Fondateur du bureau parisien de Duff & Phelps en 2007 puis responsable EMEA en 2016, Yann Magnan est devenu, à la mi-2020, CEO de 73 strings, une start-up créée par deux anciens de la firme de conseil et qui s’attache à apporter une dimension digitale aux problématiques d’évaluation et de conseil financier. Il raconte ce nouveau projet.

Décideurs. Quelle est l’histoire de la création de 73 Strings ?

Yann Magnan. Dans la sphère de la finance d’entreprise, nous sommes dans un environnement où il y a une forte propension à penser que l’essentiel des tâches ne peuvent être réalisées que par l’humain. La vision commune des deux créateurs, Abhishek Pandey et Sambeet Parija, que je partage également, est d’affirmer qu’il s’agit d’abord d’un métier d’hommes et de femmes car beaucoup de décisions sont à prendre et des jugements sont à rendre mais que, pour autant, avant d’y aboutir, de nombreuses tâches peuvent être réalisées par la machine. Les dernières évolutions en matière d’intelligence artificielle permettent d’automatiser ces tâches. C’était la vision lors du lancement de 73 Strings et c’est celle qu’on s’attache à mettre en œuvre depuis au travers du développement de nos outils. De grands progrès ont été réalisés en matière technologique, bien sûr, mais également en matière de coût de ces technologies. Jusqu’à récemment, pour développer des algorithmes d’intelligence artificielle, il fallait s’appeler Google et mettre des centaines de millions sur la table. Aujourd’hui beaucoup d’algorithmes existent et peuvent, si vous avez une bonne équipe, être agrégés les uns aux autres pour réaliser certaines tâches. Le volet réduction de temps passé et, de manière subsidiaire, réduction de coût est assez substantiel. Mais ce n’est pas que cela : les algorithmes traitent des volumes de données que l’homme ne peut pas résoudre sans eux.

Quel est l’objectif de 73 Strings ?

Notre ambition est de libérer du temps à tous ces jeunes analystes, fraîchement sor-tis des meilleures formations, auxquels on demande pendant les premières années de leur carrière de passer un temps précieux à recueillir de l’information, la « cruncher » et la « cross- référencer ». Toutes ces tâches sont primordiales avant d’arriver à prendre une décision sur un investissement, sur une valorisation ou sur tout ce qui peut avoir trait à la finance d’entreprise d’une société. Cependant, ce ne sont pas ces tâches qui portent la plus grande valeur ajoutée. Ainsi, si celles-ci peuvent être effectuées par une machine, cela laissera plus de temps à ces analystes pour se poser les bonnes questions, approfondir leur analyse et leur jugement, et, in fine, se concentrer sur un travail à plus forte valeur ajoutée. En optimisant la recherche de deals et leur évaluation dans un premier temps, 73 Strings leur offre du temps.

"Les algorithmes traitent des volumes de données que l’homme ne peut pas résoudre sans eux."

Vous avez déjà développé deux outils, le premier de recherche de cible (Proton X) et le second de valorisation (Qubit X), quels sont vos futurs projets ?

Notre feuille de route est déjà très fournie mais il est encore trop tôt pour la divulguer dans sa totalité. Nous finalisons notamment le développement des fonctionnalités de monitoring de Qubit X, lesquelles permettront aux fonds d’investissement alternatifs de réaliser un suivi de leurs participations. Nous allons également travailler à augmenter notre couverture en private equity. Avec l’outil de recherche de cible, Proton X, nous sommes au début de la chaîne de valeur du travail des fonds, et avec l’outil de valorisation, Qubit X, plutôt vers la fin. Il nous reste beaucoup de tâches à traiter entre ces deux étapes. Depuis l’an dernier, nous avons continué à développer notre outil de valorisation, Qubit X. Celui-ci ne traitait que les instruments equity et désormais il s’est enrichi d’un module de private debt. Par ailleurs, nous comptons compléter la partie equity en poussant l’outil encore un peu plus loin sur des thématiques spécifi ques de type "Infrastructure" et "Real Estate". Enfin, nos produits s’adressent actuel-lement aux grands corporates et aux fonds d’investissement, tels que par exemple Eurazeo, lequel est le premier client à nous avoir fait confiance. Nous souhaitons nous étendre vers le secteur bancaire, pour lequel nos outils peuvent être un atout non négligeable, en particulier sur des thématiques telles que le credit risk monitoring.

Que signifie le nom 73 Strings ?

Abhishek Pandey et Sambeet Parija, les deux co-fondateurs sont à l’origine de ce nom. "73" est un nombre premier, un de ceux qui sont les plus complexes, et qui ont le plus de propriétés mathématiques. "Strings" en informatique signifie "mots" ou "suite de mots". Ainsi, "73 Strings" c’est l’alliance de la compréhension du texte et des chiffres avec l’aide de la machine.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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