Hegel l’affirmait il y a déjà près de deux siècles: « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion. » Une assertion qui, plus que jamais, se confirme dans la construction actuelle de succès majeurs.

La passion… D’où vient cette énergie qui permet de déplacer des montagnes ? Cette source d’inspiration qui, comme le « champ de distorsion de la réalité » de Steve Jobs, permet de défier le monde pour élargir le champ des possibles ? Autrement dit, de prospérer et non pas uniquement de survivre.

Des valeurs à la passion

Tout leader est porté par un système de valeurs fort sans lequel entraîner les autres est impossible. De ces valeurs, puissantes fondations, émergent une conviction profonde, une mission, une raison d’être. Et de cette raison d’être, versant rationnel du leader, une œuvre qu’il sait juste et qu’il a choisi de mettre au-dessus de tout.

Le monde n'est pas conforme à sa vision intérieure ? Qu'importe, le leader va le transformer.

C’est parce que le leader s’est choisi une mission qu’il voit son énergie décuplée. Sa vie a pris sens. Les obstacles ne seront que péripéties. La quête sera sans doute longue mais elle ne sera jamais ennuyeuse parce que, désormais, cette mission résonne en lui.

Raison et passion : cette association est-elle bien raisonnable ? Même Descartes, notre penseur et mathématicien le plus rigoureux, auteur du ­Discours de la méthode, le pense. Quelques années après cet ouvrage, il écrit Les passions de l’âme, qui, loin d’opposer esprit et passion, conclut à leur association : « Ceux mêmes qui ont les plus faibles âmes pourraient acquérir un empire très absolu sur toutes leurs passions, si on employait assez d’industrie à les dresser et à les conduire. » Le leader sait canaliser sa passion, en faire une arme qui va l’aider à sculpter le monde, à défier la réalité pour l’influer.

De la passion à l’énergie, de l’énergie au succès

La raison d’être que se choisit chaque leader est avant tout un refus, le refus constructif d’accepter le monde tel qu’il est. Ce « refus positif » est l’antithèse du fatalisme. Le monde n’est pas conforme à sa vision intérieure ? Qu’importe, le leader va le transformer !

En ayant un horizon de temps long par son énergie et sa détermination, il va dépasser les obstacles que sont la complexité, l’indifférence, le pessimisme et le scepticisme. En croyant plus durement à sa mission, il va avoir raison de chacun de ses ennemis.

La sagesse populaire veut que la passion soit contagieuse. C’est même l’une de ses ­principales caractéristiques. Cette dimension virale donne un levier de persuasion fantastique. Ce n’est pas avec l’esprit et la raison qu’on convainc, mais avec la passion et l’émotion. À la passion que peut générer une cause noble s’ajoute le surcroît nécessaire de légitimité, de crédibilité, d’incarnation qu’apporte le leader.

Toutefois, bâtir un succès durable requiert plus qu’une personne, qu’il s’agisse de construire une entreprise susceptible d’impacter son écosystème ou un mouvement politique. Les succès durables reposent sur un groupe de passionnés, non sur un seul homme.

Pierre-Étienne Lorenceau

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