Pour Catherine Morin-Desailly, sénatrice et présidente du groupe de travail « médias et nouvelles technologies » au Sénat, le numérique représente de formidables potentiels de développement. pour les entreprises. 
Décideurs. Comment encourager les entreprises à prendre le tournant du numérique ?
Catherine Morin-Desailly : Les pouvoirs publics ont une grande responsabilité. Ils doivent favoriser le développement des infrastructures haut débit et notamment en milieu rural si l'on veut que l'ensemble du territoire demeure compétitif et vivant. Ils doivent également inciter au développement de contenus plus innovants via, par exemple, les appels à projets. Le programme d'investissements d'avenir, d'ailleurs, alloue 4,5 milliards d'euros à ses deux projets.
Parallèlement, les entreprises doivent elles-mêmes réaliser un travail et faire évoluer leurs méthodes de management. Peut-être qu'il faut s'imaginer mieux récompenser les succès et moins pénaliser les échecs lorsque l'on prend des risques. Il s’agit également de favoriser les idées qui se développent au plus près des opérationnels, encourager les salariés les plus innovants. Cela peut révolutionner les modes de travail.
La France dispose d'entreprises de premier plan dans le domaine du numérique à l’instar des opérateurs téléphoniques, d’entreprises de services du numérique, etc. Nous disposons de start-up extraordinaires, telles que Criteo, Parrot, Netatmo...
La France bénéficie d’un très bon niveau dans le domaine des objets connectés et plus particulièrement la santé. Mais il est vrai que l'intensité de la compétition internationale rend cette position un peu instable, fragile pour nos créateurs. Je pense notamment à l'industrie du jeu vidéo où la France a longtemps été précurseur dans le secteur, mais où nous sommes pris de vitesse aujourd'hui car nous n'avons pas toujours mis en place les conditions favorables au développement de ces entreprises, telles qu’une fiscalité avantageuse. Il faut des politiques fiscales classiques qui encouragent l'innovation à travers par exemple le crédit d'impôt recherche, mais aussi savoir financer une autre recherche que de création d'objets comme par exemple la recherche de nouveaux modèles, services, etc. Cela se fait beaucoup aux États-Unis.

Décideurs. Comment sensibiliser les entreprises et leurs collaborateurs sur le sujet ?
C. M.-D. : Cela doit se faire par une vaste campagne de sensibilisation au numérique avec une formation de base dès le plus jeune âge à l'école maternelle à laquelle doit se greffer la formation continue – en particulier pour toute une génération qui n'a pas grandi avec cette révolution. J'ai fait voté un amendement au Sénat pour inscrire, dans le code de l'éducation, une sensibilisation au numérique dès le plus jeune âge. Internet représente de nouveaux modes d'accès à la connaissance, de nouveaux modes de partage, de nouvelles manières de créer et collaborer, et c'est un outil sur lequel les enseignants doivent être formés pour appréhender et dispenser les savoirs différemment.
Les collectivités locales sont également appelées à jouer un rôle primordial : la formation professionnelle fait partie des compétences des régions et c'est aux élus de proposer, dans le cadre de plans de formation professionnelle, des actions dans ces domaines.

Décideurs. Dans ce cadre, la formation en alternance semble être une bonne opportunité aussi bien pour les étudiants que pour les entreprises qui les accueillent…
C. M.-D. : Celle-ci est souvent réservée à des métiers plus techniques. On pourrait tout à fait imaginer qu'elle soit proposée à tous les niveaux. Pour des étudiants appelés à être diplômés bac+4 ou bac +5, cela leur permettrait d'avoir une vision et une application plus concrètes de leurs études. Les étudiants en médecine, dès leur quatrième année, entrent dans le monde professionnel. Pourquoi ne pas élargir cette bonne disposition à toutes les formations ?

Décideurs. Comment capitaliser à l'export autour du savoir français ?
C. M.-D. : Nos entreprises doivent s'afficher plus largement à l'international en chassant en meutes et en se regroupant. Celles localisées au sein des pôles de compétitivité le font déjà. Lors de leurs déplacements à l’étranger, nos responsables politiques doivent s'entourer de chefs d'entreprise innovants pour promouvoir leur activité. Les entreprises doivent impérativement raisonner à l'échelle mondiale et être tournées vers les marchés extérieurs.
La mondialisation est une réalité qui est accélérée par Internet et abolit toutes les frontières.
Les entreprises peuvent s'appuyer sur l'ensemble des moyens institutionnels à leur disposition. On peut citer les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et leurs bureaux l'étranger, Ubifrance, la Banque publique d’investissement (BPI), les conseillers du commerce extérieur de la France, l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) ou encore des bureaux de représentation de grandes collectivités locales à l’étranger. L'entreprise doit être très proactive dans ses domaines.
Dans ce domaine, il faut une vraie ambition. Par exemple, la Région Haute-Normandie où je siège a voté une subvention à une association de start ups du numérique Normandie web experts, c’est bien mais ce n’est pas suffisant. Le rôle d'une collectivité est de créer les conditions pour fédérer tous ceux qui touchent de près ou de loin au numérique : de la recherche aux entreprises, en passant par le monde de l'enseignement supérieur. Le but est d'initier des clusters qui regroupent tous les maillons de la chaîne.

Retrouvez la suite de cet entretien dans le supplément « stratégie, réorganisation et restructuration » du magazine décideurs. 


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