Medtech est une entreprise leader dans la conception et la commercialisation de robots chirurgicaux. Grâce à son robot ROSA™ Brain, Medtech a reçu le Prix 2016 de « l'entreprise mondiale dans le domaine de la robotique en neurochirurgie». Son fondateur, Bertin Nahum, est considéré comme l’un des entrepreneurs high-tech les plus en pointe dans le monde.

Décideurs. Bertin Nahum, vous êtes né à Dakar de parents béninois, quels sont vos liens aujourd’hui avec l’Afrique ?

 

Bertin Nahum. Même si j’ai grandi en France, je garde un lien affectif naturel avec le continent africain. Par ailleurs, en tant qu’entrepreneur, je ne peux qu’être particulièrement enthousiaste au regard des opportunités de développement et de la vitesse de croissance des marchés de certains pays. J’espère sincèrement que ces évolutions seront porteuses de bénéfices concrets pour les peuples des pays africains.

 

Décideurs. Le groupe Medtech a-t-il des activités en Afrique ?

 

B. N. Nous sommes conscients des opportunités exceptionnelles qui sont offertes par les marchés africains, en termes d’innovation et de santé. C’est pourquoi nous travaillons aujourd’hui à mieux connaître les spécificités et les besoins de ces marchés très divers et en constante évolution, pour pouvoir demain répondre à leurs attentes de la meilleure manière possible.

 

Décideurs. Selon vous, la technologie est-elle l’avenir de la santé ? Demain, nous serons tous soignés par des robots ?

 

B. N. La technologie est un support qui permet aux équipes chirurgicales de faire évoluer leurs techniques opératoires et développer ainsi de nouvelles pratiques. L’objectif de Medtech est d’assister le chirurgien dans le cadre d’opérations extrêmement sensibles et en aucun cas de le remplacer. Je ne pense pas qu’à l’avenir la robotique vienne à remplacer les chirurgiens. On parle bien ici de technologie d’assistance. La meilleure comparaison que l’on puisse faire est celle du pilote d’avion. Il utilise une multitude d’outils d’assistance de navigation qui ont vocation à fiabiliser au maximum son pilotage. Mais en aucun cas ces outils n’ont pour objectif de le remplacer, tout simplement parce qu’on aura toujours besoin de la présence de l’expert, de l’être humain, pour faire face aux  spécificités de certaines situations. Notre technologie ROSA™ vise à sécuriser et à fiabiliser l’acte chirurgical.

 

Décideurs. Quel regard portez-vous sur les évolutions dans le secteur de la santé sur le continent africain?

 

B. N. Les progrès actuellement en cours sur le continent africain sont très nombreux, et le secteur de la santé n’échappe pas à ce constat. Au-delà de ce que toutes les innovations apportent de fondamental en matière d’amélioration des soins et de traitement des patients, je pense qu’elles sont essentielles en ce qu’elles donnent à voir toute la vitalité des écosystèmes entrepreneuriaux et de l’innovation du continent africain. Sont également posées les questions de formation et de financement qui sont les gros enjeux de développement de ce secteur.

 

Décideurs. Avec Medtech et le robot Rosa, vous cumulez les prix et les récompenses : quelles sont les prochaines étapes pour Medtech ? Que vous reste-t-il à conquérir ?

 

