Ressources limitées, appauvrissement des sols, réchauffement climatique... Quelle sera notre alimentation demain ?
Scrutons le contenu de nos assiettes dans une boule de cristal. Sont invités à notre table en 2050, les effets probables du changement climatique, la raréfaction des énergies fossiles, les inévitables transitions alimentaires et le sacro-saint progrès scientifique. Au menu des Cassandres : faux bio, OGM, huile de palme, jambon «?Enviropig?» (le cochon canadien qui pollue moins), saumon à croissance rapide de la société AquaBounty… Alors mythe ou réalité à venir ?

Mauvais goût

Les scientifiques australiens interrogés dans le rapport publié par le Melbourne Sustainable Society Institute en mars dernier tirent la sonnette d’alarme. Le réchauffement climatique menace le contenu de nos assiettes et altère aussi la saveur et la consistance de nos aliments. Des carottes molles, des framboises et des citrons malades, des pommes de terre introuvables, des aubergines difformes et de l’huile de canola amputée d’un quart de sa valeur nutritionnelle… Si comme le prévoient les climatologues, la planète gagne 1,6?°C d’ici à 2030, certaines variétés de fruits et de légumes mais aussi de crustacés et de viandes se feront plus rares dans nos assiettes. D’autres disparaîtront carrément comme les coquilles Saint-Jacques ou le poulpe. Et qui dit pénurie, dit forcément augmentation des prix. D’ici à 2050, certaines denrées pourraient subir une inflation entre 3?% et 84?% selon le rapport des Nations unies, Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC).

« Notre système alimentaire va voler en éclat?»

«?Le banquet des cannibales, c’est fini !?», s’exclame Philippe Desbrosses. Ce pionnier de l’agriculture biologique en Europe et docteur en sciences de l’environnement assure que «?notre système alimentaire va voler en éclat?». Autrement dit ? Demain, moins d’un repas sur deux contiendra des protéines animales. Une théorie confirmée par les statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Car pour satisfaire les besoins mondiaux en viande, la FAO table sur une augmentation de la production de 465?millions de tonnes en 2050, contre 229?millions de tonnes en 1999/2000. Une folie si l’on tient compte des inconvénients liés à l’élevage industriel qui pollue et mobilise 70?% des terres agricoles mondiales. «?On ne peut pas à la fois nourrir beaucoup d’hommes et beaucoup d’animaux?», déclare le nutritionniste Christian Rémésy.

Novels foods et techno-bouffe

Certains misent donc sur ces nouveaux aliments – peu ou pas consommés dans la Communauté européenne avant le 15?mai 1997 – qui peuvent avoir une origine végétale ou animale, être issus d’une culture alimentaire étrangère mais surtout être produits par la recherche scientifique ou technologique. Nombreuses sont les start-up parties à l’assaut de ces eldorados scientifico-culinaires. Micronutris élève des grillons, Bitty Foods commercialise des cookies à base de farine de cricket et le Français Antoine Hubert a créé la première bioraffinerie d’insectes au monde quand le scientifique Mark Post a sorti de son labo un steak fabriqué à partir des cellules-souches du muscle animal. La food 2.0 séduit de plus en plus. Son faible impact environnemental et sa qualité nutritive sont les arguments brandis par les Bill Gates et autres Peter Thiel qui soutiennent la recherche à grand renfort d’investissements. «?Les aliments nouveaux, je n’y crois pas. Il y a une certaine arrogance à penser que le progrès peut tout résoudre?», martèle M. Desbrosses.

Le prix du steak-éprouvette est passé de 250 000 € en 2013 à 10 € en 2015.

Les récents scandales du veau aux hormones, des lasagnes à la viande de cheval ou des perturbateurs endocriniens comme le Bisphénol A l’ont démontré en mettant en lumière l’opacité des chaînes de production agroalimentaire. Et ce n’est que le début. Avec l’émergence des novel foods, le contenu de nos assiettes pourrait être plus difficilement contrôlable en 2050.

E.V.

Le point de vue de Charles Kloboukoff, président-fondateur de Léa Nature.

Cet article fait partie du dossier "Comment vivra-t-on en 2050". Poursuivre avec l'article "Objets soniques non identifiés".

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