services médicaux…", argue Franck Eburderie, CEO de Tétris. Un avis non partagé par Olivier Chappert, associé chez BearingPoint : "Les nouvelles générations sont très sensibles à l’environnement immédiat autour de leurs bureaux. Or, les campus sont bien souvent situés dans des localisations peu attractives. De plus, le bureau va devenir un lieu social où nous nous rendrons moins fréquemment. Avec sa pléiade de services permettant de vivre une bonne partie de la journée sur place, le campus va perdre de son sens." Une chose est sûre : la crise sanitaire aura relancé le débat entre les partisans des campus et ceux des immeubles de grande hauteur. / F.P.

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