Passé par Apple, Microsoft et Amazon, François Ruault est un fin connaisseur du secteur des nouvelles technologies. Le directeur des ventes et du marketing de Parrot depuis février 2016 doit aujourd’hui gérer l’hyper-croissance d’un secteur aux potentialités multiples. Des usages professionnels aux loisirs familiaux, ses drones couvrent tous les besoins du marché.

Décideurs. Comment se porte le marché du drone en 2016 ?

François Ruault. Le drone civil est une industrie de haute technologie qui va progressivement s’intégrer à notre quotidien tant pour des loisirs que pour apporter des solutions efficaces à de nombreux secteurs d’activité. Dans ce nouvel écosystème en formation, il reste difficile d’estimer avec précision les taux de croissance. Pour l’avenir, les études de marché portant sur la période 2015-2020 affichent de larges fourchettes d’estimation de croissance : de 16 % à 35 % pour les drones de loisirs et de 25 % à 45 % pour les drones professionnels. Depuis un an, on note une forte élasticité de la demande. Les acheteurs peuvent désormais s’orienter vers des drones avec des prix à deux, trois, quatre ou même cinq chiffres. Il est aussi intéressant de voir la croissance des acteurs travaillant sur les trois pôles essentiels de l’écosystème du drone, à savoir le hardware, le software et les services. Parrot a une position singulière puisque nous avons développé une expertise aussi bien en hardware qu’en logiciels multi-plateformes. Selon nous, la notion de Drone as a Service est promise à un bel avenir. Si l’on adopte la posture du client final qui vient de capturer une belle image, tout reste à faire : le traitement, le stockage et les applications opérationnelles vont faire l’objet de nombreuses innovations dans les années à venir.

 

Décideurs. Est-ce qu’un profil type d’acheteur de drone se dégage parmi les amateurs de cette technologie ?

F. R. Nous ne nous attardons pas sur les profils sociodémographiques car des profils en apparence très différents peuvent avoir les mêmes aspirations. Le secteur des nouvelles technologies fourmille de contre-exemples sociologiques. Les technology enthusiasts se trouvent de manière équilibrée dans les foyers à haut revenus et revenus modestes. Nous nous concentrons donc sur une segmentation comportementale, bien plus pertinente à nos yeux et fondée sur trois types d’usages : professionnels, individuels (pour le loisir) et un autre hybride et multi-tâches (« prosumer »). Ce sont ces besoins que nous cherchons à combler.

 

Décideurs. Les early adopters semblent tous équipés. Quelles sont les clefs pour séduire le grand public à présent ?

F. R. Aujourd’hui, les early adopters sont équipés d’une certaine typologie de drones. Avec le développement de nos innovations, nous disposons d’un incroyable réservoir de croissance. Nos drones sont toujours plus compacts, légers, robustes et bien moins enclins à se casser ou endommager leur environnement. La dernière génération est également facilement transportable et réalise des prises de vue très précises et nettes. On peut voir des similitudes entre les marchés du drone et de la photographie. Un photographe professionnel peut posséder un boitier volumineux équipé d’un capteur dit « full frame » mais potentiellement encombrant et fragile mais au quotidien, il utilisera probablement son smartphone pour Parrot est un fabricant généraliste qui pousse des technologies pointues mais accessibles. Le loisir est une gamme essentielle mais notre offre dépasse ce simple cadre.

 

Le drone est l’œil distant et intelligent qu’il manquait dans beaucoup de domaines.

 

Décideurs. Quelle est votre présence sur le marché B2B ?

F. R. Notre potentiel de croissance est très important chez les professionnels. Avec des drones plus autonomes et plus faciles à diriger, les potentialités sont presque illimitées. Le niveau de sophistication des solutions logicielles pour le traitement des données collectées ne cesse de progresser et permet d’imaginer les scénarios les plus ambitieux. Dans le secteur de l’exploitation minière, il est très compliqué de calculer ses stocks. Les carrières peuvent être survolées par un drone qui analyse la mine dans sa totalité et calcule les volumes de pierres extraits. Le drone a ce pouvoir de rendre l’invisible visible. Dans l’agriculture de précision par exemple, le survol d’un drone permet d’identifier les zones d’un champ qui requièrent une attention particulière, d’optimiser la diffusion de pesticides, l’irrigation des cultures… Les bénéfices finaux étant de produire mieux, d’améliorer sa performance environnementale, d’optimiser son rendement, de gagner du temps, de réduire ses frais et ainsi de faire progresser son exploitation. Pour la surveillance et l’inspection de l’état d’équipements ou d’infrastructures les drones sont une avancée majeure car ils permettent d’accéder à des zones difficiles voire dangereuses. Les pompiers et autres services de secours s’équipent également de nos drones. C’est en effet devenu un allié dans les catastrophes naturelles et autres sinistres car il permet d’évaluer les dégâts lors de séismes, de survoler des zones sinistrées afin d’évaluer les priorités de secours, de repérer des victimes lors d’inondation comme ce fut le cas récemment en France. Le drone est l’œil distant et intelligent qu’il manquait dans beaucoup de domaines.

 

Décideurs. Le drone souffre-t-il de ses origines militaires ?

