Sa photo posant en marinière un ustensile de cuisine à la main en une du « Parisien Magazine » avait fait d’Arnaud Montebourg la nouvelle égérie du « made in France ». Ce coup de com visait, à l’époque, à installer le commissariat au Redressement productif dans le paysage du retournement français. Deux ans et demi après avoir quitté le gouvernement, le candidat à la primaire de la gauche présente un programme économique dont les grandes lignes sont largement tournées vers cet engagement.

Décideurs. Pour relancer l’économie française, vous proposez un soutien aux PME qui passerait par l’attribution à celles-ci de 80 % des marchés publics. Quelles sont les autres mesures que vous envisagez pour soutenir ces acteurs majeurs ? 
Arnaud Montebourg. Je suis le candidat des PME. Elles constituent le point cardinal de mon programme mais également une part importante de mon énergie personnelle, étant moi-même entrepreneur. Il s’agit pour moi d’un combat ancien, que je mène notamment depuis mon poste de ministre du Redressement productif. J’ai en effet mis en place les commissaires locaux au redressement productif, facilité l'accès au crédit bancaire et redéveloppé les filières dont le but est de promouvoir et de porter les PME. 
Mettre en avant le made in France est aussi un engagement pour nos PME, une manière de soutenir la consom’action de nos citoyens. Je veux donc continuer à porter ce message dans la campagne : en plus de 80 % des marchés publics, les PME vont bénéficier du plan d’investissement, d’un accès facilité aux financements, notamment de trésorerie via la future banque d’encouragement au risque, ainsi que de ma politique générale, centrée sur la croissance et le pouvoir d’achat plutôt que l’austérité et sur une protection contre les pratiques commerciales déloyales. 
 

Je suis en ligne avec les recommandations de Nicolas Hulot


Vous proposez de soutenir massivement les entreprises du BTP avec un plan de rénovation thermique des bâtiments publics et privés, qui sera lancé par la Caisse des dépôts et consignations, d’un montant de cent milliards d’euros, financé par des emprunts très long terme. Pourquoi ne pas privilégier, du moins en parallèle, une baisse des impôts et charges des sociétés ? 
Notre économie a besoin de sortir de l’austérité et notre pays de s’équiper pour faire face aux technologies du futur et pour limiter le réchauffement climatique. Investir dans les infrastructures et dans la rénovation thermique des bâtiments constitue donc une priorité de mon programme, en ligne avec les préconisations de Nicolas Hulot par exemple. Les entreprises du bâtiment sont par ailleurs celles qui fournissent le plus d’emplois, et particulièrement à des publics qui en ont le plus besoin. En lien avec les recommandations de la Fédération nationale des travaux publics, je suis donc prêt à faire des infrastructures le centre de mon plan d’investissement et d’équipement du territoire.
Par ailleurs, je suis adepte d’une plus grande lisibilité et d’une plus grande prévisibilité de notre système fiscal, en particulier pour les entreprises. Je le sais bien : investir nécessite de pouvoir faire confiance à une politique fiscale et je veux à ce titre rassurer nos entrepreneurs. Les baisses d’impôts seront plutôt dirigées vers les ménages que vers les entreprises, mais celles-ci bénéficieront du regain de consommation. Je veux également faire avancer l'action sur les normes administratives qui pourraient contraindre nos entreprises. Une réflexion sera engagée en ce sens entre les professionnels et l’administration, poursuivant la méthode du choc de simplification, qu'il faut amplifier.

Il faut laisser du temps aux différents dispositifs introduits pour produire leurs effets


 
De nombreux experts préconisent d’offrir plus de liberté aux entrepreneurs, notamment pour donner plus de flexibilité en cas de forte croissance ou de baisse de l’activité. Comment concilier dans ce cas la réorganisation des entreprises avec la protection des salariés ?
Les entreprises ont vu leurs prérogatives renforcées dans ce domaine avec notamment les accords de maintien dans l’emploi. Je considère qu’il faut laisser du temps aux différents dispositifs introduits pour produire leurs effets. Donnons-leur un peu de visibilité et attendons de pouvoir juger sur pièce de l’efficacité de ces mesures avant de réglementer à nouveau. 

Par ailleurs, j’ai proposé de réformer le Régime social des indépendants en étendant aux professionnels le bénéfice de la réduction dégressive des cotisations patronales. Cette réforme coûtera un milliard d'euros aux dépenses publiques par an, mais elle me semble être une bonne chose dans la mesure où elle augmentera le pouvoir d’achat de 500 000 artisans, commerçants, dirigeants de PME ou de TPE, de professionnels libéraux ainsi que d’agriculteurs. Il s’agit d’une réforme juste qui permettra également d’inclure les employés des plates-formes qui devront s’acquitter de contribuer à leur sécurité sociale. Comme je le dis par exemple dans mon manifeste économique « Pour la société du travail », un livreur à vélo ne doit pas se retrouver dans la situation des ouvriers d’avant 1898 face à un accident dans son activité.

Je suis prêt à nationaliser une banque

 
La France est mondialement reconnue comme étant le pays où les créations d’entreprises sont parmi les plus importantes au monde, en raison notamment des facilités de lancement. Cependant, les fondateurs ont des difficultés pour développer davantage leur société, et se tournent, de ce fait, vers des investisseurs étrangers, ou délocalisent. Que faut-il faire pour garder ces start-up sur le territoire national ?
Paris est en passe de devenir la capitale européenne des start-up. Les créations d’entreprises s’appuient sur le dynamisme de nos PME et sur la qualité de nos ingénieurs : il faut poursuivre et amplifier ce mouvement, notamment en protégeant nos PME à succès des appétits étrangers. Lorsque j’étais ministre du Redressement productif, j’ai mis en place le décret Alstom qui sert à protéger nos intérêts stratégiques d’investisseurs étrangers non amicaux : utilisons-le ! Mais pour résoudre le problème à la racine, je souhaite améliorer l’accès au financement de ces PME. Le développement du capital-risque constitue une priorité. Une banque d’encouragement au risque sera donc mise en place. Sa fonction sera de prêter aux PME qui n’ont pas accès au crédit traditionnel pour des raisons absurdes comme, entre autres, la réticence des banques ou un modèle d’affaires trop complexe pour le système bancaire traditionnel. Enfin, je crois beaucoup en une meilleure synergie avec le secteur bancaire : nos banques doivent servir à financer l’économie réelle et donc nos PME. Je veux que La Défense finance Sophia-Antipolis et Saint-Nazaire plutôt que le Panama ou le Luxembourg. Après leur avoir prêté tant d’argent durant la crise, je ne comprends pas que des banques refusent des avances de trésorerie à des entreprises viables. Je suis donc prêt à nationaliser une banque si les efforts ne sont pas faits en ce sens. 

 

Propos recueillis par Louis Chochoy et Aurélien Florin

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