Acquérir un bien en résidence de services attire de nombreux investisseurs grâce aux avantages fiscaux et à la gestion simplifiée. Toutefois, il est crucial de bien comprendre les démarches liées à l’indemnité d’éviction pour éviter les mauvaises surprises à la fin du bail.

Acquérir un bien en résidence de services attire de nombreux particuliers souhaitant investir dans l’immobilier locatif. Les avantages sont nombreux : récupération de la TVA, réduction d’impôt, jouissance du bien plusieurs jours par an, loyers garantis quel que soit le taux d’occupation, et gestion autonome. Cependant, beaucoup pensent à tort qu’à l’échéance du bail, ils pourront disposer librement de leur bien. Attention aux mauvaises surprises liées à l’indemnité d’éviction et aux annonces trompeuses concernant la fin de bail. Dans un bail commercial, le locataire peut réclamer des indemnités d’éviction si le propriétaire ne souhaite pas renouveler le bail à son échéance. Le bail commercial ne se renouvelle pas automatiquement et ne prend pas fin au terme du contrat. À la fin du bail commercial, l’exploitant a droit au renouvellement. Si le bailleur refuse, il doit verser une indemnité d’éviction. Le bail ne cesse que par un congé donné au moins six mois à l’avance, tant pour le bailleur que pour le preneur.

La loi impose au bailleur d’indemniser le locataire en cas de refus de renouvellement, et aucune clause contractuelle ne peut déroger à ce principe d’ordre public. L’indemnité d’éviction vise à couvrir l’intégralité du préjudice subi par le locataire du fait du non-renouvellement. En pratique, les gestionnaires réclament généralement entre un à trois ans de chiffre d’affaires du logement concerné. Ce montant peut être négocié ou contesté devant le tribunal. En cas de contestation, le gestionnaire dispose de deux ans pour saisir le tribunal, qui tranchera généralement sur la base d’un rapport d’expertise évaluant l’indemnité d’éviction. Pendant cette période, le gestionnaire peut rester dans les lieux et doit payer une indemnité d’occupation au bailleur.

" La loi impose au bailleur d’indemniser le locataire en cas de refus de renouvellement, et aucune clause contractuelle ne peut déroger à ce principe d’ordre public" 

Le bailleur et le locataire doivent en principe s’accorder sur le montant de l’indemnité d’éviction. En pratique, un expert propose souvent ce montant, dans un cadre judiciaire ou amiable. Pour évaluer le montant, l’expert prend en compte le préjudice financier subi par le locataire, qui ne peut plus exploiter son fonds de commerce. L’expert analyse le manque à gagner (perte de chiffre d’affaires lié à la sortie du lot) et l’impact sur les charges fixes et variables de la résidence. Il détermine alors un multiple de chiffre d’affaires ou de résultat pour estimer l’indemnité.

Plusieurs éléments doivent être considérés :

  • nombre de bailleurs sortants : sur une résidence de 150 lots, la sortie d’un lot a un impact moindre que celle de 30 lots ;
  • rareté du lot : sur une résidence avec 70 % de T2, 25 % de T3 et 5 % de T4, la sortie d’un T2 est moins impactante que celle d’un T4 duplex ;
  • point mort de la résidence : la sortie progressive des propriétaires peut menacer l’exploitation avec des charges fixes incompressibles, rendant la résidence déficitaire pour les derniers lots exploités.

Un bail commercial lie le preneur (l’exploitant) et le bailleur (investisseur). Ce contrat est régi par le statut des baux commerciaux avec quelques spécificités propres aux résidences de tourisme. La loi Novelli (Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009) a modifié les rapports entre gestionnaires de résidences de tourisme classées et les investisseurs en LMNP (art. L. 321-1 du Code du tourisme et dispositif des baux commerciaux). Cette loi met fin aux pratiques des gestionnaires résiliant le bail après trois ans pour contraindreles propriétaires à baisser leur loyer. La loi fixe une durée minimale impérative de neuf ans pour le bail commercial, retranscrite à l’article L.147-12 du Code du commerce.

La loi impose au gestionnaire de tenir un compte d’exploitation distinct pour chaque résidence et de transmettre annuellement aux investisseurs un bilan de l’année écoulée, incluant :

  • les taux de remplissage de la résidence ;
  • les événements significatifs de l’année ;
  • l’évolution des principaux postes de recettes et de dépenses.

Le gestionnaire doit communiquer ces informations aux propriétaires sur demande, offrant une transparence sur la performance de leur investissement (Cass. civ., 3e ch., 28 février 2017, pourvoi n° 16-21.458). Pour les investisseurs, comprendre les démarches liées à l’indemnité d’éviction est essentiel. Lorsque l’échéance du bail approche, le propriétaire doit notifier sonintention de ne pas renouveler le bail au moins six mois avant la fin du contrat. Cette notification doit être faite par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec accusé de réception. À défaut, le bail est tacitement reconduit. Une fois la notification envoyée, le propriétaire et le locataire doivent entamer des négociations sur le montant de l’indemnité d’éviction. Si aucun accord n’est trouvé, le tribunal de commerce sera saisi pour trancher le différend.

L’intervention d’un expert est souvent indispensable pour évaluer le montant de l’indemnité d’éviction. Cet expert, généralement choisi d’un commun accord entre les parties ou désigné par le tribunal, doit analyser plusieurs éléments pour déterminer le préjudice subi par le locataire. Il prend en compte non seulement le manque à gagner direct, mais aussi l’impact sur les charges fixes et variables de l’exploitation. L’expert examine également la rentabilité passée du fonds de commerce, les perspectives d’avenir et les investissements réalisés par le locataire dans le bien. Sur cette base, il propose un montant d’indemnité qui couvre l’intégralité du préjudice. Le montant proposé peut être contesté par l’une ou l’autre des parties, mais il sert souvent de base pour les négociations.

"L’intervention d’un expert est souvent indispensable pour évaluer le montant de l’indemnité d’éviction"

Le paiement de l’indemnité d’éviction peut représenter une charge financière importante pour le propriétaire. Il doit donc intégrer ce risque dans son calcul de rentabilité lors de l’achat du bien. Certains investisseurs préfèrent opter pour des solutions amiables, comme la renégociation du bail ou la vente du bien avec le locataire en place, pour éviter les frais et les délais judiciaires. En cas de litige, les frais de procédure peuvent également s’ajouter au coût de l’indemnité d’éviction. Il est donc crucial de bien évaluer les implications financières et juridiques avant de refuser le renouvellement du bail.

Investir en résidence de tourisme peut sembler attractif grâce aux avantages fiscaux et de gestion. Cependant, il est crucial de considérer les risques, notamment l’indemnité d’éviction, et de les inclure dans le prix d’achat. Un expert pourra vous aider à prendre des décisions éclairées.

Sur les auteurs

Arnaud Frerault est le gérant du cabinet Frerault Expertises et un expert immobilier reconnu, membre de la RICS et de la CNEJI, et expert judiciaire près la cour d’appel de Chambéry. Il est spécialisé dans l’évaluation d’actifs immobiliers et des sociétés, une expertise enrichie par son expérience antérieure en tant qu’analyste financier en banque d’affaires.

Arnauld Raye est directeur associé chez Frerault Expertises, spécialisé en valeurs locatives et vénales, ainsi qu’en indemnités d’éviction et déplafonnement des loyers commerciaux. Avec un DESS en ingénierie immobilière et membre de la RICS (Royal Institution of Chartered Surveyors), il possède une solide expérience dans l’estimation d’actif tertiaire, et une expertise précieuse dans l’évaluation des impacts financiers et juridiques des projets immobiliers.

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