Décideurs. Quels ingrédients nécessaires au leadership ne sont pas assez mis en lumière ?

Paule Boffa-Comby. En premier lieu, je citerai le courage d’être soi. J’entends par là, être en mesure de conserver sa liberté de penser out of the box pour pouvoir réinventer les repères qui doivent l’être au sein de l’entreprise. Vient en second la bonne connaissance de ses forces et de ses faiblesses. Bien se connaître permet, en effet, au leader de fédérer les collaborateurs autour d’une vision commune tout en respectant et en comprenant les individualités, les différences et la valeur ajoutée portées par chacun. Enfin l’humilité est sans aucun doute le meilleur garde-fou pour un leader soucieux d’avoir la tête sur les épaules. À ce titre, je rejoins la vision énoncée par Paul Bulcke, P-DG de Nestlé, dans mon livre Walk the talk (Cherche midi, 2011) : « L’humilité donne la sagesse de ne jamais penser qu’il n’y a plus rien à faire, que l’on est arrivé, que l’on n’a plus rien à améliorer, plus rien à apprendre. »

 

Décideurs. Par quels moyens le leader d’une organisation peut-il transformer son ambition individuelle en cause collective ?

P. B.-C. Aujourd’hui aucun leader ne peut ignorer que l’ambition individuelle mise au service d’une cause collective est un puissant carburant. Le bon exemple est peut-être celui de Nelson Mandela dont le combat personnel rejoignait l’intérêt de tout un pays. Comprendre les problématiques des collaborateurs et donner du sens en tenant compte de ces dernières permet au leader de faire perdurer son projet entrepreneurial en le chevillant à une vision construite collectivement. Au cours de la dernière décennie, certains dirigeants ont par exemple fait évoluer leur business model en se basant sur leurs valeurs et par souci des enjeux environnementaux. Cette démarche porteuse de sens et source de valeur partagée a été bénéfique à de nombreuses organisations et a notamment favorisé l’émergence d’un green business capable de revitaliser leurs industries.

 

Décideurs. Le système décisionnaire d’un leader est souvent fondé sur des valeurs : les décisions qu’il prend doivent-elles systématiquement être guidées par ces valeurs ?

P. B.-C. Tout l’enjeu pour un leader est de démontrer que les valeurs qui fondent l’ADN de l’entreprise ne se résument pas à un simple discours mais se traduisent bien par des actes concrets. C’est le principe même du « Walk the talk ». Les collaborateurs attendent un degré de cohérence entre ce qui est dit et ce qui est fait par le top management. C’est seulement au prix de cet alignement entre la parole et les actes qui permet l’engagement et l’enthousiasme des équipes à décliner la stratégie de l’entreprise.

 

Décideurs. Un leader doit fonder sa relation aux autres sur la confiance et encourager leur adhésion. Comment éviter alors l’écueil de la soumission ?

P. B.-C. Pour que l’équation de la confiance fonctionne bien, le leader doit à la fois créer une relation avec chacun de ses collaborateurs et également favoriser le lien entre les différents membres de ses équipes. La confiance est le meilleur des garants pour éviter l’écueil de la soumission car elle repose sur le principe du gagnant-gagnant, c’est-à-dire un juste équilibre entre ce que chacun donne et reçoit.

 

Décideurs. Pensez-vous qu’un leader possède nécessairement une qualité politique et sociologique pour unir un groupe ?

P. B.-C. Le leader doit posséder une intelligence émotionnelle et une intelligence des situations qui lui permettent de décrypter au-delà des organigrammes les collaborateurs qui seront acteurs du progrès. C’est une des conditions sine qua non à l’instauration de la dynamique de changement et de performance pour l’entreprise.

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