Par Thomas Roche, avocat associé. Delsol Avocats
Entre?2007 et?2011, le nombre de demandes d’autorisation d’essais cliniques en Europe a baissé de 25?%. Afin d’endiguer ce déclin de la recherche clinique, la Commission européenne a proposé un règlement instaurant des dispositions harmonisées pour l’encadrement des essais cliniques. Ce règlement constitue un défi important pour les États membres, en particulier la France, qui vont devoir adapter leur législation avant 2016.

Le constat réalisé par la Commission européenne est simple : entre?2007 et?2011, le nombre de demandes d’autorisation d’essais cliniques en Europe a baissé de 25?%.
La directive 2001/20/CE n’a harmonisé que partiellement la réglementation des essais cliniques ce qui explique, en partie, le déclin de la recherche clinique en Europe. Afin d’améliorer cette situation et d’accroître l’attractivité européenne, la Commission européenne a proposé de remplacer cette directive par un règlement qui instaurera des dispositions harmonisées en lieu et place de mesures de transposition nationale divergentes. Bien qu’étant d’application directe, ce règlement constitue un défi important pour les États membres, en particulier pour la France, qui vont devoir adapter leur législation avant son entrée en vigueur prévue pour 2016.

Le déclin de l'Europe en matière d’essais cliniques de médicaments à usage humain
Le rapport réalisé par la Commission européenne, accompagnant la proposition de règlement relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE, déposé le 17?juillet 2012, comporte des informations chiffrées intéressantes sur les essais cliniques européens. Quelque 4 400 demandes d’autorisation d’essais cliniques sont déposées chaque année dans l’Union européenne et l’Espace économique européen. Près de 24?% de ces essais cliniques sont multinationaux, c’est-à-dire réalisés dans au moins deux États membres, et ces 24?% mobilisent environ 67?% du nombre total de participants recrutés. Indéniablement, l’Europe, dans sa diversité, offre un environnement idéal pour les promoteurs. Malgré cet environnement favorable et l’adoption de la directive 2001/20/CE censée en simplifier et en harmoniser les dispositions administratives, force est de constater que les résultats escomptés n’ont pas été atteints. La Commission souligne ainsi une baisse de 25?% du nombre de demandes d’autorisation entre?2007 et?2011, une augmentation des coûts de réalisation des essais cliniques et une augmentation de 90?% du retard moyen de démarrage des essais, qui atteint 152 jours. L’Europe souhaite jouer un rôle important dans la recherche mondiale et doit être compétitive pour attirer des entreprises pharmaceutiques souhaitant effectuer des travaux de recherche tout en favorisant la recherche universitaire. Dans le même temps, elle désire être «?une référence mondiale en ce qui concerne la sécurité des patients et la transparence, afin de gagner la confiance du public et de promouvoir la qualité de la science?» (1).
Pour atteindre ces objectifs il est apparu indispensable de repenser l’environnement législatif des essais cliniques en proposant un règlement européen qui abrogera la directive 2001/20/CE.

Des règles harmonisées pour l’autorisation et la conduite des essais cliniques
Le règlement européen est un outil juridique d’application directe à l’ensemble des acteurs européens d’un secteur donné. Contrairement à une directive, le règlement ne nécessite aucune transposition par les États membres. Ainsi, la proposition de règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments permettra aux promoteurs, aux États membres et aux acteurs de la recherche clinique en Europe de disposer d’un cadre législatif unique. Sans aborder de manière détaillée l’ensemble des règles contenues dans la proposition de règlement, il convient d’évoquer la mesure qui semble être au cœur de ce futur dispositif : l’évaluation des demandes d’autorisation d’essais cliniques. L’avancée majeure consiste à offrir aux promoteurs un «?lieu?» unique, prenant la forme d’un site Internet associé à une base de données européenne, afin qu’ils déposent leur demande d’autorisation conformément à un dossier harmonisé. Cette solution va considérablement faciliter les démarches administratives et accélérer les délais d’obtention de l’autorisation requise pour initier un essai clinique notamment grâce à la mise en place d’une approbation tacite à l’issue d’un délai fixé par le règlement. En d’autres termes, les promoteurs ne soumettront qu’une seule demande d’autorisation uniformisée, quel que soit le lieu où l’essai sera mené dans l’Union et indépendamment du fait que l’essai soit réalisé dans un ou plusieurs pays. Pour respecter ces objectifs de simplification, chaque État membre devra mettre en œuvre de véritables politiques de coopération, ce qui peut impliquer des évolutions significatives de chaque législation nationale.

La France est-elle prête à relever ce défi ?
La proposition de règlement laisse compétence aux États membres pour certains aspects intrinsèquement nationaux ou locaux, notamment en ce qui concerne la dimension éthique des essais (comité d’éthique, mécanisme d’indemnisation, etc.). En outre, le mécanisme d’autorisation proposé impose que chaque État soit en mesure de respecter les délais fixés pour la partie de l’évaluation qui lui revient. Les États membres ont donc l’obligation de s’organiser afin de respecter ces délais et de relever le défi de l’attractivité souhaitée par l’Union européenne. La France doit impérativement faire évoluer sa législation et notamment repenser le mode d’organisation et de fonctionnement des Comités de Protection des Personnes afin qu’ils puissent délivrer un avis dans des délais extrêmement courts. À compter de la publication du règlement adopté, la France aurait seulement deux ans pour se préparer à l’appliquer. Or l’environnement législatif français est loin d’être simple. Malgré des travaux européens initiés dès 2009, la France s’est obstinée à vouloir remplacer la loi Huriet-Sérusclat par la loi relative aux recherches impliquant la personne humaine (dite Loi Jardé), adoptée finalement en mars 2012 (2) après 3 ans d’une saga législative digne des meilleures «?telenovelas?». L’application de cette loi, qui en de nombreux points ne respecte pas la proposition de règlement sur les essais cliniques de médicaments, est suspendue à la publication d’un décret. Au moment où l’Europe parie sur une harmonisation des règles, la France va-t-elle décider de publier ce décret au risque d’obscurcir encore un environnement juridique en pleine mutation ? Il paraît résolument plus simple, plus rapide et plus efficace d’adapter les dispositions actuellement en vigueur. La modification de l’existant permettrait d’imaginer rapidement un dispositif législatif national qui s’imbriquerait parfaitement dans la réglementation européenne encadrant la planification et la conduite des essais cliniques.
Si la recherche clinique française veut trouver sa place en Europe et au niveau international, elle devra impérativement relever ce défi législatif et trouver les solutions qui lui permettront de rester compétitive en améliorant les délais nécessaires à la mise en œuvre des essais, notamment ceux liés au recrutement.

1-Exposé des motifs, Rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE (A7-0208/2013)
2-Loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine – JORF 06/03/2012




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