Par Julie Jacob, avocat associée, et Charles Pesquet, avocat. Jacob Avocats
Le ciblage comportemental vise à collecter des informations sur les internautes afin d’identifier leurs centres d'intérêts. Utilisation des cookies, fingerprints, géolocalisation, puces RFID, analyse des données présentes sur les forums et les réseaux sociaux… sont autant de sources qui permettent un ciblage plus fin et une connaissance approfondie du client.

Connaître ses clients, ses prospects est la base d’une action marketing réussie, aux fins d’atteindre le cœur de cible et obtenir un retour sur investissement. Les techniques pour ce faire se multiplient : segmentation, ciblage comportemental, datamining, CRM, etc.

L’accès aux données constitue un enjeu en termes de protection juridique qu’il ne faut pas négliger.

Les applications du ciblage comportemental
Pour les acteurs du marché de la communication en ligne (annonceurs, agences, régies publicitaires et éditeurs), la publicité personnalisée fait partie des tendances clés des stratégies publicitaires.

Dans une période pourtant peu propice aux investissements, directions marketing et directions des systèmes d’information s’intéressent aux opportunités liées au ciblage comportemental, favorisé par l’essor du Big Data.

Au-delà d’une expression, le big data est un véritable concept permettant d’abolir les limites de l’exploitation des données, et de trouver, au cœur de ces données, des tendances, des relations inattendues, des nouveaux modèles.

Ainsi, les nouvelles structures de données offrent un potentiel de rapprochement avec des données déjà existantes dans les systèmes d’information.

En marketing, c’est tout le secteur qui se trouve renouvelé, le Big Data permettant aux professionnels du secteur de connaître leurs clients «à 360°», c’est-à-dire à la fois par leurs parcours mais également par leurs achats ou préférences affichées sur les réseaux sociaux.

Anticiper les besoins de ces derniers et cibler des offres personnalisées est devenu le credo du marketing «data-driven», qui met en avant des techniques inédites : le Real-Time Bidding pour l’achat d’espaces en temps réel, le Retargeting pour le ciblage personnalisé ou encore l’analyse de sentiment pour la détection de comportements sur les réseaux sociaux.

Ce faisant, le profil des consommateurs ne se limite plus à un nom, un prénom et une adresse mais devient une transcription virtuelle de leur personnalité.

Dans ce contexte, certaines techniques de traçage utilisées pour diffuser les publicités comportementales recourent à des traitements de données à caractère personnel. Elles exploitent en effet des informations provenant du navigateur et de l’équipement terminal de l’utilisateur. L’exploitation des données personnelles qui en résulte peut ainsi se révéler intrusive en termes de vie privée.

Les limites du ciblage comportemental
Outre le caractère intrusif du marketing ciblé, les principaux griefs adressés à cette technique sont principalement la possibilité d’opérer des discriminations commerciales et l’absence d’information claire de la personne concernée à l’égard du traitement de ses données.

Or, toute entreprise qui collecte ou reçoit des données personnelles doit se soumettre aux obligations de la loi «Informatique et Libertés» - dont les grands principes sont : la transparence dans l’utilisation des données, l’information préalable des personnes, la proportionnalité entre la nature des données collectées et l’objet du traitement, l’archivage des données limité dans le temps.

La réglementation sur la protection des données à caractère personnel
La Cnil distingue la publicité comportementale de la publicité personnalisée, laquelle est «?choisie en fonction des caractéristiques connues de l’internaute (âge, sexe, localisation…), et de la publicité contextuelle, «?choisie en fonction du contenu immédiat?» consulté ou du mot-clé utilisé par l’internaute. En pratique, la frontière entre ces différents modes de publicité est ténue.

Alors que la publicité contextuelle et la publicité segmentée recourent aux caractéristiques connues des utilisateurs ou à des «?instantanés?» de ce que les personnes concernées regardent ou font sur un site web, la publicité comportementale - quant à elle - est susceptible de fournir aux annonceurs une image très détaillée de la vie en ligne de toute personne concernée. La publicité comportementale repose donc sur l’utilisation de données permettant la création de profils d’utilisateurs extrêmement détaillés qui, la plupart du temps, seront considérés comme des données à caractère personnel.

En application de la réglementation, l’internaute doit donc en être clairement informé, non seulement lorsqu’il fournit ses données volontairement, mais également en cas de collecte non visible lors de la constitution de profils par étude du comportement de l’internaute sur le site (profil prédictif - analyse de la navigation, des achats, etc.). Cette information doit indiquer les conditions et moyens de la collecte, ses finalités, les destinataires, l’existence d’un partage de données avec des tiers.

Réglementation relative aux traceurs
La Cnil a émis une recommandation le 5 décembre 20131 relative aux cookies et autres traceurs, précisant ainsi l’ordonnance de transposition de la directive communautaire «Paquet Télécom» du 24 août 20112.

En vertu de cette Recommandation, l’accord préalable et explicite de l’internaute est requis pour l’utilisation de traceurs en matière de publicité ciblée, de boutons de partage de réseaux sociaux et de certains cookies de mesure d’audience.

En pratique, un message doit figurer sur le site Internet de manière apparente et indiquer quelles informations vont être stockées et à quelles fins. Après avoir reçu ces informations, la personne concernée devrait avoir la possibilité d'indiquer si elle autorise un tel traitement, ou non.

Le texte prévoit des exceptions à ce principe d’accord préalable, notamment pour les cookies de gestion d’un panier d’achat, les cookies d’authentification, de session et d’adaptation d’un service aux spécificités techniques d’un terminal.

La Cnil précise que les informations collectées par l’intermédiaire de cookies peuvent être conservées pendant une durée de 13 mois au maximum.

À suivre
Un projet de Règlement communautaire qui a vocation à réviser le cadre européen de la protection des données personnelles, à travers notamment les cookies, pourrait être publié d’ici fin 2014 et adopté en mai?2015.

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