« Le vrai sujet, ce n’est pas de créer une nouvelle structure administrative, c’est de simplifier les structures existantes »
Décideurs. La réorganisation d’une collectivité territoriale engendre-t-elle nécessairement une détérioration de la qualité du service public ?
Valérie Pécresse.
L’objectif d’une réorganisation réussie c’est précisément d’améliorer la qualité du service public. Une réorganisation doit aussi pouvoir conduire à des économies « utiles » pour nos concitoyens. Prenons l’exemple de la région Île-de-France où les gisements d’économies sont nombreux. La chambre régionale des comptes a démontré que l’absentéisme des agents coûtait 24 millions d’euros (M€) par an. La région pourrait aussi économiser 25 millions d’euros par an en déménageant ses services aujourd’hui dans les quartiers les plus chers de Paris sur un site unique en banlieue parisienne. Ces 49 millions d’euros d’économies totalement indolores pour les citoyens pourraient être utilisés à la rénovation des lycées ou des transports.


Décideurs. Comment réduire les chevauchements de compétences entre les régions, les départements et les communes ?
V. P.
C’est le deuxième grand gisement d’économies. Pourquoi la compétence tourisme est-elle exercée en même temps par les communes, les départements et les régions ? Chaque année, la région Île-de-France dépense 20 millions d’euros pour financer un comité régional du tourisme dont on peine à voir les résultats. Tous les Français comprennent qu’il serait beaucoup plus efficace de répartir les compétences entre les collectivités. Cela éviterait les instructions multiples d’un même dossier - coûteuses en ressources administratives et exaspérantes pour les demandeurs - et responsabiliserait tous les acteurs. L’électeur saurait qui il doit sanctionner si un service public ne fonctionne pas. C’est pourquoi dans la loi créant le conseiller territorial, Nicolas Sarkozy avait proposé de supprimer la clause de compétence générale pour les départements et les régions. Je sais bien que François Hollande s’est lui aussi dit favorable à cette suppression lors de sa conférence de presse du 14 janvier. J’observe simplement que quinze jours plus tard il promulguait la loi sur les métropoles qui précisément rétablit cette clause de compétence générale ; c’est même son article premier ! Où est la cohérence ?


Décideurs. L'émergence des métropoles dotées de certaines compétences appartenant aux collectivités territoriales vous semble-t-elle être une voie à suivre ?
V. P.
Le vrai sujet, ce n’est pas de créer une nouvelle structure administrative, c’est de simplifier les structures existantes dans lesquelles personne ne se retrouve plus. Or la métropole, et particulièrement à Paris, c’est un cinquième échelon administratif. La métropole du Grand Paris, c’est une mauvaise réponse à un vrai problème. En Île-de-France c’est la région qui devrait être naturellement la métropole. Faire une métropole sans Roissy, sans les villes nouvelles, ça n’a pas de sens !


Décideurs. Comment faire accepter une réforme aux différentes collectivités territoriales ?
V. P.
La priorité pour faire accepter une réforme – je l’ai constaté avec la réforme des universités – c’est que les acteurs se l’approprient. Cela nécessite deux choses : un, du dialogue, deux, démontrer qu’on poursuit un but d’intérêt général. La métropole du Grand Paris ne remplit aucune de ces conditions. Alors qu’elle concerne 7 millions de personnes, elle a été ficelée en quelques semaines sans concertation ni étude d’impact. Quant à ses objectifs, tous les observateurs avisés ont compris que l’opération était en réalité politique : permettre à la gauche de conserver sa main-mise sur Paris et la petite couronne, y compris en cas de défaite aux municipales, et aux régionales de 2015.


Décideurs. Le rapprochement entre certaines collectivités territoriales, comme celle qui a eu lieu entre les départements de l’Eure et de la Seine Maritime qui ont créé le « 276 », peut-elle permettre à certains territoires de se doter d'une véritable force économique ?
V. P.
Cela va indéniablement dans le bon sens, comme la tentative de créer une collectivité territoriale d’Alsace, qui malheureusement a échoué. Tout ce qui va vers davantage de simplification, d’efficacité et d’économies doit être encouragé. C’est ce que les Français attendent. C’est pourquoi j’avais soutenu la réforme du conseiller territorial qui permettait de rapprocher les départements et les régions. C’est pourquoi je suis contre la métropole telle qu’elle a été conçue par le gouvernement. La métropole du Grand Paris rétrécie à Paris et à la petite couronne, coupe la région en deux de manière totalement artificielle, elle l’affaiblit et elle ne correspond pas aux déplacements quotidiens des Franciliens. Arrêtons de perdre notre temps à inventer de nouvelles administrations pour les élus. Concentrons notre énergie à bâtir des projets pour les Français.


Décideurs. En quoi la constitution du « Grand Paris » optimise-t-elle l’action publique territoriale ?
V. P.
Dans sa version actuelle, la métropole du Grand Paris n’optimise rien, elle complique tout. Comment peut-on imaginer régler les problèmes des Franciliens en déconnectant la question du logement – gérée par la métropole – de celles des transports et du développement économique – gérées par la région ? Comment peut-on imaginer régler leurs problèmes en dressant une barrière administrative entre la zone dense, la plus dynamique, et les territoires péri-urbains et ruraux, moins bien desservis en services publics ? Il fallait réduire les fractures qui ne cessent de grandir au sein de notre région. Au lieu de réduire ces fractures, la métropole du Grand Paris en ajoute une supplémentaire.

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