Activité clef de Tikehau Capital, le private equity poursuit sa montée en puissance et continue de se développer à travers, notamment, plusieurs belles levées de fonds sur des thématiques innovantes et des investissements dans des entreprises en croissance et engagées. Entretien avec Emmanuel Laillier, directeur du private equity dans le groupe de gestion d’actifs alternatifs.

Décideurs. Quel bilan faites-vous de l’année 2020 et des derniers mois pour l’activité private equity de Tikehau Capital ?

Emmanuel Laillier. 2020 a été pour nous une année d’accélération. En gestion de compte de tiers, nous sommes passés de 2 à 3,5 milliards d’euros. Cette année a conforté notre positionnement et, en particulier, les deux principales stratégies que nous menons depuis de nombreuses années.

La première touche au capital-développement et consiste à investir des tickets allant de 20 à 100 millions d’euros dans des entreprises en croissance afin de leur apporter le soutien nécessaire pour qu’elles deviennent les championnes de demain. Notre deuxième ambition est d’agir dans le domaine de la transition énergétique, un thème qui s’est plus que jamais retrouvé sur le devant de la scène au cours des derniers mois. Les beaux résultats de Tikehau Capital prouvent que nous sommes positionnés sur des thématiques d’avenir pertinentes.

En matière de transition énergétique, vous avez bouclé en février 2021 une levée de fonds d'un milliard d'euros à travers le fonds T2 Energy Transition. Quelle est la genèse et la vocation de cette plateforme ?

Au début des années 2010, nous avions commencé à financer des acteurs de la transition énergétique comme des développeurs solaires tels qu’Eren ou Quadran. À l’occasion de la transaction Eren, nous avons également rencontré Total qui allait rentrer au capital quelques années durant. Nous avons pu échanger ensemble sur le sujet de la décarbonation de l’économie notamment à la suite des Accords de Paris. Cette dynamique a abouti au lancement de notre plateforme de capital-investissement dédiée à la transition énergétique. Pour cela, nous avons engagé notre propre bilan à hauteur de 100 millions d’euros tout comme le groupe Total. Aujourd’hui, avec un milliard d’euros levés, on ne peut que se féliciter du résultat de cette initiative.

L’objectif de ce fonds T2 est de renforcer les fonds propres des entreprises européennes qui apportent une réponse immédiate à l’urgence climatique. Ces sociétés évoluent dans les secteurs de la production d’énergies propres, de la mobilité bas carbone et de l’amélioration de l’efficacité énergétique. Actuellement, ce sont des secteurs primordiaux car nous devons impérativement changer la manière dont l’énergie alimente l’économie en passant d’une énergie fossile à une énergie décarbonée.

"L’objectif du fonds T2 Energy Transition est de renforcer les fonds propres des entreprises européennes qui apportent une réponse immédiate à l’urgence climatique"

Quels sont les investissements que vous avez réalisés à travers ce fonds T2 dédié à la transition énergétique ?

Nous avons déjà réalisé six investissements pour un montant investi de 440 millions d’euros. Notre toute première prise de participation a été accomplie, conjointement avec Bpifrance, au sein de la société GreenYellow, née dans le groupe Casino. Elle a commencé par installer des panneaux photovoltaïques sur les toits des hypermarchés et elle développe aujourd’hui des solutions d’amélioration de l’efficacité énergétique dans les magasins. Cela peut aussi passer par l’installation de portes sur les frigos ou le changement des ampoules électriques par des LED. Le tout pour une réduction de la facture énergétique de l’hypermarché d’environ 30 %, un effet significatif sur la dépense d’énergie mais aussi sur l’Ebitda. Depuis notre investissement, nous avons vu cette société grandir et se développer mondialement en offrant désormais une gestion holistique de l’efficacité énergétique dans le monde du retail. Autre exemple d’investissement, le groupe irlandais Crowley Carbon, cette fois-ci dans le domaine de l’efficacité énergétique des usines.

Toujours dans le secteur de la transition énergétique, vous avez lancé aux côtés de CNP Assurances une unité de compte ouvrant aux particuliers l’accès au capital-investissement. Quel est l’objectif ?

La demande des particuliers pour investir dans l’univers du private equity est de plus en plus forte. Nous avions déjà lancé plusieurs initiatives de ce type dans d’autres pays comme en Italie ou en Espagne. Forts de ces deux succès et grâce aux opportunités ouvertes par la loi Pacte, nous avons voulu développer un produit similaire en France. Ce type de plateforme d’investissement reste encore assez rare et il était important pour nous de répondre aux besoins des particuliers.

CNP Assurances a été un des premiers investisseurs de notre fonds T2 Energy Transition. C’est ce qui leur a permis de voir la réalisation et l’évolution de nos six premiers investissements à la fois d’un point de vue durable et financier. Nous avons donc travaillé main dans la main pour lancer ce nouvel outil de diversification de l’épargne de leurs clients. Cela permet également de diriger l’épargne des Français vers le financement de l’économie réelle et sur des entreprises qui participent à construire la croissance de demain.

"Nous devons impérativement changer la manière dont l’énergie alimente l’économie en passant d’une énergie fossile à une énergie décarbonée"

Quels ont été les plus beaux investissements de 2020 ?

Notre ADN d’investisseur est celui d’accompagner des entrepreneurs innovants sur le développement de leurs produits, car c’est aussi notre propre histoire d’entrepreneur. Un des derniers investissements qui correspond bien à cette identité est celui que nous avons réalisé en novembre dans la société Ekimetrics, société française leader dans le déploiement de solutions de data science auprès de grands groupes. Elle permet notamment de maximiser le retour sur investissement des dépenses marketing et d’optimiser les ventes, le parcours client ainsi que l’ensemble des opérations grâce à l’exploitation de la donnée. La société a ouvert pour la première fois son capital afin de renforcer son positionnement, enrichir son offre et accélérer son développement international. Un modèle et des ambitions qui nous ont séduits et que nous souhaitons accompagner grâce à nos ressources.

Quelles sont vos ambitions ?

Nous poursuivons notre développement international avec l’ouverture d’un bureau en Allemagne. Il s’agit de notre douzième implantation dans le monde. Cela s’inscrit dans notre projet multi-pays européen où nous sommes déjà présents, à Paris, Londres, Bruxelles, Milan, Madrid et plus récemment, Luxembourg et Amsterdam.

Toujours dans cette dynamique à la fois internationale et engagée nous venons également de lancer un fonds de capital-investissement dédié à la décarbonation en Amérique du Nord. Une nouvelle étape pour notre plateforme d’impact investing. Bien sûr, au-delà de ce nouveau fonds et du fonds T2 Energy Transition, nous continuons d’accompagner toutes les entreprises de notre portefeuille dans leurs initiatives ESG.

Par ailleurs, nous poursuivons notre objectif de favoriser la transformation numérique et l'innovation de nos sociétés en portefeuille notamment grâce à la collaboration des start-up studios avec Opeo et OSS Venture.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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