Pour le CEO de Ceva Santé Animale, le « mieux nourrir » et le « plus nourrir » font planer un avenir radieux au-dessus de son entreprise.

Décideurs. Le nombre de buy-out récemment conclus sur des entreprises du pet food est conséquent. Est-ce que le « pharma animalier », un secteur d’activités connexe, est lui aussi en plein boom économique ?
Marc Prikazsky. Il faut distinguer la santé animale ? le cœur d’activité de Ceva ? du pet food. La première prend en compte l’ensemble des problématiques de santé et elle est soumise à ce titre aux contrôles des agences de santé qui lui délivrent des autorisations de mise sur le marché. Le développement des produits cliniques est coûteux et prend plusieurs années. Notre activité correspond à un marché de 25 MD$ au niveau mondial alors que le pet food brasse environ 75 MD$. De ce point de vue, Ceva est donc plus proche des entreprises pharmaceutiques classiques que des distributeurs de produits animaliers.
Cela étant, l’une comme l’autre activité servent le même client final : le propriétaire d’animaux domestiques. Et sur ce point, le pet food et la santé animale sont en plein essor, notamment grâce à la demande accrue en provenance des pays émergents.

Décideurs. Faut-il pour autant considérer les secteurs pharmaceutiques animalier et humain comme identiques ?
M. P. Non, la santé animale repose considérablement sur la fidélité accordée aux marques. L’expiration des brevets est par exemple moins problématique pour la pharma animalière que pour la pharma humaine. Le circuit de distribution, très complexe, joue aussi en notre faveur : nous passons directement par les éleveurs et les vétérinaires. Pour preuve, certains produits trentenaires grossissent encore alors qu’ils sont « génériqués » une dizaine de fois.

Décideurs. Vous avez évoqué les émergents. Dans quelle mesure portent-ils une partie de l’activité ?
M. P. L’animal de compagnie, comme le cheval, dont le statut est passé en cinquante ans de viande prisée à celui d’ami choyé, suit le développement des classes moyennes. Ainsi, lorsqu’une population s’enrichit, elle est plus encline à s’occuper d’animaux domestiques. Le potentiel animalier se situe donc d’abord en Asie-Pacifique où 59 % des classes moyennes seront présentes en 2050. De plus, avec 5 % de croissance annuelle, ce marché est pérenne, contrairement à d’autres secteurs qui, au gré des ruptures technologiques, déclinent aussi vite qu’ils se sont développés.

Décideurs. L’alimentaire est aussi un objectif prioritaire ?
M. P. Oui, il va rapidement falloir être capable de nourrir neuf milliards d’individus. Aujourd’hui, près d’un milliard d’individus ne mangent pas à leur faim. Les populations de plus en plus urbanisées consomment davantage de viande. Pour faire face à cette demande, il faudra produire 70 % de protéines animales en plus. Et pour y parvenir, Ceva et une petite dizaine de laboratoires concurrents se portent garants de la santé animale : aujourd’hui, sans nos vaccins, il n’y aurait pas de lait dans le réfrigérateur.

Décideurs. L’arrivée de Temasek au capital, un passage obligatoire vers l’Asie-Pacifique ?
M. P. 60 % de la population mondiale est localisée dans cette région. Certes, nous y étions déjà avant l’arrivée de Temasek mais dans des proportions bien moindres. La croissance de Ceva doit être plus forte en Asie qu’ailleurs. Le soutien de ce fonds singapourien depuis 2014 est d’ailleurs unique en son genre puisque c’est la première fois qu’il investissait directement dans une société française. Temasek est d’autant plus intéressant qu’ils ont une culture de minoritaire, non hégémonique. Ainsi, si vous cherchez un scientifique, en tant que conseiller stratégique, ils vous proposent un professeur non affilié à Temasek !

F. S.
 

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