Spécialisée dans le développement et la fabrication de dispositifs médicaux et de systèmes d’administration de médicaments innovants, Biocorp, créée en 2004 et introduite en Bourse en 2015, vise désormais le marché américain. Un eldorado pour de nombreuses biotechs et medtechs françaises qui peinent à se financer sur le territoire français. Explications avec Éric Dessertenne, tout juste nommé directeur général de la PME issoirienne.

Décideurs. Les bons résultats de Biocorp sont principalement portés par les produits traditionnels comme les pipettes ou les compte-gouttes. Est-ce amené à évoluer ?

Éric Dessertenne. Oui totalement. Cette activité est une activité historique, qui a permis à Biocorp de tisser des liens et des relations de confiance avec nos partenaires, les laboratoires pharmaceutiques. Cependant, ces produits ont une valeur ajoutée moins importante que les produits issus de notre propre centre de R&D et qui vont driver la croissance future de Biocorp.

Une grande partie de votre chiffre d’affaires est investie en R&D. Est-ce la clé de votre succès ?

La R&D est en effet la clé de voûte de la réussite de Biocorp. Nous sommes une société agile et nous avons pris le risque, avant les autres, d'investir dans de nouveaux domaines tels que la santé connectée. Aujourd'hui, nous avons des produits particulièrement innovants et uniques sur ce domaine ; et nous continuons à construire l'avenir de Biocorp en maintenant nos lourds investissements en R&D.

Le nombre de biotechs en France explose mais les difficultés de financement persistent. Comment l’expliquez-vous ?

Les questions de l'accès au capital et du niveau de valorisation des biotechs et medtechs en France sont des vrais enjeux. De manière structurelle, l'investissement dans des structures « risquées » du domaine des sciences de la vie ne bénéficie pas de véhicules suffisamment puissants pour amener les pépites françaises à accéder au capital et par conséquent pour participer à leur succès futur.

« La culture entrepreneuriale n'est encore suffisamment répandue en France pour que l’innovation soit financée »

Pourquoi?

L'épargnant français n'a pas la culture du risque pour s'intéresser à de telles valeurs – la peur de l'échec paralyse parfois certains investisseurs en dépit des perspectives de succès, voire de changement de paradigme engendré par certaines innovations. Selon moi, la culture entrepreneuriale n'est encore suffisamment répandue en France pour que l’innovation soit financée.

Vous souhaitez étoffer votre présence commerciale aux États-Unis. Envisagez-vous pour cela une double cotation en vous introduisant sur le Nasdaq ?

Les États-Unis représentent tout d'abord pour Biocorp une formidable opportunité de marché. De nombreux laboratoires pharmaceutiques partenaires y sont implantés mais nous pouvons également réfléchir à de nouveaux services en synergie avec nos dispositifs, comme la monétisation potentielle des données de santé qui transitent sur nos devices. L'accès aux capitaux américains est en effet un objectif que nous souhaitons initier, sous une forme qui sera à préciser dans les mois à venir.

Qui dit dispositifs « médicaux connectés » dit « collecte d’un grand nombre de données ». Comment comptez-vous les exploiter ?

C'est la réglementation qui aujourd’hui définit le cadre d'utilisation de ces données ; et il est particulièrement contraignant dans la plupart des pays européens. Certains pays comme les États-Unis offrent des opportunités différentes que Biocorp étudie de manière très attentive. Nous sommes aujourd'hui très attentifs à la révolution de la blockchain et Biocorp souhaite jouer un rôle majeur dans l'exploitation de ces données.

Comment percevez-vous l’arrivée de géants comme Google, Amazon, Apple sur le marché de la santé connectée ?

C'est une formidable nouvelle pour le secteur. Le domaine de la santé va connaître une disruption identique à celle des industries automobile, bancaire, du transport ou de la grande distribution. Ces grands acteurs voient dans la santé un potentiel disruptif encore plus important et vont accélérer l'investissement dans ce domaine, élargir les services et l'usage de nouvelles technologies par les patients, les médecins, les assurances et les laboratoires pharmaceutiques. Biocorp a déjà initié des projets dans ces domaines-là et l'arrivée de tels acteurs peut nous offrir de fantastiques opportunités sur l'adoption de nos solutions par le plus grand nombre.

 

Propos recueillis par Marion Robert (@Marion_Rbrt)

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