L’année 2020, marquée par la survenue de la crise sanitaire, aura donné lieu à d’incroyables mesures pour la relance économique des entreprises françaises. France Invest, l’association professionnelle qui regroupe les professionnels du private equity actifs en France, a travaillé aux côtés du gouvernement, des entreprises et des fonds à ce rebond. Dominique Gaillard, son président jusqu'au 17 juin 2021, revient pour nous sur ces actions et l’importance du capital-investissement dans cette période.

Quels sont les rôles de France Invest et des différents acteurs du capital-investissement dans la relance des entreprises ? 

Dominique Gaillard. Tout d’abord, je tiens à saluer le gouvernement pour sa réactivité dans le traitement de cette crise et pour sa grande écoute du terrain. Nous avons pu faire remonter les problématiques rencontrées par les entreprises et avons été une courroie de transmission entre elles, Bercy, le Trésor, Matignon, le médiateur du crédit, le médiateur des entreprises et l’AMF, entre autres. 

Dès mars et jusqu’en septembre 2020, nous avons concentré nos actions pour apporter une information ciblée et utile à nos adhérents. Via des webinars nous avons décrypté les modalités d’application des différents dispositifs, comme le chômage partiel et les PGE. Nous avons également fait témoigner des professionnels basés en Chine sur la gestion du déconfinement, pour s’en inspirer dans nos entreprises. 

La mobilisation des acteurs du capital-investissement a été immédiate. L’expérience acquise lors de la crise de 2008-2009 a incité les fonds, dès mars 2020, à préserver la trésorerie des entreprises, à partager leurs expériences et à apporter aux LPs un reporting d’excellente qualité. Cette grande fluidité, à tous les niveaux, a facilité la mise en œuvre des mécanismes déployés par Bercy. 

Nous avons par ailleurs eu un rôle de négociation dans l’élaboration du "label relance". Ce label permet d’identifier les fonds ouverts à l’épargne privée qui viendront soutenir les entreprises dans la phase de rebond et qui bénéficient d’une assurance optionnelle contre les pertes fournie par Bpifrance. 

Quelle est la position du gouvernement vis-à-vis du capital-investissement ?  

Le gouvernement est conscient des bénéfices du capital-investissement pour renforcer les hauts de bilan des entreprises, notamment dans le cadre des mécanismes de relance. Il sait que le capital-investissement est l’un des meilleurs leviers pour avoir plus d’ETI, qui créent dans les territoires proportionnellement plus d’emplois que les PME et que les grands groupes. Or actuellement la France ne compte que 5400 ETI contre environ 12800 en Allemagne alors qu’il y a 10 ans, les deux pays étaient à peu près au même niveau. Le rattrapage est possible et passe par l’ouverture plus large du capital des PME aux fonds d’investissement, sur une période longue. 

Le capital-investissement est un accélérateur de croissance, il favorise la croissance externe, la digitalisation, la prise en compte des critères ESG. Il crée des champions nationaux et internationaux, notamment dans le secteur industriel où nous réalisons collectivement 40% de nos investissements. Toute cette dynamique est bien comprise du gouvernement. 

"Le capital-investissement est un accélérateur de croissance, il favorise la croissance externe, la digitalisation, la prise en compte des critères ESG."

Malgré le contexte sanitaire, les investissements demeurent à un niveau historiquement élevé. Comment expliquez-vous cette dynamique du capital-investissement en France ? 

En capital-investissement, 17,8 milliards d’euros ont été investis en 2020, à comparer à 19,3 milliards d’euros en 2019. Ce montant, en légère baisse de 8 %, reste à un niveau élevé dans une année très tendue. La proportion d’opérations de cash in traduit bien le maintien de flux d’investissements dans les entreprises et non seulement de purs transferts entre actionnaires. Ces investissements sont soutenus par des levées de fonds importantes portées par la rentabilité de long terme de la classe d’actifs. Rappelons que, sur quinze ans, la rentabilité nette du private equity français est de 11,2% nets par an en moyenne. 

Cette surperformance attire de plus en plus d’investisseurs, notamment les assureurs – y compris sur le growth avec l’initiative Tibi –, les fonds de pension, les fonds souverains et même les personnes privées fortunées, les chefs d’entreprise avec l’évolution du dispositif de report d’imposition (150 O B Ter) et les particuliers depuis que la loi Pacte permet de mettre jusqu’à 50 % de capital-investissement dans les contrats d’assurance-vie en unités de compte. 

La crise actuelle devrait avoir un effet amplificateur si on se réfère à celle de 2008 où les analyses ont montré que cette classe d’actifs est celle qui a le mieux résisté, avec une moindre volatilité, grâce à un alignement d’intérêt des fonds avec les investisseurs institutionnels.   

"La crise actuelle devrait avoir un effet amplificateur si on se réfère à celle de 2008."

De nombreuses mesures ont été mises en place pour assurer cette reprise, notamment avec le concours de France Invest. Comment s’organise le soutien des PME et ETI ?  

Nous sommes à l’initiative de la proposition de renforcement des fonds propres et quasi-fonds propres, appelée Obligations Relance, entérinée par le gouvernement, au même titre que les Prêts Participatifs Relance, dispositifs qui commencent tout juste à être distribués par les banques. Selon la Fédération française d’assurance (FFA), qui propose à ses membres d’allouer des capitaux à ces deux mécanismes, les Obligations Relance devraient être opérationnelles avant l’été 2021. Le gouvernement espère qu’environ 20 milliards d’euros viendront abonder ces deux mécanismes – 14 milliards pour les Prêts Participatifs Relance et près de 6 milliards pour les Obligations Relance – qui bénéficient d’une forte attractivité car la rémunération est satisfaisante pour les assureurs, surtout en période de taux bas, la charge en capital est faible et la garantie de l’État est élevée, allant jusqu’à 30 % en cas de perte, soit trois fois environ le risque maximum estimé. Mais, ces dispositifs étant assimilés à une aide d’État, Bruxelles a fixé au 30 juin 2022 la date butoir pour déployer les investissements. Il sera donc nécessaire d’aller vite pour tenir les objectifs de déploiement.

Notre démarche vise, dans une période de crise, à apporter notre soutien aux PME et ETI qui en ont besoin pour leur faire connaître la valeur ajoutée de notre métier, sans prendre de parts au capital, qui est souvent un frein pour les dirigeants. À la place, nous avons donc conçu un mécanisme non dilutif, d’obligations remboursables in fine, au bout de 8 ans, ce qui laisse du temps pour financer les projets ou épurer les dettes. Cette période doit nous permettre de   montrer aux entrepreneurs tout ce que nous pouvons leur apporter en tant qu’accélérateur de croissance, afin qu’ils reviennent vers nous pour des opérations plus ambitieuses. 

Combien d’investisseurs devraient participer à ce mécanisme d’Obligations Relance ? 

Une centaine de candidats se sont manifestés en vue d’une candidature effective. Nous espérons qu’une quarantaine de fonds, régionaux et nationaux, viendront ainsi irriguer le territoire français et investir jusqu’à 6 milliards d’euros en quatorze mois dans près de 2000 PME et ETI. 

Propos recueillis par David Glaser

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