Avec Molotov, le duo de choc Jean-David Blanc et Pierre Lescure, respectivement fondateurs d’Allociné et de Canal+, promet de faire entrer la télévision dans l’ère de l’Internet. Un pari osé.
Le nom est explosif, le cocktail d’entrepreneurs détonant. Molotov.tv a tout d’un ovni projetant une révolution. Celle des usages de la télévision, boudée par des téléspectateurs biberonnés aux smartphones et autres tablettes. Celle de l’accès aux programmes qui se doit aujourd’hui d’être décloisonné pour exister demain. Celle de quatre vétérans du petit écran et de l’Internet obsédés par le « do it yourself ».

Réinventer le canal de distribution des programmes télévisuels

S’il est encore trop tôt pour décrire les tenants et les aboutissants de ce nouveau service de distribution de programmes de télévision qui ne sera disponible qu’à l’automne 2015, les fondateurs promettent néanmoins de réinjecter de l’agilité et de la flexibilité dans les usages. Une nécessité au regard du désintérêt croissant que la génération Z manifeste à l’encontre du petit écran. En moyenne, un jeune passe 1h30 devant la télévision, quand la plupart des Français la regarde quotidiennement 3h45 selon une étude du CSA.
Il y a donc urgence à redorer le blason de la télévision. Autrement dit ? Offrir l'agrégation des contenus, l'accessibilité à toute heure et leur présence sur les divers supports que sont les téléphones, les tablettes et autres laptops. Et l’équipe de Molotov d'assurer l’abolition du zapping, la fin des heures perdues en quête d’un programme ou les ratages intempestifs de vos émissions préférées. Réinventer le canal de distribution des programmes en s’adaptant aux nouveaux comportements des usagers, c’est la promesse de ce nouveau service dont la version bêta-test sera lancée en accès gratuit cet été. « L’utilisateur peut à la fois accéder au live TV et regarder des programmes déjà diffusés avec tout l’écrin de fonctionnalités nécessaires autour », décrit l'un des cofondateurs. Le téléspectateur maître en son royaume télévisuel. Vaste programme…

Pierre Lescure, la mascotte

Derrière ce nouveau service de distribution télévisuelle se cache Jean-David Blanc, l’un des parrains du Web français. Fondateur d’Allociné, le site de référence du cinéma en France tombé dans l’escarcelle de Marc Ladreit de Lacharrière en 2013, l’homme est un précurseur. Avec le « 40 30 20 10 », il a déjà révolutionné les usages de toute une génération. Et s’il est le premier à avoir compris le lien entre le cinéma et Internet, il pourrait bien aujourd’hui construire un pont entre la télévision et le Web. « C’est le Deezer de la TV ! », martèle-t-il, lui qui rêve à terme de faire de Molotov notre écran TV par défaut.
Pour cela, il a mis ses troupes en ordre de bataille. Tous sont marqués du sceau de la disruption. À l’instar de Pierre Lescure, créateur de Canal+ qui l’a rejoint il y a dix-huit mois dans l’aventure Molotov. Et Jean-David Blanc ne boude pas son plaisir de s’associer avec celui qu’il considère comme « l’un des plus grands hommes de télévision de notre génération ». « Il est devenu la mascotte de l’équipe, qui pourtant est très jeune et ne l’a pas connu à l’époque où il était très public. » À ce duo s’est agrégé Jean-Marc Denoual, ancien directeur de la distribution des chaînes thématiques payantes du groupe TF1 et Kévin Kuipers, cofondateur du site sur les jeux vidéo Gamekult et du réseau social SensCritique.

Dix millions levés

Au charbon depuis un an et demi, l’équipe vient de soumettre une demande auprès du CSA. Signe de l’avancement significatif du projet. « À ce stade des négociations, nous sommes très satisfaits », a déclaré M. Blanc. Si l’adoubement par le régulateur est une première étape, « le plus difficile a été de convaincre les réseaux de diffusion d’accepter une nouvelle expérience utilisateur », précise-t-il. Pavé d’embûches, le chemin de la révolution des usages télévisuels implique aussi quelques concessions financières. Molotov devrait avoir le statut officiel de distributeur de chaînes de télévision. Au-delà des contraintes réglementaires et fiscales liées à ce statut, la start-up est en concurrence avec les FAI. Par ailleurs, il n’est  pas impossible que le distributeur français ait à s’acquitter du versement de royalties à certaines entreprises.

Pour assurer son développement, la start-up a déjà levé dix millions d’euros auprès d’Idinvest et de quelques business angles. Parmi eux, Jacques-Antoine Granjon (Vente privée) aurait investi 500 000 euros avec sa structure Orefi. Sont également entrés au capital Marc Simoncini (Meetic), Oleg Tscheltzoff (Fotolia), sans oublier Steve Rosenblum, fondateur de Pixmania et soutien de la première heure dans l’aventure Allociné. Autant de grands noms de la tech française qui sonnent comme un avertissement au succès.
En attendant l’explosion de Molotov, la start-up se positionne sérieusement sur un marché en devenir. Demain, celle qui n’est encore qu’un embryon français de la distribution de programmes télévisuels pourrait être un des sérieux challengers du géant Apple.

Émilie Vidaud

 

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