Triple champion du monde de roller sur rampe, Taïg Khris a fondé en 2014 OnOff Telecom, une start-up proposant notamment une application cloud qui permet de générer sur mobile plusieurs numéros de téléphone, français ou internationaux.

Décideurs. En 2018 des investisseurs aguerris comme Idinvest Partners, OneRagtime ou encore Breega vous ont accompagné dans une levée de fonds de 10 millions d’euros. Celle-ci avait notamment pour but de soutenir l’investissement en R&D. Où en êtes-vous à ce sujet ?

Taïg Khris. Lorsque j’ai fondé la société, les fonds d’investissement se sont dit que je n’allais pas y arriver. Cent trente investisseurs privés m’ont cependant fait confiance, en investissant un total de dix millions d’euros. Notre société commence à déposer des brevets. Les fonds d’investissement ont constaté que nous avions une vraie valeur. Je leur ai dit que, de toute manière, le train continuerait à avancer avec ou sans eux. S’ils souhaitaient prendre le bon wagon, c’était maintenant. Après six mois de due diligence, nous avons levé près de dix millions d’euros. Cela permet de développer la société de façon différente, de planifier notre stratégie sur le long terme et de lancer des campagnes marketing. Depuis notre dernière campagne de publicité, nos ventes ont décollé de + 50 %.

Vous avez lancé une version dédiée aux entreprises. Est-ce une clientèle plus captive que les particuliers ? Quelle offre leur proposez-vous ?

La clientèle d’entreprise est beaucoup plus captive. Les sociétés souscrivent à cette offre pour leurs salariés, ce qui leur permet de conserver leurs numéros, et par conséquent les appels entrants de leurs clients, même lorsque le collaborateur quitte l’entreprise. Bien que notre offre soit encore en version bêta, de nombreuses entreprises se sont déjà inscrites, un chiffre bien au-delà de nos prévisions.

Qu’en est-il de la rentabilité de OnOff Telecom ?

Nous avons atteint le seuil de rentabilité en ce début d'année. C'est une étape très importante pour nous.

Vous êtes un ancien sportif de haut niveau. Avez-vous eu des difficultés à gagner la confiance de vos équipes, à prouver que vous étiez capable de réussir un projet entrepreneurial dans un secteur, celui des télécom, pour lequel vous n’aviez aucune compétence particulière ?

Les débuts ont été difficiles. Je n’étais pas légitime sur ce type de produits. Mes équipes d’ingénieurs l’ont senti. Il a donc fallu apprendre très vite, me documenter pour mieux maîtriser cet environnement et gagner le respect de mes collaborateurs. Mais je suis un compétiteur, je vois les choses en grand. Je ne souhaitais pas que l’on soit simplement une entreprise qui propose une belle offre en France. Je veux réinventer les télécoms. Petit à petit j’ai gagné des points auprès de mes équipes. Lorsque je leur ai annoncé que notre application serait un jour la plus tendance sur Apple Store, ils ne m’ont pas cru. Et lorsque cela s’est réalisé, ils se sont dit que nos objectifs étaient réalisables.

"Nous avons atteint le seuil de rentabilité en ce début d'année"

Quels conseils donneriez-vous à des entrepreneurs qui souhaitent financer leurs projets de croissance ? Quels sont les écueils à éviter ?

Il faut garder au maximum le contrôle de son entreprise. Pour un entrepreneur, sa société est toute sa vie. Avant de réussir, il passe souvent par des années difficiles. Lorsque vous négociez avec des fonds d’investissement pour les faire entrer au capital, il faut essayer de renverser le rapport de force, d’être suffisamment fort face à eux. J’ai donc veillé à garder la gouvernance afin de conserver ma latitude entrepreneuriale tout en restant favorable à leur participation dans les décisions stratégiques.

Réaliser une carrière sportive de haut niveau ou réussir en tant qu’entrepreneur. Quel est le projet le plus difficile à concrétiser ?

Je vous réponds sans aucun doute de réussir une carrière de sportif de haut niveau. Il m’a fallu quinze années d’entrainement quotidien pour devenir champion du monde. En sport le centième mondial a très peu de reconnaissance, alors que la centième entreprise mondiale de télécom se valorise très bien. Quand tu rates un rendez-vous professionnel, tu peux toujours te rattraper, au contraire d’une compétition sportive. Je vois l’entreprise comme un marathon. Il faut tenir sur la longueur.

Aurélien Florin

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