Passée par le ministère de l'Environnement et l'Ademe, Michèle Pappalardo est aujourd'hui la chef d'orchestre de l'initiative Vivapolis depuis de sa création. Sa nouvelle mission depuis mars 2016 ? Développer le réseau Vivapolis, déjà bien en place à l'international, sur le territoire français.

Décideurs. Après trois ans d'action, quel bilan faîtes-vous de Vivapolis ?

Michèle Pappalardo. En mai 2013, Nicole Bricq, alors ministre du Commerce extérieur, a identifié le thème de la ville durable comme un des sujets importants pour la France à l’exportation. C’est dans ce but qu’elle m’a nommée « fédératrice du mieux vivre en ville » et donné carte blanche pour mobiliser les acteurs sur ce thème. Depuis quelques temps déjà, des réflexions étaient en cours pour mieux organiser notre action à l’exportation sur ce sujet, à la fois dans le cadre des travaux du Comité d’orientation stratégique des éco-industries, qui réunit beaucoup de PME, et dans celui de l’Asssociation française des entreprises privées, qui regroupe quant à elle les grandes entreprises. On a donc constitué un comité de pilotage qui réunissait les principaux acteurs de ces deux initiatives qui a choisi le nom de Vivapolis en septembre 2013 et a commencé à travailler pour promouvoir cette marque collective à l’international.

En trois ans, je pense que nous avons réussi à faire connaître cette marque et cette volonté collective de revendiquer notre savoir-faire en matière de ville durable dans de nombreux pays, grâce à de nombreuses actions, notamment en Chine, au Mexique, Au Kazakhstan, au Maroc... Avec l’aide de Business France et à travers la participation à des salons sous la bannière Vivapolis ou l’organisation de forums dédiés à l’étranger ainsi que nos échanges avec de nombreuses délégations étrangères en visite en France, nous avons appris à travailler ensemble entre acteurs publics et privés de toutes tailles.

Mais je crois qu’un des principaux résultats est d’avoir permis aux services de la France à l’étranger, de mieux comprendre le potentiel de la thématique de la ville durable à l’export, et de disposer d’éléments de langage partagés ainsi que de nombreux exemples d’actions menées par des entreprises et des collectivités françaises. Le thème de la ville durable est désormais abordé dans la plupart des visites à l’étranger du Président de la République ou du Premier ministre. Et nous n’avons plus besoin désormais de proposer des opérations ville durable à nos ambassades : au contraire, nous avons maintenant plutôt du mal à répondre à toutes leurs sollicitations !

C’est une démarche très française que de préférer partir de la liste des questions à se poser plutôt que de celle des actions à faire.

Décideurs. Quel sont les spécificités et les avantages de la « ville durable à la française », notamment par rapport à ses pendants anglo-saxons ?

M. P. Notre première spécificité consiste à ne pas essayer de définir la ville durable mais plutôt de chercher à préciser la démarche pour la construire et la faire vivre. Il ne s’agit donc pas de lister les actions à mener mais en fait de définir les résultats à atteindre pour ensuite chercher à appliquer les meilleures solutions. C’est ainsi que nous avons identifié quelques grandes caractéristiques de cette démarche qui consiste tout d’abord à proposer aux habitants les meilleures conditions de vie et les meilleurs services possibles pour que la ville soit attractive. Il s’agit donc de mettre l’homme au cœur du projet urbain, ce qui conduit tout naturellement à rechercher la meilleure performance environnementale, en étant sobre en ressources naturelles, condition d’une ville saine, économe et donc compétitive. On ne peut pas atteindre ces deux premiers objectifs sans une bonne gouvernance, c'est-à-dire forte pour permettre la programmation et le financement à moyen et long terme, transversale, pour permettre une intégration des différentes fonctions urbaines, et participative, pour que les citoyens adhèrent au projet. Nous n’avons donc pas de modèle : il faut adapter les solutions au caractéristiques de chaque projet, qu'elles soient géographiques, climatiques, historiques, culturelles…

À mon sens, c’est une démarche très française que de préférer partir de la liste des questions à se poser plutôt que de celle des actions à faire. Et on retrouve cette distinction quand l'on compare la méthode HQE et les labellisations anglo-saxonne. C’est une démarche moins marketing, probablement plus complexe et moins sécurisante, mais qui est en général très bien comprise de nos interlocuteurs, en particulier les élus.

