Lors du Business & Climate Summit, les grands patrons ont plaidé pour la fixation d’un prix « robuste » pour chaque tonne de carbone émise.
« Il se passe quelque chose d’extraordinaire et d’inattendu ici. » Gérard Mestrallet, patron d’Engie, avait encore du mal à réaliser, en clôture du Business & Climate Summit, le tournant que se sont engagés à prendre, dans la lutte contre le changement climatique, les dirigeants de quelques-uns des plus grands groupes internationaux les 20 et 21 mai derniers, à Paris. Jean-Pascal Tricoire de Schneider Electric, Pierre-André de Chalendar de Saint-Gobain, Georges Plassat de Carrefour, Patrick Pouyanné de Total, Jean-Paul Agon de L’Oréal, Paul Polman d’Unilever, Xavier Huillard de Vinci, Antoine Frérot de Veolia... D’une même voix, tous ont plaidé pour une transition vers une économie bas carbone, intégrant un prix du carbone et éliminant les subventions aux énergies fossiles. À 200 jours de la Cop21, la grande conférence internationale pour le climat organisée à Paris, la portée de ce message a quelque chose d’historique. Jamais encore le secteur privé n’avait fait savoir si publiquement son souhait de s’engager dans une économie dé-carbonée, où ceux qui polluent doivent en payer le prix. « Il y a encore quelques années, un tel événement n’aurait pas été possible », assure Pierre-André de Chalendar, patron de Saint-Gobain et co-organisateur, avec Jean-Pascal Tricoire, PDG de Schneider Electric, du Business & Climate Summit.

Peser dans la balance
En se réunissant au siège de l’Unesco, les grands patrons ont aussi fait savoir leur volonté de peser dans la balance des négociations de la Cop21, en plaidant pour un « dialogue continu » entre les entreprises et les gouvernements. Ils ont d’ailleurs pu le dire de vive voix à François Hollande, président de la République, Ségolène Royal, ministre de l’Écologie et Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et président de la Cop21, qui sont tous les trois venus au sommet. Devant une assemblée nombreuse, mêlant dirigeants du monde économique, politiques et présidents d’organisations internationales, les dirigeants ont donné des gages de leur engagement, en mettant en avant leurs actions pour réduire leurs émissions, ainsi que les lignes qu’ils investissent dans les nouvelles technologies et l’innovation. Surtout, ils ont réclamé un prix « robuste » du carbone « dans la mesure où le cadre réglementaire est stable, prévisible et envisagé sur le long terme », comme le précise Jean-Pascal Tricoire. « Le CO2 est notre ennemi et chaque tonne de carbone émise doit être pénalisée », complète Gérard Mestrallet. À quel niveau de prix ? Selon Antoine Frérot, « un coût de 30 à 40 euros la tonne » permettrait déjà d’avancer. Tous reconnaissent néanmoins que le prix doit être suffisamment élevé pour peser dans les décisions stratégiques des entreprises. François Hollande a, quant à lui, indiqué que la réserve de stabilité, censée renforcer le marché carbone en Europe, sera mise en place en 2019.

Une transition bénéfique
Mais ne nous laissons pas berner. Il a fallu attendre 2015 pour avoir un vrai signal des patrons. S’ils s’engagent si fermement, c’est qu’ils ont calculé le coût de l’inaction et identifié les opportunités qu’ils pouvaient tirer de cette transition énergétique. Tant mieux. « Avec des politiques publiques sur le climat claires, prises sur le long terme, le business créera de la croissance, des emplois et de l’innovation dans une économie low carbon prospère », assure Jean-Pascal Tricoire. François Hollande l’a entendu… et demandé en retour aux entreprises de publier leurs feuilles de route, stipulant leurs engagements pour réduire leurs émissions, avant l’ouverture de la Cop21 en novembre prochain. Donnant-donnant.

Sophie Da Costa

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