Cryptocrash : l'avenir incertain du bitcoin
Le cycle de l'"argent magique" caractérisé par une surabondance des liquidités ouverte par une décennie de taux d’intérêts accommodants qui avait commencé après le krach de 2008, se referme progressivement : les taux se resserrent. Depuis la première annonce de la FED en septembre 2021, le bitcoin a subi une baisse de 67% et peine de plus en plus à se crédibiliser comme une réserve de valeur fiable. Ce weekend du 11 et 12 juin, le roi des cryptoactifs a subi un nouveau revers en chutant de 20%.
La publication vendredi dernier de l’indice des prix à la consommation (CPI) par le département du Travail des États-Unis a révélé une trajectoire d’inflation haussière, déjouant les anticipations de la plupart des analystes, qui tablaient sur sa stabilisation. Ce coup de tonnerre explique largement le dévissage des principaux indices de la Bourse de New York depuis lundi et en particulier le plongeon du Nasdaq, où sont cotées les valeurs technologiques. Les opérateurs s’attendent désormais à ce que les prochaines réunions du comité de politique monétaire de la Réserve fédérale entérinent de nouveaux tours de vis sur les taux d’intérêts.
La perspective d’un renchérissement du coût du crédit inéluctable lié à la hausse des prix et au ralentissement de la croissance semble avoir presque mécaniquement reporté les investisseurs vers des valeurs moins volatiles que celles des cryptoactifs : le dollar, l’or, les œuvres d’art. Il n’est pas certain, en revanche, que la mise en œuvre de politiques déflationnistes s’accompagne nécessairement d’une remontée durable des valeurs des cryptoactifs.
Il n'est pas certain que la mise en oeuvre de politiques déflationnistes s'accompagne d'une remontée durable des valeurs des cryptoactifs
La crise actuelle des prix de l’énergie et des matières premières agricoles procède de deux événements majeurs, la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, qui ont chacun remis au centre des rapports de force planétaires deux acteurs dont la puissance et la crédibilité avaient été remis en doute dans la décennie précédente : les banques centrales et les États. La coordination de ces acteurs a permis une sortie par le haut de la pandémie et le conflit mondialisé en cours en Ukraine les a de nouveau projetés au premier plan avec la politique des sanctions.
La fin d’un rêve libertarien ?
Le développement du bitcoin n’a pas seulement été dopé par une décennie où les facilités d’emprunt permettaient la démultiplication des placements à risques. Lancé dans l’année qui a suivi la crise financière mondiale de 2008, il a largement bénéficié de la crise de légitimité qui traversait des grandes institutions qui s’étaient montrées particulièrement faillibles. Le plus grande nation démocratique du monde avait envahi un pays qui ne lui était pas hostile et le système financier international avait permis, par sa désorganisation, un choc économique globalisé.
Comme moyen de paiement extérieur aux circuits de financements légaux reposant (outre des supports technologiques) sur la confiance entre les individus, le bitcoin s’est posé comme une alternative à la fonction régalienne des banques centrales et des États. Comme un rêve libertarien à portée de porte-monnaie numérique (et dans les faits, comme un outil pseudo-clandestin et ingénieux de contournement des circuits financiers classiques). Passé le choc inflationniste, résistera-t-il au renforcement de la légitimité des institutions que ses créateurs ont prétendu remplacer ? La nouvelle séquence qui s’ouvre pourrait voir la révolution des paiements prendre un nouveau virage, porté par les autorités monétaires via le développement de monnaies numériques de banques centrales déjà à l’étude dans la majorité des institutions monétaires, selon la Banque des Règlements Internationaux.
Loup Viallet, analyste économique et géopolitique, directeur de l’Agence Public(s)