De nouvelles extensions de noms de domaine vont être mises en ligne. Sans bouleverser la présence des marques sur le Web, cette opportunité qui leur est offerte va de pair avec un risque accru de cybersquattage.
Une petite révolution
En 2013, la famille du Web s’agrandit. Vous avez aimé poursuivre les cybersquatteurs du .com et du .net ; les URL aux termes approximatifs et au référencement précis vous pourrissent la vie ? Vous allez adorer les ma-marque.fashion, les mon-nom.book et les mon-produit.rienàvoir. Le processus de lancement des nouvelles extensions de noms de domaine (gTLD), entamé en 2008, entre dans sa dernière phase. Depuis un an environ, la liste des 1 930 candidatures à une nouvelle extension de nom de domaine a été publiée par l’Icann, qui supervise la procédure. Un tirage au sort a été organisé pour déterminer l’ordre d’attribution des nouvelles extensions, qui devraient être disponibles au compte-gouttes dès la mi-2013. De l’aveu de son président, Fadi Chehadé, le système a été conçu pour arranger le plus grand nombre, tout en sachant qu’il allait en défavoriser certains. Les opportunités offertes par ce nouveau système sont multiples. Pour qui ? Pour l’Icann d’abord, qui a perçu 185 000 dollars pour chaque inscription. Pour certains candidats ensuite, du moins l’espèrent-ils. DonutsInc a soumis pas moins de 307 dossiers pour des extensions comme .charity, .cheap ou encore .doctor: un investissement de plus de 56 millions de dollars... À eux deux, Google et Amazon ont déposé 177 dossiers, avec de belles batailles à venir autour du .book et du .app. Restera ensuite à savoir dans quelles conditions ces extensions seront mises à la disposition du public : quelles contraintes, quels coûts ?

Que dire de Facebook, qui n’a pas souhaité participer à cette petite révolution du web ? Ses stratèges ont-ils suivi le même chemin que l’immense majorité des titulaires de marques, soit rester concentrés sur les gTLD existants et profiter des opportunités présentées par les extensions à venir. Elles sont nombreuses en termes de sécurité et d’expérience utilisateur. Pensez à .bank, derrière laquelle pourront se ranger les institutions financières, à .ville qui abritera l’industrie hôtelière locale, ou à .med, qui pourrait rassurer les internautes quant au sérieux des services de santé proposés sous ce nom de domaine.

La Trademark Clearinghouse
L’enjeu pour les entreprises sera de protéger leurs marques à travers les multitudes de nouvelles combinaisons possibles, tout en évitant de se disperser dans des luttes interminables. C’est la raison d’être de la Trademark Clearinghouse, la chambre de compensation centralisée de l’Icann. Selon une procédure et un timing précis les titulaires y déposent un dossier par marque. Ce dépôt donne un droit prioritaire pour l’obtention du domaine de second niveau (leadersleague dans l’adresse leadersleague.com). Il permet aussi au titulaire d’être prévenu (mais pas davantage) lorsque le nom exact qu’il a déposé à la Trademark Clearinghouse fera l’objet d’une demande de nom de domaine de la part d’un tiers.

Cette période dite sunrise a pour double objectif de limiter le cybersquattage et d’enrichir l’Icann. Avec 725 dollars de frais par dossier (pour un dépôt de cinq ans), la facture va vite grimper pour les titulaires de marques qui devront opérer des choix rapides dans leur portefeuille. Heureusement, chaque dépôt effectué pendant cette période est valable pour toutes les extensions, tous les futurs offices d’enregistrement étant tenus d’opérer avec la ClearingHouse.

Tout change, et rien ne change
Une fois les nouvelles extensions de noms de domaine lancées, les titulaires de marques disposeront de tous les moyens de défense existant à ce jour, tels que l’Udrp (Uniform Dispute Resolution Proceedings), le contentieux de droit des marques et les arbitrages de noms de domaine.

Le réel changement vient donc de la diversité de formules offertes aux marques pour leur présence sur Internet. De façon traditionnelle, les stratèges et les vigilants sauront en tirer le meilleur parti. Quant aux coûts et aux moyens induits, la question reste en suspens, même si nous avons tous, ici, notre petite idée.


Voir aussi - Entretien avec Jean-Philippe Clément, chargé de mission TIC et Innovation à la Ville de Paris

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