En février, les partenaires sociaux trouvaient un accord sur la généralisation du partage de la valeur en étendant aux petites entreprises les dispositifs existants. Le dividende salarié n’a pas été retenu en tant que tel mais l’esprit de la proposition est conservé.

Après plusieurs mois de négociations tendues, les partenaires sociaux sont parvenus en février à un accord sur le partage de la valeur au sein des entreprises. CGPME, Medef, CGT, FO ou encore CFDT se sont entendu sur un texte qui vise à "rendre plus accessibles" les dispositifs existants que sont l’intéressement, la participation et la prime de partage de la valeur (ancienne prime Macron). Le gouvernement s’est engagé à respecter le compromis en proposant une transcription fidèle du dispositif dans la loi. Ce qui devait être fait pour le printemps, mais qui, compte tenu de l’actualité du Parlement, pourrait prendre davantage de temps.

Trois dispositifs

Actuellement, l’intéressement prend la forme d’une prime facultative liée aux performances des entreprises. Celles-ci peuvent stimuler leurs équipes en leur promettant des versements dans le cadre d’un plan d’épargne salariale en fonction d’indicateurs qui peuvent aller du taux de satisfaction client à des objectifs de développement durable. La participation, quant à elle, est un mécanisme de redistribution des bénéfices, obligatoire dans les entreprises de plus de 50 collaborateurs. Les employés perçoivent une prime dont le montant est fixé par un accord de participation.

D’où un trou dans la raquette concernant les entreprises employant moins de 50 salariés. Pour y remédier, Emmanuel Macron confie en 2019 une mission à Thibault Lanxade, patron de Luminess, et François Perret, DG de Pacte PME. Objectif : qu’au moins 30 % des PME se dotent d’un accord de partage de valeur alors que seules 11 % de ces entreprises en possèdent déjà un. Leurs travaux ont notamment conduit à l’élaboration d’un manifeste par Thibault Lanxade, ancien vice-président du Medef, en faveur de la création d’un dividende salarié, véritable treizième ou quatorzième mois. "Le dividende salarié que j’exprimais n’est ni plus ni moins qu’une participation renforcée, explique-t-il. Une entreprise qui verse des dividendes doit verser de la participation. Je proposais aussi de rehausser la formule de participation pour qu’elle soit mieux disante." L’eurodéputé Pascal Canfin, à qui a été confiée également une mission de réflexion sur le sujet en octobre 2022, définissait le dividende salarié comme "une prime de participation ou d’intéressement obligatoire".

Le mot qui fâche

Or l’idée n’a pas fait l’unanimité. Quand les syndicats les plus à gauche militaient pour des augmentations de salaires effectives, le Medef estimait que le terme "dividende" devait rester l’apanage des actionnaires. "La problématique du partage de la valeur est compliquée pour une organisation patronale, souligne Thibault Lanxade. Quand vous êtes une entreprise, vous cotisez au Medef ou à la CGPME pour qu’ils fassent avancer des sujets comme l’imposition, pas la répartition de la valeur." Et d’ajouter : "Beaucoup d’entrepreneurs exemplaires ne voient pas pourquoi on veut légiférer alors qu’ils agissent déjà. Les autres, nous les entendons moins."

Redistribuer les profits

L’accord de février prévoit que les sociétés rentables (dont le bénéfice net représente a minima 1 % du chiffre d’affaires durant trois années consécutives) entre 11 et 49 salariés mettent en place un dispositif de partage de valeur à compter de janvier 2025. Quant à celles de moins de 11 collaborateurs, elles ont la possibilité et non l’obligation de partager leurs profits. Les dispositifs sont par ailleurs assouplis et retravaillés pour devenir plus attractifs. Les syndicats insistent néanmoins sur un point : les mécanismes ne doivent pas venir se substituer aux hausses des salaires.

Le dividende salarié, en tant que tel, est donc mis de côté mais le partage de la valeur devrait se trouver, lui, renforcé. "Il y a un axe auquel il faut être attentif : on commence à voir une remise en cause, des questionnements sur le ‘quoi qu’il en coûte’, note Thibault Lanxade. Les entreprises ont été tellement aidées qu’elles doivent, lorsqu’elles dégagent des superprofits, veiller à ce que ceux-ci soient en partie redistribués." Au risque sinon de voir la grogne sociale s’affermir.

Olivia Vignaud

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