« Les annonceurs français doivent développer la culture du test & learn. »
Décideurs. Quel est le périmètre d’intervention du Syndicat des régies Internet ?
Hélène Chartier.
Le syndicat a été créé il y a exactement dix ans par les principales régies publicitaires, telles que Yahoo!, Microsoft ou encore Orange. Aujourd’hui, ce sont vingt-sept régies qui sont représentées : les « historiques » ont été rejoints par des pure players ainsi que des régies de médias plus traditionnels, les acteurs du mobile et enfin des réseaux comme Hi-media. Nos membres représentent 95 % de l’audience internet et environ 80 % du display.
Notre syndicat a pour objectif d’assurer la professionnalisation et le développement de la publicité digitale. La publication chaque année de l’Observatoire de l’e-pub, réalisé par PWC avec l’Udecam, offre un panorama des différents leviers de croissance et des grands enjeux de notre secteur. Nous travaillons aussi à l’amélioration et à la fiabilité des outils de pilotage du business, concernant l’audience ou encore la pige publicitaire Internet. Par ailleurs, le syndicat communique sur les bonnes pratiques publicitaires et il est un interlocuteur reconnu des pouvoirs publics pour débattre des grands enjeux de la publicité digitale.

Décideurs. Quels sont les enjeux auxquels les régies font face aujourd’hui ?
H. C.
L’explosion du multiscreen est un des éléments importants à prendre en compte dans leur activité, tout comme le développement des adexchanges. La consommation digitale ne peut plus être appréhendée à travers un seul écran : elle est très souvent multiple, soit en simultané, soit en séquentiel [des supports différents utilisés à différents moments]. L’enjeu pour les régies est donc de proposer aux annonceurs des campagnes globales et multi supports (Web, mobile, tablette et TV connectée).
La stimulation est très forte pour les régies et donne naissance à d’astucieuses innovations. Les chaînes de TV proposent par exemple des applications qui permettent de pousser sur le second écran du téléspectateur des contenus adaptés à ce qu’il regarde sur le premier. La tablette ou le smartphone peuvent également reconnaître le flux sonore généré par la télévision et y répondre par exemple. Cet enjeu de complémentarité n’est pas seulement lié à la télévision, il est le même pour la presse écrite : le digital apporte une complémentarité qui permet de gérer les différents niveaux de temporalité. Les lecteurs peuvent ainsi recevoir des alertes en instantané, tout en se réservant la possibilité d’entrer dans une analyse plus profonde et beaucoup plus longue dans un second temps.

Décideurs. Le marché semble promis à une belle croissance. Qui saisira les opportunités à venir ?
H. C.
Les régies ont une bonne attitude vis-à-vis de l’évolution du marché, elles sont opportunistes et portées sur l’innovation, en accord avec leur temps. N’oublions pas que la publicité est le moteur indispensable du digital puisqu’elle finance une partie importante des contenus. Pourtant, la France a encore un peu de retard matière d’investissements digitaux. D’une façon générale, les annonceurs français doivent développer cette culture du test & learn qui fait la force des Britanniques et de l’Allemagne. Le paradoxe du mobile est à ce titre éloquent : il est à l’origine d’un tiers des audiences en France alors qu’il ne représente que 6 % de l’investissement publicitaire ! Clairement, l’appropriation du support par les annonceurs n’est pas optimale.
Il faut en même temps leur concéder la difficulté des choix stratégiques qui se présentent à eux devant l’évolution permanente du secteur. Le multiscreen oblige à composer avec les spécificités de chaque support. On ne peut plus se contenter de dupliquer une campagne sur chaque support, la complémentarité entre ces derniers doit être profonde et interactive.

Décideurs. Y a-t-il une bonne façon d’exploiter le multi-écran ?
H. C.
Il n’est pas toujours facile pour les annonceurs de faire la part des choses entre tendances de fond et phénomènes de mode, entre nouvelles technologies et nouveaux usages. S’il est un outil formidable aujourd’hui, c’est bien la mesure en temps réel de l’efficacité d’une campagne. Elle permet de corriger le tir très rapidement en cas d’insuccès. Elle devrait d’ailleurs mener à plus de test & learn, que ce soit pour les campagnes mutiscreen, les nouveaux modes d’achat ou encore pour jouer sur la complémentarité entre les supports traditionnels et le digital.

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