Le M&A a enregistré un montant de transactions record au premier trimestre 2021. Olivier Barret, Pierre-Arnaud de Lacharrière et François Vigne, managing directors de la banque d’affaires Sycomore Corporate Finance, partagent leur point de vue sur les perspectives du capital-investissement des prochains mois.

Décideurs. Après une année 2020 chahutée, comment le capital-investissement se porte-t-il ?

Pierre-Arnaud de Lacharrière. Le M&A en général et le private equity en particulier sont très dynamiques. Preuve en est le montant record des transactions enregistrées au premier trimestre. Les montants de liquidités chez les fonds tirent les valorisations et les leviers à la hausse, jusqu’à 7 fois l’Ebitda dans certains secteurs. L’environnement est aujourd’hui favorable, sans compter sur l’effet de reprise lors de la sortie progressive de l’épidémie.

François Vigne. En Europe, certains acteurs réinvestissent dans des secteurs plus contrariants, avec deux ans de retard par rapport aux États-Unis, comme c’est le cas dans la distribution de matériaux. De même, dans l’aéroportuaire ou l’entertainment, où Blackstone vient de racheter des actifs, alors que les Européens demeurent frileux.

Les financements sont-ils aisés à trouver ? Et à quel prix ?

Olivier Barret. Si certains secteurs comme le « retail » ne sont pas encore perçus par les banques comme assez solides et résistants à une évolution négative de la pandémie, le financement LBO en Europe reste en général très disponible et n’est pas plus cher, voire moins cher, qu’avant le début de la pandémie. Les conditions sont aujourd’hui excellentes.

F. V. Tous ceux qui avaient subi la hausse des marges il y a un an procèdent aujourd’hui à des repricing ou à des refinancements. À des prix variables selon les secteurs et les segments bien entendu, mais en moyenne entre 350 et 450 points de base. Si bien qu’au premier trimestre 2021, l’Europe a enregistré son plus gros volume de « leveraged loans » depuis 2007.

"Tous ceux qui avaient subi la hausse des marges il y a un an procèdent aujourd’hui à des repricing ou à des refinancements"

Qu’est-ce qui animera le marché du capital-investissement dans les prochains mois ?

P.-A. L. Certaines activités continueront à subir la crise. Avec le temps, quelques liquidités s’épuiseront et des situations difficiles viendront à échéance et entraîneront des transactions. Il n’y aura pas de déferlement de cessions, mais plutôt une vague de fond dont la dynamique est plus lente. Les faillites se multiplieront.

F. V. Les thèmes environnementaux porteront également l’activité M&A, comme on peut le voir chez Total, dans l’automobile ou le bâtiment. Différents acteurs cherchent à réaliser de plus en plus d’acquisitions pour décarboner leurs activités et se positionnent par ailleurs sur le segment porteur de la transition énergétique et de la transformation globale du modèle de production.

O. B. Le contexte pandémique ne fait qu’accélérer les tendances. La digitalisation se poursuit à marche forcée et continuera d’être porteuse de nouveaux investissements. Et pas uniquement dans la distribution.

Qu’en est-il des carve-out ?

O. B. Dans un contexte de repositionnement de différents groupes et de redéfinition des activités, d’autres deals de carve-out devraient voir le jour, avec une véritable concurrence entre industriels et fonds d’investissement. Ces opérations constitueront un élément de soutien du M&A dans les prochaines semaines et les prochains mois, sans toutefois représenter l’essentiel de l’activité sur ce segment.

"Les élections présidentielles représentent un facteur potentiel de ralentissement du volume des transactions"

Quels sont les points de blocage ?

P.-A. L. Les élections présidentielles représentent un facteur potentiel de ralentissement du volume des transactions. Indépendamment des pronostics, l’incertitude mène déjà certains acteurs à adopter dès à présent des processus plus resserrés, quand d’autres accélèrent pour boucler une transaction avant que le contexte présidentiel n’impose un report à l’été 2022 de certains projets.

F. V. La montée du thème souverain peut aussi constituer un point de blocage. Les pouvoirs publics sont plus attentifs à la nationalité des acquéreurs de certains actifs stratégiques comme dans le domaine médical ou celui de l’aéronautique. Encore plus depuis le décret d’avril 2020 relatif aux investissements étrangers en France. C’est un vrai changement pour les secteurs sensibles, en termes technologique, sanitaire ou d’emploi. Certains fonds reportent ainsi à juin 2022 des cessions prévues initialement au deuxième semestre 2021.

Propos recueillis par Anne-Gabrielle Mangeret

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