Mayer Brown couvre une large palette du conseil en financement. Maud Bischoff, François-Régis Gonon, Alban Dorin et Patrick Teboul associés dans le département Banking & Finance à Mayer Brown Paris reviennent sur les grandes tendances de marché de l’année.
Décideurs. À quelles situations avez-vous été le plus confrontées entre la vive reprise de 2021 et la naissance d’un attentisme début 2022 dû au contexte macroéconomique incertain ?
 
Maud Bischoff. Côté immobilier, malgré un très fort ralentissement au moment de la période Covid, l’activité a très vite repris en 2021 et le rythme reste soutenu. Concernant les opérations de LBO, si les créneaux se sont resserrés sur certaines périodes de l’année – comme avant l’été par exemple – la cadence est toujours aussi dynamique.
 
François-Régis Gonon. C’est totalement vrai pour les LBO, cependant lorsque les activités sont dépendantes des marchés, les transactions sont maintenant bien plus longues à se réaliser. La plupart des acteurs subissent la hausse des taux et les incertitudes macroéconomiques. Le marché était très bancaire et aujourd’hui de nombreux fonds, moins sujets aux fluctuations des taux, investissent.

"La vive reprise de 2021 s’est également traduite dans l’activité de financement de projets qui n’a pas vraiment fléchi en 2022"

 Alban Dorin. La vive reprise de 2021 s’est également traduite dans l’activité de financement de projets qui, finalement, de notre point de vue, n’a pas vraiment fléchi en 2022, notamment en Afrique où les projets miniers se poursuivent, compte tenu de la demande forte liée à la transition énergétique.

Patrick Teboul. Le premier semestre 2022 a démontré un dynamisme maintenu du marché de la dette soutenue, notamment, par des fonds de dette très actifs. Il est évidemment difficile de se prononcer sur le second semestre et l’effet de l’augmentation des taux.

"La plupart des acteurs subissent la hausse des taux et les incertitudes macroéconomiques" F.-R. Gonon 

Entre les "PGE résilience" et la récente annonce d’une prolongation de la mission d’accompagnement des entreprises en difficulté par Bercy, doit-on vraiment s’attendre à une vague de restructurations ?
 
M. B. Nous ne sentons pas l’arrivée d’une telle vague pour le moment car nos clients n’ont pas été impactés. Les PGE ont tous été prolongés jusqu’à sept ans et d’autres nouveaux produits comme les prêts participatifs relance, les obligations relance ont complété la palette des offres de dette à disposition des entreprises pour éviter des restructurations.
 
P. T. Le marché de la dette a évolué d’un marché bancaire vers les fonds de dette. Un des effets de cette évolution porte sur la plus grande souplesse et adaptabilité des fonds de dette confrontés aux difficultés de leurs emprunteurs. Les nombreuses embûches rencontrées par les sociétés sous LBO à la suite du confinement ont ainsi pu être réglées à l’amiable de manière extrêmement rapide et efficiente avec les fonds de dette. Ainsi, pendant le confinement, nous avons obtenu relativement facilement une quarantaine de waiver des fonds de dette.

"Le marché de la dette a évolué d’un marché bancaire vers les fonds de dette" P. Teboul

Sur les secteurs en tension, particulièrement actifs ces dernières années, comme l’énergie, l’immobilier ou l’aérien, quel regard portez-vous sur leur avenir et l’adaptation de leurs conditions de financement ?
 
M. B. Plus qu’en tension, ces secteurs sont surtout en mutation. Sur l’immobilier, la hausse des taux n’empêche pas les acquisitions et le marché de l’immobilier est très dynamique.
 
A. D. Sur le secteur aérien, le coup d’arrêt lié au Covid était conjoncturel mais la situation s’est très nettement améliorée depuis et les conditions d’une croissance forte semblent réunies, étant précisé qu’à long terme des changements sur le fond sont en cours afin de parvenir à une industrie plus verte – par exemple par un passage aux biocarburants et d’autres propositions qui ne sont toutefois pas toujours simples à mettre en œuvre à grande échelle.
 
F.-R. G. Pour les entreprises, c’est surtout le marqueur d’un retour à la normale en termes de financement. Les taux d’intérêt négatifs ne pouvaient pas perdurer éternellement. Le problème principal sera celui des salaires; les augmenter fera baisser l’Ebitda et il faudra bien intégrer les conséquences d’une inflation qui, en cette rentrée de septembre 2022, pourrait devenir difficilement soutenable.
 
Quelles vont être les conséquences sur les conditions de financement des exigences croissantes en matière d’impact ?
 
F.-R. G. Les secteurs à financer en priorité vont changer. Parmi nos clients, certains fonds se refusent maintenant à investir dans un des secteurs comme les énergies fossiles ou les industries avec des problématiques de travail d’enfants. D’un autre côté, la transition passe aussi par des secteurs comme celui des mines, considérées traditionnellement comme peu écologiques, car elles se retrouvent au cœur de la transition écologique lorsque les matériaux et minerais inclus dans des batteries sont nécessaires au mix énergétique.

"Plus qu’en tension, ces secteurs sont surtout en mutation" M. Bischoff 

P. T. La majorité de ces critères ESG tournent autour de la parité et des émissions de carbone. Présents dans les documents de financement, ils induisent une baisse de marge limitée, généralement de 0,1 %. Les fonds de dettes sont souvent plus exigeants que les banques davantage favorables au respect des critères même si cela induit une baisse de marge.
 
M. B. Si les conditions de reportings extra-financiers augmentent, celles-ci, une fois remplies, sont en faveur des emprunteurs puisqu’elles supposent une baisse des marges. Pour faire face à ces questions, les entreprises vont devoir augmenter, dans certains cas, leurs effectifs ou bien faire appel à des conseils extérieurs lorsqu’elles rencontrent des difficultés.
 
A. D. Les banques sont effectivement de plus en plus exigeantes quant aux aspects extra-financiers et aux critères ESG de leurs portefeuilles de clients. Cela se reflète dans les documentations de financement avec des conséquences concrètes sur le coût du financement offert aux clients. 

 

Propos recueillis par Céline Toni

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