B. N. Notre priorité aujourd’hui, c’est le déploiement de notre second robot, ROSA™ Spine. Après ROSA™ Brain, dédié aux pathologies du cerveau, nous avons conçu et développé ROSA™ Spine, qui permet d’accompagner les chirurgiens dans le cadre d’opérations sur la colonne vertébrale. En juillet 2014, nous avons obtenu le marquage CE pour ce robot, ce qui nous permet depuis de le commercialiser en Europe. Fin 2014, un premier patient a d’ailleurs été opéré à l’aide de ROSA™ Spine par le service de neurochirurgie du centre hospitalo-universitaire Amiens-Picardie, dans le cadre d’une pathologie dégénérative de la colonne vertébrale. En ce début d’année 2016, nous avons reçu l’obtention de l’autorisation de la FDA, pour sa commercialisation aux États-Unis. L’accompagnement des équipes médicales dans le cadre du traitement des maladies du dos est ainsi notre priorité. De nombreux chirurgiens sont en effet demandeurs de technologies robotiques pour ces indications complexes, qui pourtant concernent tant de personnes… Selon l’OMS, les maux de dos représentent la première cause d’incapacité à travailler chez les moins de 45 ans. L’impact économique de ces pathologies est énorme ! Et cela n’ira pas en s’améliorant. Il est urgent d’apporter de nouvelles solutions, innovantes et performantes, afin de traiter les pathologies concernées, c’est un défi de santé publique. Et, pour les maladies neurologiques comme pour celles de la colonne vertébrale, la technologie développée par Medtech constitue une solution innovante. C’est pourquoi nous travaillons au quotidien à généraliser l’usage de nos solutions dans le cadre de traitement de maladies répandues qui ne bénéficient actuellement pas assez de ces technologies. Lorsque nous aurons relevé cet immense défi, nous pourrons nous attaquer à d’autres enjeux !

 

« Si notre technologie fait parler d’elle, c’est parce qu’elle est porteuse d’une innovation à haute valeur ajoutée »

 

Décideurs. En douze ans d’existence seulement, Medtech est devenue une entreprise cotée en bourse avec un chiffre d’affaires qui a plus que doublé au 1er semestre 2015/2016 par rapport à l’exercice précédent. Quels sont les secrets d’une croissance aussi fulgurante ?

 

B. N. La qualité de nos produits est une première étape. Si notre technologie fait parler d’elle, c’est bien entendu parce qu’elle est porteuse d’une innovation à haute valeur ajoutée. Nos robots permettent en effet d’opérer des patients via des techniques mini-invasives, réduisant ainsi leurs douleurs post-traumatiques, les risques d’infections et le temps de leur séjour à l’hôpital. Pour les chirurgiens, ils leur apportent un regain de précision, de maniabilité et de sécurité. Au-delà de ces aspects, je pense que notre technologie fait parler d’elle parce qu’elle intervient sur des zones extrêmement sensibles, dont la complexité n’a pas encore été entièrement dévoilée… Mais avant toute chose, si Medtech suscite un intérêt, c’est parce que les besoins sont là ! Un simple exemple : l’épilepsie, dont notre robot contribue à soigner les symptômes, concerne entre 700 000 et 800 000 personnes en France et environ 50 millions de personnes dans le monde. Pour 20% des patients atteints d’épilepsie, les médicaments actuels sont inefficaces. En raison de cette pharmacorésistance, de nombreux patients épileptiques partiels seraient candidats à une chirurgie. Or, aujourd’hui, seul un patient pour mille est opéré. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais il témoigne à mon sens de l’absolue nécessité de démocratiser les technologies de robotique chirurgicale mini-invasives à un large nombre de patients, et, avant cela, de les rendre accessibles à un grand nombre de professionnels de santé.  

 

 

« Développer nos robots, afin de toujours mieux soigner les patients, est un objectif et une satisfaction quotidienne »

 

 

Décideurs. Vous êtes, à 46 ans, à la tête d’une entreprise à succès qui ne cesse de progresser. Quelles sont vos sources de motivation?

 

B. N.  Travailler à faire grandir Medtech, avec le reste de mon équipe, fait naître un réel sentiment d’utilité et nourrit tous les jours l’envie de consacrer ma carrière aux patients, du côté des techniciens. La chirurgie est une passion, un secteur en évolution permanente, à la frontière de deux domaines, la médecine et la technologie. Développer nos robots, afin de toujours mieux soigner les patients, est un objectif et une satisfaction quotidienne.

 

 

Propos recueillis par Olivia Nloga.

 

Interview à retrouver dans le Guide Afrique 2016 à paraître prochainement. 

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