Le géant japonais de la téléphonie mobile Softbank mène depuis plusieurs années une stratégie d’investissement frénétique dans les nouvelles technologies. Aux côtés de l’IoT ou de l’IA, la robotique est un de ses secteurs prioritaires. La France tient une place majeure dans cette stratégie depuis que Softbank a racheté la pépite de la robotique, Aldebaran, en 2012, devenue Softbank Robotics. Rencontre avec le directeur marketing Europe de la filiale.

Décideurs. Le groupe SoftBank a affirmé ses ambitions dans la robotique en 2012, en rachetant le Français Aldebaran. Quels marchés vise-t-il ?

Nicolas Boudot. Aldebaran a développé une plateforme robotique pour s’adresser au marché de la recherche et de l’éducation. Le marché était étroit, et les robots étaient peu interactifs. Nous avons développé les capacités des robots Nao et Pepper afin d’aider au développement d’applications d’interaction sociale. Cette évolution a permis d’élargir les marchés, vers le retail, le tourisme, les institutions, la santé ou encore l’éducation… Nous travaillons maintenant sur comment aider les robots à mieux prendre en compte leur environnement. Nous utilisons notamment des chatbots spécialisés pour renforcer leurs capacités d’adaptation à un secteur spécifique.

Le principal apport de SoftBank à l’entreprise Aldebaran a-t-il été d’intégrer des compétences d’intelligence artificielle à ses robots ?

Aldebaran utilisait déjà l’IA auparavant. La vraie valeur apportée par SoftBank a été de permettre à l’entreprise de passer à l’échelle. Aldebaran avait développé quelques centaines de robots. Nous, nous avons introduit les robots de la société dans les 3000 magasins de SoftBank au Japon. SoftBank a également une activité business, et a pu commercialiser ses robots auprès de ses clients. Et nous allons continuer d’investir dans la robotique, grâce au 100 milliards de dollars que s’est dit prêt à investir le groupe dans la technologie.

Quelles actions vos robots ne savent-ils pas encore accomplir ?

Nous devons travailler sur le traitement du langage naturel pour apporter les bonnes réponses aux interlocuteurs. Cela implique de développer de nouveaux secteurs de l’IA. Nous devons également développer la mobilité, grâce à laquelle le robot pourrait apporter de nouveaux services. Par exemple, à l'hôpital, il pourrait accompagner les personnes dans le bon service. À plus long terme, nous voudrions que le robot puisse manipuler des objets. Pour cela, il doit être capable d’analyser des formes, des couleurs… Il deviendrait alors un vrai compagnon. Pour les personnes âgées par exemple, il pourrait leur apporter leur pilulier.

"Lorsqu’on développe un robot trop proche de l’homme, on se rapproche du zombie ou du mort-vivant"

SoftBank a racheté l’année dernière Boston Dynamics et Shaft, deux pépites de la robotique. A quoi ces acquisitions vont-elles vous servir alors que vos robots  sont avant tout utilisés pour des fonctions conversationnelles ?

Aujourd'hui la question est davantage de savoir si nous pouvons transformer ces technologies en produits industrialisables. Pour accéder aux marchés, le robot doit être robuste, fonctionner 24h/24h, et ne pas coûter des millions. Il faut aussi qu’il soit accepté par les utilisateurs. Actuellement cette acceptabilité sociale progresse, même en Europe. L’important, c’est que notre robot ressemble à un robot. Il n’y a pas d'ambiguïté avec Nao ou Pepper. Le robot Sophia [développé par Hanson Robotics], auquel l’Arabie Saoudite a récemment accordé la citoyenneté, est à l’inverse plutôt effrayant. Lorsqu’on développe un robot trop proche de l’homme, on se rapproche du zombie ou du mort-vivant.

Vous avez organisé un hackathon (concours de programmation collaboratif) en début d’année afin de soutenir le développement d’applications en santé pour votre robot. Votre objectif est-il de faire de Pepper la principale plateforme robotique ouverte ?

Oui, l’objectif est de s’appuyer sur différentes collaborations pour développer la dernière couche d'applications. Nous travaillons déjà avec un écosystème de plus de 70 partenaires en Europe pour créer des applications pertinentes dans différents secteurs. En santé par exemple, avec Nao, la société Spin’R a développé l’application Medi’Pep. Le robot est capable de prendre des mesures de température ou de tension.

Pepper ou Nao sont-ils rentables ?

A ce jour, nous avons diffusé 25 000 robots dans le monde. Si cela peut paraître beaucoup, ça ne l’est pas au regard de notre ambition dans ce secteur. Nous maintenons notre stratégie d’investissement.

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