Sopra Steria Next est la marque de conseil en transformation digitale du groupe Sopra Steria. L’entité Conseil Banque & Services Financiers mobilise 300 consultants qui agissent à la croisée des métiers bancaires et des technologies innovantes. Laurence Niclosse, directrice Conseil Banque, de Sopra Steria partage ses convictions en matière d’éthique dans la relation bancaire associée à la performance financière et extra-financière car une "entreprise promesse centrique" se doit dorénavant de porter des engagements sociaux et environnementaux réels.

 En 2021, les banques françaises ont connu une année record, avec plus de 31 milliards d’euros de résultats nets pour les 5 principaux groupes bancaires. L’embellie s’accompagne d’une confiance retrouvée des Français dans le système bancaire, puisqu’ils sont près de 67% à avoir confiance dans les banques, soit 18 points de plus qu’en 20161. Mais rien n’est plus volatil que la confiance. Et si la crise sanitaire a montré la capacité des banques à soutenir l’économie réelle, elle a aussi renforcé les attentes des Français en matière de transparence et d’engagement social et responsable. Les banques se mettent en mouvement pour répondre à ces nouvelles injonctions. Encore faut-il que les clients se saisissent des propositions. Dès lors que se pose le sujet financier, l’enjeu pour les acteurs est de réussir à concilier valeurs morales et réalités individuelles. Ainsi, la question de l’éthique dans la relation bancaire soulève de véritables paradoxes, dont la réponse n’est pas si aisée…

Privilégier l’intérêt collectif ou l’intérêt individuel ?

Selon un sondage de l’Ifop2, six Français sur dix prennent en considération le critère RSE (Responsabilité sociétale et environnementale) dans leurs décisions de placements. Pourtant, seuls 6 % ont déjà investi dans un fonds d’Investissement Socialement Responsable (ISR). Les clients sont en attente de produits plus éthiques, mais ils ne les achètent pas. Et cette tendance s’est accentuée en 2022, dans un contexte de marché plus volatil et incertain.

"Dès lors que le sujet financier est en jeu, les valeurs morales se heurtent parfois à des réalités individuelles"

Pourquoi ce décalage ? On relèvera trois raisons principales. Tout d’abord, l’offre ISR est assez mal connue. Selon cette même étude de l’Ifop, seuls 12 % des Français en ont déjà entendu parler. Ensuite, dès lors qu’ils la connaissent, ils l’estiment (à tort) insuffisamment rentable par rapport à des fonds classiques (pour rappel, les fonds ISR ont mieux résisté à la crise de 2020). Enfin, les clients pensent que l’impact réel de ces fonds sur l’environnement reste limité. Au final, l’enjeu de rentabilité demeure le critère majeur dans le choix des placements, quitte à investir dans des produits "verts".

Il y a donc un enjeu de pédagogie pour faire connaître ses investissements et aider les clients à faire évoluer leurs habitudes. Les conseillers bancaires se positionnent comme des interlocuteurs clés pour informer les clients au sujet de l’ISR. Pour accompagner ce mouvement, de nombreuses banques ont mis en place des dispositifs de formation, à l’instar de BNP Paribas qui a lancé un programme "We Engage" pour former ses 200 000 collaborateurs aux enjeux environnementaux et sociaux.

Accepter de payer la valeur du conseil bancaire ?

L’avènement des banques en ligne et néobanques a contribué à une baisse des prix, notamment pour les paiements et la tenue de compte. Les clients, de plus en plus multibancarisés, mais peu au fait de la réalité du modèle économique des acteurs bancaires, ont pris l’habitude de ne plus "payer" les services bancaires. Ils ont donc du mal à comprendre pourquoi certaines banques continuent à facturer leurs services. Pour autant, ce sont ces mêmes clients, réticents à payer, qui continuent de vouloir interagir avec un conseiller, véritable interlocuteur, connaissant leur historique et leurs préoccupations. Ils attendent d’être accompagnés sur leurs projets phares (crédit immobilier par exemple), d’être orientés sur des choix importants d’investissement. Et seules les banques dotées d’un réseau d’agences peuvent proposer cet accompagnement personnalisé.

Par ailleurs, les banques de réseau sont encore les seules à tenir la promesse de l’inclusion bancaire, c’est-à-dire permettre à chaque citoyen d’accéder aux services bancaires, et de les utiliser de façon spontanée. Quand près de 30% des Français estiment que le numérique fragilise leur relation avec leur banque3, l’existence de conseillers et d’agences, à la portée de tous, est une vraie réponse au risque de fracture sociale. Certaines banques vont même plus loin en finançant des associations. C’est le cas par exemple de La Banque Postale, qui a noué en 2017 un partenariat avec WeTechCare, association en faveur de l’inclusion numérique aidant les publics fragiles à s’insérer dans la société et dans l’économie.

