Les évolutions sociétales, réglementaires et financières redessinent les contours du métier de conseiller en gestion de patrimoine, dont l’avenir dépendra de sa capacité à valoriser le conseil délivré. Un état des lieux s’impose.

Dans un environnement réglementaire qui semble enfin se stabiliser, les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) veulent placer  les missions de conseil au cœur de leur activité, dans un rôle comparable à celui d’un médecin de famille.

La promesse historique des cabinets de gestion de patrimoine est claire : là où les établissements bancaires peuvent changer de conseillers relativement souvent, les CGP demeurent à vos côtés pour bâtir une relation de confiance durable. Si cet engagement est, par nature, plus facilement tenable pour les cabinets de gestion de patrimoine à taille humaine, la croissance régulière des CGP dans leur ensemble est la preuve qu’ils sont en train de gagner leur pari.

Le conseil au coeur de leur activité 

Avec la volonté de se placer aux côtés de leurs clients lors des  principaux événements de la vie : changement de direction professionnelle, cession d’une entreprise, départ en retraite ou lors de la préparation de la transmission, les CGP se positionnent également en tant que véritables experts.

Leur champ de compétences dépasse désormais la traditionnelle sphère financière. De mieux en mieux formés, anciens fiscalistes, notaires, avocats ou banquiers privés, ces professionnels sont désormais nombreux à maîtriser les différentes disciplines qui composent le métier : droit, fiscalité, finance et immobilier. Ils font la promesse d’un conseil avisé et personnalisé. Un rôle que le président de Cyrus Conseil, Meyer Azogui, voit encore s’accentuer : « Les épargnants font face à un environnement financier inédit et à des évolutions sociétales majeures tels que l’internationalisation des familles, le vieillissement de la population ou le recul de l’État providence, avec notamment la future réforme des retraites qui renforcent leur besoin de conseils. »

« Un CGP est là pour être le catalyseur des différentes professions et pas seulement un adaptateur de produits » : Philippe Feuille, président de la Compagnie des CGP-CIF

L'interprofessionalité, garant d'un service à forte valeur ajoutée

L’interprofessionnalité est désormais le quotidien d’un grand nombre de cabinets où les conseillers se positionnent dans une fonction de coordinateur. Ces derniers ont su créer un réseau de notaires, d’experts-comptables, d’avocats et de conseils financiers de premier plan qu’ils n’hésitent plus à solliciter. Cette approche du métier devient essentielle alors que la réglementation se complexifie à vitesse grand V et que les risques de contentieux avec l’administration fiscale n’ont jamais été aussi présents.

Cette vision de la profession est partagée par Philippe Feuille, président de la Compagnie des CGP-CIF : « Un CGP est là pour travailler sur le long terme, pérenniser une relation de confiance sur plusieurs générations. Mais également être le catalyseur des différentes professions et pas seulement un adaptateur de produits. »

S'approprier les codes du digital

Et le digital dans tout cela ? Dans un premier temps vu comme un risque pour le métier, les conseillers en gestion de patrimoine se sont approprié les nouvelles technologies pour se délester des tâches les plus fastidieuses et apporter de nouveaux services à leurs clients. C’est en tout cas la conviction de Julien Seraqui, le président de la CNCGP : « Je dis aux CGP que le digital ne va pas prendre leur travail. Il va, au contraire, les libérer de la partie répétitive du métier à faible valeur ajoutée. Ils pourront alors se concentrer sur ce qui fait leur force : le conseil. »

Une position que tient également le président de l’Anacofi, David Charlet : « Le métier a commencé à se digitaliser très tôt, il y a plus de quinze ans. Même les plus petits cabinets ont digitalisé une partie de leurs services avec l’objectif final d’améliorer le service de conseil et pouvoir mettre de l’humain en face de l’humain quand c’est nécessaire ou simplement souhaité par le client. »

« Nous assistons à un phénomène de concentration entre grands acteurs nationaux et moyens d’une même région » David Charlet, président de l'Anacofi

Vers une concentration du marché ?

La rétrocession de commissions a été maintenue. Elle garantit le maintien des business models des cabinets. Mais l’augmentation des coûts liée à la réglementation ainsi qu’à l’acquisition d’outils digitaux et de systèmes d’information plus performants pourrait pousser les cabinets à se regrouper. Meyer Azogui en a l’intime conviction : « Le marché devrait entrer dans une phase de consolidation plus active, et plutôt avec des structures de taille importante qui sont face à deux options : faire elles-mêmes de la croissance externe ou s’adosser à des cabinets de conseil de taille plus importante. »

L’année 2019 lui donne en partie raison puisque cette dernière a été marquée par plusieurs opérations de rapprochement. Soutenu par le fonds d’investissement Naxicap Partners, Astoria Finance a finalisé l’acquisition de la société Les Comptoirs du Patrimoine qui comptaient près de 2 milliards d’euros d’encours conseillés. Autre opération d’envergure, le rachat par Cyrus Conseil du cabinet lyonnais Capitis. Des acquisitions qui semblent donc l’apanage des acteurs les plus imposants du marché. « Nous ne constatons pas de concentration des petits ou des moyens nationaux, ni de diminution du nombre des entreprises. En revanche, nous assistons à un phénomène de concentration entre grands acteurs nationaux et moyens d’une même région », abonde David Charlet.

Entrepreneur Vs professionel libéral ?

Au gré de ces différentes évolutions, le marché semble se segmenter entre, d’un côté des cabinets de gestion de patrimoine qui cultivent une vision entrepreneuriale et dont le principal objectif est de continuer à grandir, et de l’autre, des acteurs qui entretiennent un esprit « profession libérale ». Cette deuxième catégorie est-elle amenée à disparaître, ou tout au moins à se faire plus rare ? Philippe Feuille réfute cette idée : « Un CGP est tout à fait capable de gérer seul son cabinet, à condition d’être bien organisé. »

Le président de la compagnie des CGP-CIF va même plus loin. Selon lui, « certains veulent industrialiser une activité qui doit conserver son caractère artisanal au sens noble du terme. Cette industrialisation se fera au détriment de la qualité du conseil. Je me refuse à entrer dans ce système ». Vincent Dubois, président du groupe DLPK estime que les deux  catégories de cabinet peuvent coexister. « Il y a de la place pour l’ensemble des acteurs, quelle que soit leur taille. La consolidation du marché et le rapprochement de nombreux cabinets sont le signe d’une maturité de l’industrie. En parallèle, des cabinets de taille plus modeste se sont constitué une base de clientèle très fidèle et de nouveaux acteurs continuent d’entrer sur ce marché. »

Des convictions qui rejoignent celles de Julien Seraqui qui pense également que la version libérale des cabinets ne va pas disparaître, que les deux modèles vont coexister tout en reconnaissant que « des structures plus importantes vont certainement voir le jour dans les années à venir ».

Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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