F. R. Il est essentiel d’extraire l’anxiété en amont. Comme pour d’autres métiers, certaines certifications sont obligatoires pour un usage professionnel d’engins aussi sophistiqués. La France est en avance sur ce domaine et les réseaux de formateurs sont très importants. Toutefois, cette image militaire est encore présente dans les esprits, même si elle commence à se diluer. Les mauvais usages comme le survol de bâtiments officiels ou d’usines nucléaires font craindre le pire mais les lois de la physique nous préservent de toute catastrophe. Les petits drones, extrêmement silencieux et non repérables sont trop légers pour tracter quoique ce soit et leur portée est réduite. Le facteur est de 4 entre le poids transporté et le poids du drone. Pour soulever 500 grammes, un drone doit au moins peser 2 kilogrammes. Ainsi, ces engins sont très bruyants et facilement détectables. Toutes les nouvelles technologies portent en elles ces germes de doutes ! Nous pouvons plutôt collectivement décider de nous concentrer sur les bénéfices qu’elles proposent.

 

La fabrication à grande échelle de prouesses technologiques ne s’improvise pas du jour au lendemain 

 

Décideurs. Dans un secteur aussi mouvant, l’innovation doit jouer un rôle prépondérant.

F. R. Nous avons deux définitions de l’innovation chez Parrot. La première est le fruit d’une lecture interne : on innove lorsqu’on fait quelque chose qu’aucun autre acteur ne peut réaliser facilement en moins d’un an. L’autre est issue de la perception du client final : quelque chose qui semblait non naturel hier et dont personne ne pourra se passer demain. En tentant de répondre à ces deux modèles, notre objectif est de créer des marchés irréversibles. Par exemple, lorsque nous avons lancé le Minidrone Rolling Spider en 2014, nous pouvions tout à fait rendre le drone ennuyeux en comparaison ! Au contraire, les premiers minidrones et générations suivantes mettent en lumière de nouvelles fonctionnalités et donc de nouveaux usages. L’industrie est toujours en phase de maturation et d’expansion. C’est une période clé pour donner du sens à ce que nous réalisons afin d’aider les gens à passer à l’acte. La richesse de l’expérience client peut être améliorée dans la durée. Si nous investissons autant dans le software, c’est pour que chacun puisse prendre du plaisir à redécouvrir son drone grâce à l’apparition de nouvelles potentialités de l’appareil.

 

Décideurs. Est-ce que Parrot bénéficie de sa position de pionnier ou est-ce que les évolutions technologiques sont si rapides sur ce marché que cela a peu d’incidences ?

F. R. Nous possédons un avantage significatif sur la concurrence grâce à notre engagement historique sur le marché du drone civil. La fabrication à grande échelle de prouesses technologiques ne s’improvise pas du jour au lendemain. C’est très précieux pour le grand public mais aussi de plus en plus pour les professionnels. Nous avons pu développer une largeur de gamme bien supérieure aux nouveaux entrants. Lorsque nous proposons des minidrones à destination des plus jeunes ou des curieux, nous espérons que ces populations y trouvent du plaisir et qu’ils souhaitent améliorer leur expérience avec d’autres produits Parrot. Les fabricants et les fournisseurs de logiciels vont unir leurs forces et leurs innovations pour séduire de nouvelles personnes. Depuis 2010, année de lancement de notre premier drone grand public, l’évolution a été vertigineuse. Plus compacts, plus légers, plus robustes et avec une caméra extraordinaire : les drones se transforment à une vitesse incroyable.

 

Décideurs. Quelles sont les relations du groupe avec les pouvoirs publics depuis les incidents de l’année dernière ?

F. R. Comme toute industrie naissant d’une disruption technologique, il s’agit de réguler ses usages comme l’automobile ou l’aéronautique ont dû l’être en leur temps. Les gouvernements du monde entier mettent en place des réglementations qui visent à intégrer les drones civils dans l’espace aérien et permettre aux professionnels de déployer ses nouvelles technologies en toute sécurité. La tâche revient principalement aux organisations aéronautiques : le DGAC en France, la FAA aux Etats-Unis et leurs équivalents partout dans le monde. Parrot collabore naturellement avec ces instances et apporte son expertise dans des groupes de travail.

 

Décideurs. Parrot fait preuve d’ingéniosité dans bien d’autres domaines que les drones. Quelle sera votre prochaine grande innovation ?

F. R. Un projet me tient particulièrement à cœur : le Parrot Pot. C’est une innovation qui s’adresse au grand public et qui met l’électronique au service de la vie. Ce pot de fleur intelligent va gérer des paramètres incroyablement fins du monde vivant (analyse des besoins en engrais, de la luminosité, de la température ambiante, des besoins en eau, etc.). Dans la base de données de l’application liée au Parrot Pot sont enregistrés 8 000 plantes avec leurs besoins spécifiques. Tout le monde peut désormais avoir la main verte, même durant son absence grâce à ce pot révolutionnaire qui arrose vos plantes de façon autonome et adaptée. Le marché est très intéressant car avec ce produit nous allons nous adresser aux personnes qui n’aiment pas les plantes ou à ceux qui les tuent sans le vouloir. C’est là encore une création de marché que Parrot s’apprête à réaliser. Avec cette nouvelle rupture technologique, Parrot simplifie le quotidien, fait gagner du temps à une large population et crée de la valeur.

 

Propos recueillis par Thomas Bastin

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