Malgré une année 2020 marquée par la crise sanitaire et l’OPA lancée à son encontre, Suez a su garder sa ligne de conduite ainsi que son plan stratégique pour les années à venir. Julian Waldron, son CFO, revient sur cette période et fait part de sa satisfaction sur la résilience et la stratégie du groupe.

Décideurs. Votre plan stratégique à horizon 2030 a-t-il été bouleversé par l’année 2020 ?

Julian Waldron. Face à cette pandémie inédite, toute entreprise a dû se remettre en question, Suez y compris. Mais une remise en question doit se faire de manière posée et au bon moment. En mars, avril et mai 2020, toute notre attention et nos efforts se sont focalisés sur nos clients, nos employés et sur la continuité de service. Très vite, nous avons pu conclure que les tendances long terme établies par Suez pour 2030 restaient valides. Je pense notamment à la pénurie d’eau à la suite de la sécheresse en 2020 ou encore, plus récemment, en Allemagne après les événements météorologiques dus au changement climatique. Autre exemple, les innovations proposées au sein des grands contrats pour nos clients industriels ou collectivités sont plus que jamais d’actualité. L’exemple de la ville connectée à Dijon, première smart city d’Europe, a prouvé toute sa pertinence pendant le confinement. La pandémie nous a fait réaliser la nécessitée d’accélérer les processus. Il est urgent d’agir et de faire face aux besoins grandissants de nos clients. Suez comme d’autres groupes ont dû répondre très rapidement et démontrer le sens de leurs valeurs et de la société en général. C’est pourquoi, malgré un contexte inattendu dû à la pandémie, les bases de notre plan stratégique annoncé en octobre 2019 étaient toujours pertinentes y compris sur le long terme. D’ailleurs, nous avons décidé que l’ensemble des éléments garantis à nos actionnaires d’ici 2023 sera délivré en 2021 ou 2022 au plus tard, soit douze à dix-huit mois d’avance, par rapport à ce qui était initialement prévu. Les objectifs financiers seront donc atteints plus rapidement et confirment la solidité du groupe Suez.

Quelle est la stratégie de développement de Suez en France et à l’international ?

La France est au cœur de l’innovation du groupe notamment avec le Cirsée, principal centre de recherche et d’innovation du groupe, situé en région parisienne. Ce centre développe les compétences scientifiques pour promouvoir l’excellence technique et l’innovation dans le domaine de l’eau et des déchets, avec un rayonnement international. C’est dans l’Hexagone que nous avons doublé la R&D entre 2019 et 2023, et où nous déployons nos technologies. Certaines pour la première fois, qui pourront ensuite être exportées dans le monde entier.

"Les relais de croissance se trouvent désormais à l’international avec des enjeux environnementaux, politiques et sociaux"

Les relais de croissance se trouvent désormais à l’international avec des enjeux environnementaux, politiques et sociaux. La France développe fortement l’innovation, et la stabilité de la clientèle y contribue, afin de réaliser cette croissance, y compris par des acquisitions. D’une certaine manière, les contrats internationaux sont gagnés grâce aux technologies élaborées en France.

Quelles ont été les clés de la résilience de Suez face à la crise sanitaire ?

D’un point de vue financier, en tant que CFO et après 35 ans dans la finance, l’année dernière n’a pas constitué la première crise financière que j’ai rencontrée. Ce qui n’a pas été le cas pour certaines personnes et mon expérience a été utile, voire nécessaire, pour remédier efficacement à cette crise inédite. J’ai dû anticiper dans un contexte incertain et complètement nouveau. Par exemple, comme les marchés financiers étaient ouverts, dès la fin mars nous avons décidé d’y entrer afin de lever de la dette pour faire face à l’incertitude. Cette décision a été prise par sécurité. À ce moment-là, en effet, nous n’en avions pas forcément besoin.

"N’oublions pas que 90 000 personnes travaillent pour Suez, et que des milliers de clients et des centaines de millions de personnes utilisent nos services"

La résilience du groupe est également due aux hommes et aux femmes qui le composent. Au sein de Suez, nous avons une culture de la continuité du service local. Nous sommes présents dans le traitement de l’eau, la distribution d’eau potable, la collecte et le tri des déchets, et ce, à travers le monde. Le groupe délivre ainsi des services dits essentiels ne devant subir aucune interruption. La notion de service public correspond à l’ADN de Suez. Finalement, nous étions culturellement prêts pour cette crise sanitaire. Arrivé récemment dans le groupe, je suis fier de ce que j’ai vu et je suis impressionné par la réactivité de Suez qui place sa confiance au sein des équipes les plus à même de régler les problèmes en France comme à l’étranger. Ce sont elles qui sont en contact avec le client. Chaque manager a notre considération, y compris au niveau local, pour qu’il puisse assurer la continuité des services.

Comment avez-vous adapté votre stratégie à ces événements ?

Le cœur de métier du CFO est d’analyser ce qu’il se passe et de voir ce qui fonctionne ou pas. Au besoin, il faut vite adapter la stratégie. Pour avoir cette vision, nous avons évidemment accès à de nombreuses données. En période de crise, plusieurs risques sont envisagés. Pourtant, il faut également savoir prioriser les informations importantes, notamment pour cibler les activités en difficulté. Il y a désormais une obligation d’être encore plus pertinent sur les data sans demander plus que l’essentiel pour répondre de façon appropriée à la crise. Au-delà de la quantité, le CFO doit veiller sur la qualité. C’est ce à quoi nous avons beaucoup travaillé ainsi que sur les processus qui en découlent. Par exemple, durant la pandémie, nous avons réglé nos fournisseurs plus vite afin de les aider tout en récupérant nos créances auprès de nos clients sans trop les pousser parce que nous restons avant tout un service public. Notre besoin en fonds de roulement, qui est une source de trésorerie depuis douze mois, a d’ailleurs été stabilisé.

Le groupe poursuit ses acquisitions, notamment dans le domaine de l’eau. Quels sont les prochains projets ?

Tout d’abord, il faut comprendre à quel point il a été important que la vie de l’entreprise se poursuive jusqu’à ce jour. Au-delà de la Bourse et de Veolia, n’oublions pas que 90 000 personnes travaillent pour Suez, et que des milliers de clients et des centaines de millions de personnes utilisent nos services. Il fallait continuer quoi qu’il arrive et investir dans la croissance externe et la R&D. C’est pourquoi nous avons aussi réalisé des acquisitions dans les technologies, notamment avec Prodeval dans le gaz. Que ces actifs concernent Veolia ou Suez après leur achat n’a pas changé notre ligne de conduite. Il s’agissait de faire le bon choix, et pour cela savoir aussi faire abstraction de la Bourse, car l’entreprise perdure alors que les actionnaires changent. Tout au long des dix-huit derniers mois, nous nous sommes focalisés sur la vie long terme de Suez. Ainsi, malgré une période inédite avec à la fois une crise sanitaire et un projet d’OPA, la stratégie de Suez est restée solide. Réaliser ce que nous avions promis un an à l’avance démontre notre capacité d’exécution. Si nous avons été résilients, c’est principalement pour avoir su fixer des priorités, lesquelles ont pu être atteintes grâce aux équipes engagées, motivées et extraordinaires ! C’est une réussite collective et la finance a su y jouer son rôle. Si Suez en sort renforcé, c’est précisément grâce à ce travail collectif.

Propos recueillis par David Glaser

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