Après l’échec de l’introduction en Bourse du Groupe Lucien Barrière (GLB) voulue par Accor, ce dernier réussit à se séparer de sa participation au profit de la holding familiale Fimalac.

Après l’échec de l’introduction en Bourse du Groupe Lucien Barrière (GLB) voulue par Accor, ce dernier réussit à se séparer de sa participation au profit de la holding familiale Fimalac. L’opération valorise GLB à 540?millions d’euros et permet à la famille Barrière-Desseigne de monter à 60?% du capital. Retour sur une transaction à rebondissement dans un contexte de crise des casinos.

« Chez Barrière, nous ne connaissons pas l’impatience?», lâche Dominique Desseigne, président du groupe propriétaire du Fouquet’s à Paris et fidèle représentant des intérêts de la famille Barrière-Desseigne. Avec près de cinquante hôtels et casinos de prestige principalement installés en France (comme le Majestic à Cannes), mais aussi au Maroc et en Suisse, la société familiale fondée en 1918 par François André a accompagné le développement des stations balnéaires, comme La Baule, Trouville ou Dinard, en proposant à ses clients une gamme complète de services dans l’hôtellerie de luxe, la restauration, les installations sportives et le divertissement culturel. Le groupe a d’ailleurs participé à la création et soutenu des festivals comme Cannes ou celui du film américain de Deauville.

La roulette des affaires
Si le groupe Lucien Barrière revendique l’invention du concept de « resort?» à la française au début du siècle dernier, il a également su préserver son indépendance au gré des crises économiques et des multiples successions familiales. L’actualité de ce début d’année vient le confirmer. Ces trois dernières années, Dominique Desseigne a dû conjuguer avec les aléas de la roulette des affaires autant que conjurer le mauvais sort d'une fréquentation en berne amplifiée par les changements de régulation.
Plusieurs strates de mauvaises nouvelles, tant du point de vue de l’activité que de son actionnariat, se sont amoncelées pour cette famille flamboyante plus habituée aux égards de la presse people qu’à la froideur des colonnes «?restructuration?» des quotidiens économiques. De l’interdiction de fumer dans les casinos, à la concurrence des jeux de poker en ligne, en passant par la crise du pouvoir d’achat induit par la crise, le chiffre d’affaires du groupe s’est retrouvé en repli de près de 22?% sur la période.

Réorganiser le tour de table
Début 2009, le fonds Colony Capital affiche sa volonté de céder les 15?% de GLB qu’il détient depuis 2004 au côté du groupe hôtelier Accor, actionnaire à hauteur de 34?%. Le Groupe Lucien Barrière doit alors composer avec la réorganisation de son tour de table. Le fonds de Sébastien Bazin n’avait qu’à activer l’option de vente qu’il détenait auprès d’Accor pour que ce dernier soit contraint de lui reprendre sa participation et monter à 49?% du capital de GLB. L’opération effectuée permet au fonds de réaliser une confortable plus-value au moment où les places boursières flirtent avec leurs plus bas niveaux. Au 31 mars 2009, le groupe hôtelier, cofondé par Gilles Pélisson, rachète les intérêts minoritaires de Colony Capital dans GLB pour 140?millions d’euros.
Dans cette belle et opportuniste opération financière, Colony exige également de GLB qu’il lui rembourse de manière anticipée le prêt de 110?millions d’euros d’obligations remboursables en action (ORA) qu’il lui avait accordé. Additionnés, ces deux événements ont un impact négatif de 250?millions d’euros sur la dette consolidée d’Accor qui, par la voix de Gilles Pélisson, ne cache alors pas ses intentions de sortir de GLB : «?À terme, nous n’avons pas vocation à rester dans les casinos.?»

Sauver les meubles
Pour la famille Barrière-Desseigne, la passe est délicate. Elle doit gérer plusieurs dossiers brûlants en même temps : réorganisation de l’actionnariat, gestion de la dette et ses covenants, réduction des coûts et lancement de l’offre Internet. Il faut agir tout de suite et faire confiance à l’avenir pour le reste.
Du point de vue de l’opérationnel, le groupe peut alors compter sur la structure même de son activité, à savoir le turnover important qui règne dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration. Sans licenciements ou presque, le groupe peut alléger sa masse salariale de près de 600 personnes sans que cela ne soit trop douloureux. Cela lui permet de serrer les coûts. Tandis que les revenus se contractent, l’excédent brut d’exploitation se maintient. Cette bonne tenue des marges permet au groupe de respecter ses covenants bancaires et ainsi de rassurer ses créanciers dans cette phase de repli. «?Avec les pieds sur terre et de la sagesse, nous avons sauvé les meubles?», confie Dominique Desseigne.

L’échec de l’IPO
Entre-temps, Accor opte pour l’introduction en Bourse pour les 49?% qu’il détient dans GLB. Elle doit se faire à l’été 2010 et représente un changement culturel fort pour la société familiale qui devra apprendre la transparence. Pour Dominique Desseigne, «?il fallait préparer toute la documentation financière en vue de l’opération, et organiser les équipes de la holding à fonctionner comme un groupe coté, soumis aux exigences des marchés?».
La période n’est pas favorable aux introductions en Bourse. Depuis début 2010, elles sont soit retirées, soit décotées. L’effondrement du cours de Partouche, concurrent de GLB, n’arrange rien pour bien valoriser les parts d’Accor et rassurer les investisseurs. L’opération se soldera par un échec mais Dominique Desseigne veut retenir «?le cercle vertueux qu’elle aura permis d’amorcer?» en apportant de la «?notoriété?» à son groupe, conséquence des présentations aux investisseurs réalisées dans le cadre de l’IPO. Pour Accor, qui désire toujours céder sa participation de 49 %, il sera désormais difficile d’être en position de force dans les négociations, sauf à attendre que l’activité reparte réellement, à savoir dans un avenir éloigné.
Des investisseurs se présentent. L’offre de Fimalac, la holding familiale de Marc Ladreit de Lacharrière est retenue pour un montant de 268?millions d’euros, valorisant la totalité de GLB à plus de 540?millions d’euros. Pour mémoire, la fourchette basse de l’IPO avortée valorisait l’exploitant français de casinos 575?millions d’euros. Dans cette opération, Fimalac acquiert les 34?% que détenait Accor pour 186?millions d’euros. Le contrat prévoit que les 15?% restants soient rachetés par GLB pour 82?millions d’euros, avant que ces actions soient annulées dans le cadre d’une réduction de capital. Au final, la famille Barrière-Desseigne et Fimalac détiendront respectivement 60?% et 40?% de GLB.

Se frotter à la réalité
Ce nouveau pacte actionnarial permet à la société familiale de préserver son indépendance, de s’appuyer sur un nouvel actionnaire de long terme, familial lui aussi, et surtout de pouvoir se recentrer entièrement sur l’opérationnel. À bientôt cent ans, avec l’autorisation des jeux de poker en ligne en France, GLB lance, en partenariat avec la Française des jeux, son site barrierepoker.fr à l’été 2010. Il doit s’imposer sur ce créneau où nombre d’acteurs se sont déjà infiltrés plus ou moins légalement depuis 2006.  Fort de ses 31,2?% de part de marché en France dans les casinos, GLB veut optimiser les synergies avec sa plate-forme virtuelle dans laquelle il a beaucoup investi. Pour le reste, «?tout est imaginable à partir du moment où les projets sont bien pensés?», indique Dominique Desseigne. De quoi laisser ouvertes les portes de l’internationalisation du groupe et de ses marques phares vers l’Asie ou le Moyen-Orient peut-être…

       

Photo de Red Betty Black

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