Changpeng Zhao et sa structure Binance, acteur de premier plan des échanges de cryptomonnaies, ont plaidé coupable courant novembre face aux accusations de blanchiment d’argent de la part des autorités américaines. Richard Teng, désormais aux manettes, fait face à une confiance en berne et à de potentielles nouvelles poursuites.

"J’ai fait des erreurs, et je dois en assumer la responsabilité" plaide Changpeng Zhao (CZ), fondateur en 2017 de Binance. Le désormais ex-PDG a accepté les sanctions relatives aux chefs d’accusation qui pèsent contre lui et sa structure. La mère des plateformes de cryptomonnaie, qui compte 128 millions de clients et 65 milliards de dollars d’actifs virtuels, écope de 4,3 milliards de dollars d’amende et son créateur, qui conserve sa participation majoritaire, de 50 millions de dollars.

Pour quelles raisons la justice américaine a-t-elle voulu faire tomber le roi des cryptos suivi par près de 8 millions d’afficionados sur les réseaux sociaux ? Dans le sillage de la chute de son concurrent FTX en novembre 2022, Binance a gagné des parts de marché mais a rapidement attisé le courroux de l’administration outre-Atlantique. La plateforme aurait facilité des transactions illicites, en permettant à des individus associés au Hamas, à l’État islamique en Irak et en Syrie, ou à la Corée du Nord et dans d’autres pays sanctionnés par les USA, de blanchir des fonds. Déjà, en septembre, elle fermait sa filiale en Russie, pour les mêmes raisons. Elle aurait aussi dissimulé l’identité de ses clients américains sur sa plateforme principale Binance.com, en les désignant sous l’appellation « unkwn » (pour ‘unknown’, inconnu en anglais), alors qu’ils auraient dû figurer sur le domaine Binance.us.

En France, Binance est sous le coup de deux enquêtes

"C’est mieux pour notre communauté, pour Binance et pour moi-même", a déclaré CZ après sa démission, aussitôt remplacé par Richard Teng, un ancien de la banque centrale de Singapour, responsable de la conformité réglementaire de la Bourse du même territoire. Ce dernier aura fort à faire pour rassurer les marchés et la justice américaine mais aussi celles d’autres pays.

De Charybde en Scylla ?

La plateforme de trading n’est sans doute pas au bout de ses peines. Durant une période qui peut durer jusqu’à cinq ans, des équipes du département de la justice américaine et de l'agence des crimes financiers (FinCEN) seront détachées dans ses bureaux, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, Binance devra leur fournir impérativement tous les documents qu'elles réclament. L’entreprise devra, en particulier, investir dans sa mise en conformité pour rassurer les autorités qui pourraient bien trouver d’autres failles dans ses services.

En outre, cette affaire aiguise l’appétit d’autres juridictions. En France, Binance est sous le coup de deux enquêtes. L’une par le parquet de Paris et l’autre de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) pour des faits de "blanchiment aggravé" et "d'exercice illégal de la fonction de prestataire de services sur actifs numériques". L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) pourrait être tentée de sévir, alors qu’elle a délivré au groupe, en mai 2022, sous un feu nourri de critiques, l’agrément PSAN (prestataire de services sur actifs numériques) l’autorisant à exercer sur le territoire.

De nouveaux remous judiciaires pourraient bien alimenter une défiance, déjà bien ancrée, envers les cryptomonnaies

La décision du gendarme des marchés financiers pourrait faire boule de neiges au niveau européen. La demande d’accréditation MiCA, qui régule l’usage des cryptoactifs sur le Vieux-Continent, faite par Binance serait compromise en cas de sanction de l’AMF. Quant aux cours des marchés du bitcoin ou de l’ethereum, s’ils restent globalement stables pour le moment, de nouveaux remous judiciaires pourraient bien alimenter une défiance, déjà bien ancrée, envers les cryptomonnaies.

Tom Laufenburger


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