Gautier Pourchetcoultant en marketing sportif chez IMG, respoable du compte Visa

Gautier Pourchet
consultant en marketing sportif chez IMG, responsable du compte Visa

Décideurs. Comment la population sud-africaine accueille-t-elle l’événement ?

Gautier Pourchet. À quelques semaines du match d’ouverture, on sent que la fièvre du Mondial commence à monter. Les drapeaux des équipes qualifiées ont envahi les restaurants, les bars et même les rétroviseurs des voitures. Le « Football Friday », lancé par le comité local organisateur de la Coupe du monde (le vendredi, les Sud-Africains sont invités à venir au bureau avec des maillots de foot, NDLR) suscite l’engouement et touche toutes les couches de la société.

Dans le même temps, les Sud-Africains comprennent parfois mal les sommes investies et craignent que certains stades ne soient pas utilisés par la suite. Pour vous donner un exemple, un stade flambant neuf a été construit à Nelspruit. Pourtant la ville ne compte que 100 000 habitants et n’accueillera que quatre matches.
Enfin, la plus grande partie de la population n’a pas les moyens d’assister à l’événement. Malgré des premiers prix autour de 140 rands (15 euros) proposés aux Sud-Africains, les places restent inabordables. Il leur restera les rediffusions sur écran géant dans les Fan Park, installés par la Fifa, pour vivre l’événement un minimum de l’intérieur.


Décideurs. En termes de remplissage des matches, de suivi et de médiatisation, avez-vous rencontré des obstacles particuliers ?

G. P. Cette Coupe du monde est très différente des précédentes. Tout restait à faire en Afrique du Sud : stades, transports, télécommunications. Par exemple, le taux de pénétration d’Internet ne dépasse pas les 15 %, ce qui a représenté un obstacle majeur pour l’achat des billets qui ne se faisait à l’origine qu’en ligne. Beaucoup de routes étaient en mauvais état et la capacité d’hébergement trop faible.
Il y aura forcément moins de supporteurs étrangers que lors de l’édition de 2006. Plusieurs facteurs jouent dans ce sens : la distance et le coût du transport, bien sûr, mais aussi la crise économique qui a refroidi certaines sociétés qui auraient pu inviter leurs clients.
Mais en ce qui concerne le suivi du public, cette Coupe du monde devrait surpasser toutes les précédentes. Les droits télévisuels acquittés par les chaînes internationales sont les plus élevés jamais connus. Que l’Afrique du Sud soit sur le même créneau horaire que l’Europe, le principal pourvoyeur d’audience, y est pour beaucoup. 


Décideurs. Être un sponsor de la Fifa, qu’est-ce que cela signifie? Permet ?

G. P. En termes de valeurs, de mobilisation d’audience, le football est un levier commercial. Les sponsors de la Fifa peuvent utiliser l’événement dans et pour leur communication : cartes de paiement customisées, présence de leur logo sur le terrain, invitations de clients et prospects aux matches. Ils démontrent aussi leur savoir-faire en accompagnant concrètement l’événement. Visa a par exemple équipé les stades en distributeurs de billets. En plus de la Coupe du monde, ils sont  associés à plus d’une dizaine d’événements par an (Coupe du monde des clubs, féminine, moins de 20 ans, beach soccer, futsal etc.). Les places de sponsor sont de plus en plus prisées. Même le secteur du luxe s’y est mis avec le récent contrat de licensing de Louis Vuitton.
L’Afrique est un marché en plein développement et l’immense popularité du football sur le continent est un moyen idéal pour toucher de nouvelles cibles et conquérir de nouveaux marchés.
Cette première édition en Afrique est également une opportunité unique de développer des programmes caritatifs. Les sponsors de la Fifa ont par exemple décidé d’offrir, sur leur quota de places, près de 120 000 billets aux populations africaines les plus défavorisées. La Fifa, de son côté, a créé un fonds de 60 millions d’euros pour améliorer les terrains et former entraîneurs et joueurs sur le continent africain.


Décideurs. La coupe du monde peut-elle vraiment changer l’image de l’Afrique du Sud aux yeux du monde ?

G. P. L’image du pays bénéficiera d’un grand coup de pouce car l’ambiance risque d’être unique. L’Afrique du Sud n’a certainement aucune chance de gagner la coupe du monde le 11 juillet. Leur but est surtout de faire bonne figure et je pense à titre personnel qu’ils ont de bonnes chances d’y parvenir. De plus le soutien populaire est primordial : on a vu dans le passé des pays hôtes réputés faibles accomplir des miracles, comme les USA en 1994, ou la Corée du Sud et le Japon en 2002. Grâce aux supporteurs munis de leur vuvuzela (corne utilisé par les supporters de football en Afrique), qui feront tout pour être un véritable douzième homme, l’ambiance des matches des Bafana Bafana risque d’être très chaude.
Le Mondial est une occasion unique pour L’Afrique de montrer au monde qu’elle change pour le mieux.


Juin 2010

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