La responsable de la propriété intellectuelle revient sur les enjeux stratégiques pour le groupe.
Décideurs. Quels sont les principaux sujets PI pour un groupe hôtelier international comme le vôtre ?
Marie Champey. Accor exploite ses enseignes dans 92 pays, avec plus de 3 500 hôtels. Cette activité suppose évidemment d’assurer la protection, dans l’ensemble de leurs pays de présence, des enseignes Sofitel, Pullman, Mercure, Novotel, etc. et de leur univers de communication.
Il est également nécessaire de protéger nos marques de produits et services (marques de restauration, produits d’accueil, etc.) ainsi que nos marques de distribution Internet (Accorhotels), de fidélisation (Le Club Accorhotels), de même que les marques plus «corporate» comme Accor, Planet 21 ou Solidarity Accor.
Fort logiquement, le corollaire de cette première mission est la défense des marques, sachant que la particularité du portefeuille Accor est qu’il génère une activité contentieuse importante, comparable à celle d’un portefeuille de produits de luxe.
Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer une enseigne d’hôtel copiant une marque Accor ou un faux site Internet de réservation de nuitées Accor. Nos systèmes de veille, couplés à notre capacité à réagir rapidement, permettent de donner des solutions efficaces à ce type d’atteinte.
Bien entendu, notre mission est également d’encadrer la politique de réservation des noms de domaine, de lutter contre le cybersquatting, et de nous assurer du respect des droits de PI d’Accor sur les réseaux sociaux. Enfin, mon équipe intervient sur tout type de contrat à fort contenu ou enjeu PI (contrats de cession ou licence, contrats de communication, design, M&A, etc.).

Décideurs. Lors des opérations de fusions-acquisitions, sur quels enjeux de PI portez-vous votre attention ?
M. C. Une cession ou une acquisition de droits de PI est toujours accompagnée d’un audit des portefeuilles et des contrats PI. Une fois l’audit effectué, les discussions portent le plus souvent sur les points essentiels suivants : la validité des droits (oppositions, actions ou menaces d’actions en nullité, problèmes de non-usage des titres, non-dépôt de titres pourtant intensivement être exploités, etc.), les conditions ou sujétions contractuelles antérieures à l’opération qui grèvent l’utilisation des titres (accords de coexistence, protocoles transactionnels), la cessibilité des titres et des contrats. En effet, en matière de PI, les contrats sont le plus souvent conclus intuitu personae, ce qui peut entraîner des démarches avant ou après l’opération, auprès des tiers cocontractants.

Décideurs. Avez-vous été confronté à des questions complexes lors de cessions ou acquisitions Accor ?
M. C. Tout d’abord, je peux évoquer la scission, en 2010, des activités hôtellerie et services d’Accor, ayant abouti à un apport scission des marques Ticket Restaurant à Edenred. Cette opération a nécessité le démembrement du portefeuille en deux parties, sachant que les deux branches d’activité – hôtellerie et services – exploitaient toutes deux la marque Accor, y compris en relation avec leurs marques produits. Ensuite, en 2012, lors de la cession de la marque Motel 6 aux États-Unis, j’ai été confrontée à des questions de « collision » entre le concept de licence perpétuelle admis dans les pays de droit anglo-saxon et les principes du droit civiliste qui au contraire n’admet pas le caractère perpétuel d’un tel contrat.

Décideurs. Existe-t-il des points sensibles qui risquent de compromettre une opération de fusion-acquisition en matière de PI ?
M. C. Il me paraît important de bien encadrer les périodes de transition d’utilisation des marques cédées, entre le cédant et le cessionnaire ; cela se prévoit dans le contrat portant directement sur l’opération de rachat de l’activité ou dans un contrat séparé consacré à la
cession des marques.
Il y a également un aspect financier qu’il ne faut pas négliger. Si l’acquisition concerne un portefeuille de marques enregistrées dans un nombre important de pays, l’acquéreur devra évaluer les coûts liés à l’enregistrement de la cession auprès des différents offices. Il faut également savoir que, dans le cas où les marques cédées sont grevées de licence, certains pays bloquent toute remontée de redevances tant que les inscriptions de changement de propriétaire (et consécutivement du nom du donneur de licence) ne sont pas effectuées, ce qui peut avoir des conséquences significatives sur l’équilibre financier à court terme de l’activité ayant fait l’objet de la cession.

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