On le voit bien, permettre l’accès à un conseil physique, personnalisé, ouvert à tous, relève presque de la mission d’un opérateur public. Or les banques sont des acteurs privés. Et l’accès à cet accompagnement pour tous a nécessairement un coût… et donc un prix.

Partager ses données pour une relation bancaire hyperpersonnalisée ?

Les clients bancaires attendent une expérience personnalisée, fluide, immédiate, à l’instar des expériences vécues dans d’autres secteurs, le retail en tête. Or, fournir un service personnalisé, au bon moment, de façon contextualisée, nécessite de pouvoir utiliser des données client à des fins marketing et commerciales. Et les banques ne sont pas prêtes à transgresser le pacte de confiance qu’elles ont avec leurs clients.

Pourtant, d’autres acteurs gravitant autour des services financiers n’hésitent pas à flirter avec la réglementation. C’est le cas avec l’explosion du paiement fractionné ("Buy now, pay later'), proposé par les plateformes d’e-commerce. Avec cette offre, ces acteurs restent sous le seuil de durée permettant à un client de se rétracter (ce délai existant pour un crédit consommation). Mais l’expérience offerte étant très fluide, et complètement intégrée, tant pour le client que pour le commerçant, ce type de mécanisme est fortement plébiscité. Il en va de même pour l’utilisation des réseaux sociaux, exploités aujourd’hui par les grandes sociétés pour traiter les réclamations client. Les banques traditionnelles ne le font pas pour des raisons d’éthique et de confidentialité des informations transitant sur ces réseaux.

Les banques, clairement identifiées comme tiers de confiance par leurs clients, auraient tout à gagner à obtenir leur consentement pour utiliser leurs données afin de mieux les accompagner dans leurs moments de vie, en leur proposant les bons services au bon moment. Dès lors qu’elles s’engagent à expliquer de manière claire et transparente la façon dont elles utilisent les données, elles sont à même de proposer une relation bancaire personnalisée, telle qu’attendue par les clients. L’éthique dans le secteur bancaire présente un intérêt et un défi quotidien pour les banques et leurs clients. Elle implique de faire des choix : quelles valeurs les banques souhaitent- elles incarner ? Comment ? Pour quels résultats ? Comment peuvent-elles aider les clients à arbitrer entre valeurs morales, intérêt collectif et réalité individuelle ? Le secteur financier exacerbe peut-être, plus que tout autre, cette question de l’éthique. Mais savoir l’appréhender est devenu une condition de la rentabilité et de la prospérité économique. L’éthique dessinera, selon des contours largement à définir, l’avenir de la relation entre les banques et, au moins, une partie de leurs clients

POINTS CLES

  • 67% des Français ont confiance dans les banques, soit 18 points de plus par rapport à 2016 ;
  • Si les clients investisseurs sont sensibilisés et intéressés par les fonds à orientation éthique, jusqu’à présent ils n’y
    investissent qu’à hauteur de 6% ;
  • Face à l’exposition des usages numériques, les banques de réseau se doivent de tenir la promesse de l’inclusion
    bancaire ;
  • Les conseillers bancaires sont clés pour accompagner les clients dans les investissements responsables et
    le financement de l’économie verte ;
  • Les banques s’interdisent d’exploiter les données de leurs clients à des fins commerciales, au risque de laisser
    des opportunités à de nouveaux concurrents (Fintech et GAFA) qui, eux, franchissent le pas.

 

SUR L'AUTEUR

Laurence Niclosse, directrice Conseil Banque, en charge de la practice Excellence Client Conseil Banque de Sopra Steria, intervient depuis vingt ans sur de grands programmes de transformation digitale auprès de grands acteurs bancaires et assuranciels. Son expertise métier et sa contribution à l’évolution des modèles distributifs bancaires est désormais reconnue que ce soit dans le cadre de la définition de la stratégie métier, des approches innovantes, de la création de nouveaux parcours clients mais aussi des impacts des nouvelles capacités digitales et analytiques sur la transformation.

 

1 Baromètre du Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution, 2021

2 Sondage Ifop en partenariat avec le Forum pour l’Investissement Responsable, septembre 2021

3 Étude Harris Interactive

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