 

Décideurs. Votre nouvelle mission consiste à développer le réseau Vivapolis, en particulier à l'échelle nationale. Quels sont les territoires porteurs ?

M. P. En mars dernier,  Ségolène Royal et Emmanuelle Cosse m'ont confié la mission d’élargir les préoccupations du réseau Vivapolis au territoire national. Il s’agit donc désormais de fédérer plus largement les acteurs français, en particulier les collectivités territoriales, pour mieux identifier et valoriser les actions qui sont portées aujourd’hui par les territoires mais aussi permettre de travailler collectivement à les améliorer. Aujourd’hui, en France, nombre de villes de tailles variées ont développé des démarches de ville durable, chacune définissant sa propre stratégie et ses priorités. Elles sont une très bonne illustration de la diversité de solution pouvant être mise en œuvre. Toutes nos grandes villes sont en évolution, avec des territoires porteurs d’expériences dans des domaines très différents, que cela concerne la mobilité durable, l'utilisation des technologies numériques, l'habitat efficace en énergie, le développement des énergies renouvelables ou encore économie circulaire… Mais les villes moyennes sont aussi très actives, à travers le développement d’écoquartiers et le lancement récent de seize démonstrateurs industriels de la ville durables répartis sur tout le territoire.

Ce sont les villes, avec leurs habitants et leurs élus, qui doivent définir leur projet

Décideurs. On évoque souvent les entreprises comme moteurs des villes durables. Quel rôle les collectivités ont-elles à jouer ?

M. P. La réponse est au cœur des caractéristiques de la ville durable à la française que j’ai exposées précédemment. Les entreprises apportent des « solutions possibles » mais ce sont les villes, avec leurs habitants et leurs élus, qui doivent définir leur projet et choisir les solutions qui leur paraissent les mieux adaptées pour atteindre les objectifs qu’elles poursuivent. Ensuite, il y a un travail itératif qui se fait entre la ville et les entreprises pour finaliser les solutions en fonction du contexte.

 

Décideurs. De même, ce sont souvent les grandes entreprises qui sont mises en avant. Comment associez-vous les petites structures à la démarche ?

M. P. Les grandes entreprises ont une capacité de communication et de mobilisation qui les rendent effectivement très visibles, mais elles sont aussi conscientes qu’elles ont des temps de réaction peu adaptés au contexte actuel d’évolution accélérée des technologies, des usages et des besoins. Elles ont donc très convaincues de l’intérêt de travailler avec des entreprises de plus petite taille. En France, nous avons la chance de disposer d'un grand nombre de PME et de startup très performantes dans tous les domaines de la construction et du fonctionnement de la ville, avec une grande expertise qui leur permet d'adapter leur solutions à la diversité territoriale. Elles sont très nombreuses à participer à Vivapolis, le réseau pouvant leur apporter des informations mais aussi des occasions de rencontres et d’exposer leur problème, qui leur sont encore plus utiles qu’aux grandes entreprises, peut-être.

Nous ne prétendons pas que la ville doit être verte ou intelligente. En revanche, les technologies numériques sont de plus en plus utiles pour construire cette ville durable, à la fois pour améliorer les services, mais aussi pour mieux gérer les ressources naturelles et faciliter la participation des citoyens. Nous insistons en particulier sur l’absence de modèle et la nécessité, au contraire, de rechercher à chaque fois les solutions les plus adaptées au type de ville concerné.

 

Propos recueillis par Boris Beltran

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