Porté par des levées de fonds records, le marché des fintech se distingue comme l’un des plus dynamiques à l’échelle mondiale comme nationale. Le seul marché français a clôturé un premier semestre avec un total de 1,5 milliard d’euros levé.

Le marché des fintech, ces entreprises qui développent une technologie numérique innovante pour optimiser un service financier, ne s’est jamais aussi bien porté. À l’échelle mondiale, pas moins de 618 opérations de levées de fonds ont été réalisées au premier semestre 2021, pour un peu moins de 23 milliards de dollars.

La licorne Stripe, leader mondial des fintech, a notamment réalisé cette année une levée de fonds de 500 millions d’euros qui a porté sa valorisation à 80 milliards d’euros. Outre-manche, la fintech Revolut est passée d’une valorisation de 5,5 milliards d’euros en février 2020 à une valorisation de 33 milliards d’euros après avoir récolté 800 millions d’euros, multipliant ainsi par six la valeur de l’entreprise en moins d’un an et demi. En France, le secteur, qui est à l’origine d’environ 25 000 emplois, a cumulé au premier semestre 2021 68 levées de fonds pour un montant total de près de 1,5 milliard d’euros, contre 63 opérations pour 828,2 millions d’euros sur l’ensemble de l’année 2020.

Des fintech favorisées par le contexte sanitaire

Selon le baromètre semestriel publié par l’association France Fintech, trois secteurs ont été particulièrement concernés par des opérations de financement au cours des six premiers mois de cette année. En premier lieu, celui des services d’assurances, qui concentre 39 % du montant total des fonds levés, avec trois opérations supérieures à 100 millions d’euros. La licorne Alan, valorisée 1,4 milliard d’euros, se retrouve en tête des insurtech françaises. Viennent ensuite le secteur des services opérationnels avec 28 % des fonds levés et celui des services d’épargne avec l’émergence de nombreuses solutions de gestion de l’épargne et des retraites au cours des 18 derniers mois.

Le secteur des services de paiement, quant à lui, fait aussi partie des secteurs porteurs du marché des fintech. Favorisées par une situation sanitaire qui a entraîné une croissance exponentielle du recours aux achats en ligne, les start-up proposant des solutions de paiement fractionné connaissent un essor qui suscite l’engouement des investisseurs sur ce marché. Dans l’Hexagone, l'écosystème est majoritairement dominé par la fintech Oney Bank, majoritairement détenue par le groupe bancaire BPCE, et la fintech Floa Bank qui a récemment fait l’objet d’une acquisition par la banque BNP Paribas. Par ailleurs, la fintech Younited Credit s’est également illustrée récemment par une levée de fonds qui a, selon certains observateurs, porté son niveau de valorisation aux alentours du milliard d’euros.

Régulation et survalorisation

Cependant, le secteur du paiement du marché des fintech soulève différents enjeux sur le plan de la régulation. Concernant le paiement fractionné, comme s’agissant d’une pratique qui ne s’apparente pas au crédit à la consommation, il échappe au monopole bancaire et à ses contraintes réglementaires. Ainsi, la crainte d’un recours accru aux solutions de paiements fractionnés développées par les fintech subsiste, dans la mesure où il échappe au contrôle des autorités, risquant d’être à l’origine d’une hausse des taux de surendettement. La Commission européenne a ainsi annoncé son intention de durcir la réglementation encadrant le crédit à la consommation avec la publication d’une proposition de directive qui place les paytech en ligne de mire.

Les fintech de paiement ont également fait l’objet d’une enquête sectorielle menée par l’Autorité de la concurrence (ADLC), qui a publié un avis à ce sujet en avril 2021. À l’issue de son analyse du rapport concurrentiel existant entre les solutions proposées par les nouveaux entrants et les services fournis par les acteurs bancaires traditionnels dans le secteur des activités de paiement, l’ADLC a identifié plusieurs points d’attention. L’essor des fintech et les profondes mutations qu’elles provoquent sur le secteur financier représente, selon l’ADLC, des « risques concurrentiels liés au renforcement du pouvoir de marché des grandes plateformes numériques ou au verrouillage des consommateurs dans un écosystème ainsi que le risque de marginalisation, à terme, des acteurs bancaires traditionnels ». Ces derniers pourraient, à terme, voir leurs activités se limiter à « des tâches d’exécution impliquant des coûts fixes importants » tout en se trouvant, dans le même temps, « marginalisés dans la chaîne de répartition de la valeur ».

Les enjeux auxquels sont confrontés aujourd’hui les fintech ne sont pas uniquement réglementaires. Wirecard et Greensill Capital, deux fintech, respectivement allemande et britannique, se sont retrouvées au cœur de deux des plus importants scandales financiers récents pour des soupçons – avérés dans l’affaire Wirecard – de fraude. Ces affaires, qui ont révélés comment ces start-up avaient maquillé leurs comptes pour faire apparaître une rentabilité dont elles étaient en réalité bien éloignées, ont soulevé des interrogations sur la solidité du secteur. Tant et si bien que commence à naître des méfiances sur un risque de survalorisation des fintech.

Laurier John-Pierce Ngombe

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