Bail commercial et congé : le dénouement de l’histoire ?
La LME du 4 août 2008(1) a modifié l’alinéa 1 de l’article L. 145-9 du Code de commerce qui précise maintenant que le bail commercial ne cesse que « par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l’avance ». Une réponse ministérielle et la jurisprudence sont venues éclairer les acteurs du monde de l’immobilier sur les dispositions à adopter.
Formaliste, le droit des baux commerciaux déroge aux dispositions de droit commun des articles 1736 et 1737 du Code civil, qui précisent que les contrats de location cessent automatiquement à leur expiration. En effet, l’article L. 145-9 du Code de commerce dispose que les baux commerciaux ne cessent que par l’effet d’un congé; à défaut ils se poursuivent par tacite prorogation.
Le 1er alinéa de cet article prévoyait que le bail commercial « ne cessait que par l’effet d’un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l’avance ». Les usages locaux étant différents suivant les régions, souvent liés à des pratiques locales, religieuses ou non (la fin d’un trimestre civil à Paris), cela était source de confusion et de solutions différentes. Dans un souci annoncé de clarification et d’uniformisation de la pratique, la LME a supprimé la référence aux « usages locaux » de l’article L. 145-9 du Code de commerce, déjà proposé en 2004 par la Commission Pelletier.
Le nouvel alinéa 1 de l’article L.145-9 du Code de commerce issu de la LME précise aujourd’hui que le bail commercial ne cesse que « par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l’avance ». Cette simplification, d’application immédiate, s’agissant d’une matière statutaire à l’exception des procédures en cours à sa date d’entrée en vigueur, a pourtant provoqué de nombreuses interrogations pratiques.
CONGE EN COURS DE BAIL
Aux termes de l’article L.145-4 du Code de commerce, le locataire a la possibilité de donner congé 6 mois à l’avance par huissier pour l’issue de chaque période triennale, ou pour l’issue d’autres périodes contractuellement prévues.
Jusqu’à cette modification de l’article L.145-9 du Code de commerce, la pratique et la jurisprudence considéraient de manière quasi unanime qu’un congé ne devait être délivré en fonction des usages locaux que dans l’hypothèse où le bail commercial se trouvait tacitement prorogé, et non au cours du bail, et ce notamment par application des règles posées par l’article 1736 du Code civil relatif aux congés des baux faits sans écrit.
Les apports de la LME doivent-ils modifier cette situation ? La doctrine fut très partagée entre un statu quo (sauf à adopter dorénavant le trimestre civil en lieu et place des usages locaux) et un changement radical visant à adopter à tout moment le trimestre civil, ce qui n’était pas sans poser des questions en matière de durée initiale ou effective des baux commerciaux.
Par réponse ministérielle du 5 mai 2009(2), le ministère du Commerce a maladroitement tenté d’apporter des éléments de réponses à ces interrogations en précisant que « le délai de six mois constitué de deux trimestres doit au minimum toujours être respecté. A ce délai minimum de six mois, s’ajoute le délai nécessaire pour atteindre la fin du trimestre. » sans aborder la question de la date ultime de délivrance du congé 6 mois avant la date contractuelle ou avant la fin d’un trimestre civil. |
Il faut rappeler que la Cour de cassation a jugé depuis longtemps que le congé donné pour une date prématurée n’était pas nul, mais que celui-ci devait voir ses effets reportés à la première date utile3.
Puis par un arrêt en date du 23 juin 20094, rendu certes sous l’ancienne rédaction de l’article L.145-9 du Code de commerce, la Cour de cassation a apporté de nouveaux éléments de réponse en jugeant que « le terme d’usage ne pouvait être retenu qu’en cas de reconduction tacite du bail »
Par jugement en date du 28 janvier 20105, le Tribunal de Grande instance de Paris vient clarifier la situation et juger que « les nouvelles dispositions de l’article L.145-9 du Code de commerce, découlant de la loi du 4 août 2008, en ce qui concerne la date pour laquelle le congé doit être donné, lorsque l’échéance contractuelle n’est pas celle de la fin d’un trimestre civil, n’ont vocation à s’appliquer qu’en cas de tacite prorogation du bail, mais non à l’occasion d’un congé donné en fin de période triennale ».
Il nous faudra attendre certes la ou les positions des cours d’appel et de la Cour de cassation mais nous avons déjà des éléments de réponse pour la délivrance d’un congé en matière de bail commercial pendant la durée dudit bail qui devra donc continuer à respecter les échéances contractuelles.
CONGE EN FIN DE BAIL OU EN TACITE PROROGATION
Tous les baux commerciaux ne prennent fin que par l’effet d’un congé mais n’ont pas tous pour fin contractuelle un trimestre civil.
Qu’un bail commercial ait ou non pour échéance contractuelle la fin d’un trimestre civil, on continuera à délivrer le congé 6 mois avant par acte extra-judiciaire pour ladite date de fin contractuelle.
Il en est autrement de la période de tacite prolongation s’ouvrant après la fin contractuelle du bail, faute de congé ou de demande de renouvellement délivrés.
Le congé peut certes être délivré à tout moment moyennant un préavis de 6 mois, mais pour quelle date ?
La jurisprudence rendue sous la rédaction de l’ancien article L.145-9 du Code de commerce avait déjà été amenée à préciser que dans ce cas-là les usages locaux prévalaient pour la date d’effet du congé6, soit à Paris la fin d’un trimestre civil.
Les usages locaux ayant été supprimés par la LME pour être remplacés par les trimestres civils, c’est pour la fin de ceux-ci que doivent être maintenant délivrés les congés au cours de la période de tacite prorogation, ainsi que l’a jugé la jurisprudence ci-dessus, mettant ainsi fin à des anachronismes puisque dans certaines régions où l’usage local était une fois l’an, cela faisait perdurer des relations contractuelles et donc le paiement du loyer jusqu’au prochain terme local d’usage si le congé n’avait pas été délivré pour la bonne date.
Il convient donc d’attendre les décisions des juridictions supérieures mais l’on peut déjà raisonnablement penser que l’interprétation de l’application des usages locaux uniquement en période de tacite prorogation qui est aujourd’hui reprise pour les trimestres civils perdurera.
Mars 2010
1 L. N°2008-776 du 4 août 2008 dite de « Modernisation de l’économie », art. 45, JO du 5 août
2 n° 43709 publiée au JO le 5 mai 2009, p 4326
3 Cass. com., 18 juin 1957 ; Bull. civ. III, n°197
4 Cass 3e civ., 23 juin 2009, n°08-18.507
5 TGI Paris, 28 janvier 2010, 18e ch. 2e sect. ; RG N°09/17461
6 Cass 3e civ. 12 mars 2002, Administrer octobre 2002 p 20