Dans l’ombre, le groupe tricolore peu connu du grand public participe à la lutte contre la Covid-19. Sa mission principale ? Fabriquer des masques. Beaucoup de masques. Ce qui n’était pas sa vocation première.

Les propos tenus par Emmanuel Macron dans son allocution du 16 mars 2020 sont clairs : "Nous sommes en guerre." Un combat long et difficile contre une pandémie mondiale. Si certaines entreprises ont peur du futur, pour d’autres, la situation est une opportunité. C’est notamment le cas du français Chargeurs.

Faire face aux crises : l’ADN du groupe

La notoriété du groupe est faible, mais il peut toutefois se prévaloir d’une longue histoire. La défaite de la France face à la Prusse en 1870 est un véritable coup de tonnerre qui démoralise la Nation. Pour redorer son lustre, la IIIe République mise très vite sur une stratégie de développement commercial et intellectuel. Cela passe par la mise en place de l’École libre des sciences politiques, futur Sciences Po Paris. Mais aussi par la création d’une multitude d’entreprises telles que la Compagnie des chargeurs réunis dédiée initialement au transport maritime de marchandises. Lors des moments difficiles, le groupe passe spontanément au service du collectif. Durant la Première Guerre mondiale, la société met sa flotte à disposition de l’effort de guerre, permettant de transporter de grandes quantités de viande d’Amérique du Sud vers l’Hexagone afin de nourrir les Poilus. Pendant la Seconde, elle fournit des cargos à la France libre. En 2020, l’ennemi qu’il s’agit de combattre est un virus. Et le groupe décide encore de monter en première ligne

Des masques, des masques et des masques

Cette fois-ci, il ne s’agit plus de cargos. Au fil des décennies, la société a progressivement fait pivoter son business model. Acquis par Jérôme Seydoux en 1980, baptisé Chargeurs et repris par Colombus Holding en 2015, l’entreprise est désormais positionnée sur quatre métiers : la protection temporaire des surfaces, l’entoilage pour l’habillement, les textiles techniques et la laine préparée. En toute discrétion, les produits du groupe sont présents partout, des protège-écrans des smartphones à nos vêtements. Alors que l’épidémie se répand dans le monde, Chargeurs met à profit ses infrastructures et sa capacité d’innovation en se lançant à marche forcée dans la production de masques. "Nous avons adapté nos équipements pour modifier les tissus que nous produisons, l’opération nécessitait trois mois, on l’a fait en trois jours", se réjouit le PDG du groupe Michaël Fribourg. L’initiative permet à l’Europe de ne plus dépendre uniquement des masques asiatiques. Un petit pas vers un retour à la souveraineté sanitaire. La nouvelle filiale Lainière Santé produit désormais des millions de masques chaque semaine. Et il y en a pour tous les goûts : des jetables, des FFP2. Les plus coquets peuvent même se recouvrir le nez et la bouche avec des créations signées Maje, enseigne de prêt-à-porter haut de gamme

Résultats records

Cette opération de diversification porte ses fruits et Chargeurs peut se vanter d’une année 2020 record puisque son chiffre d’affaires s’élève à 822 millions d’euros, soit une croissance organique de 27,5%. Le rapport annuel du groupe se félicite d’être l’une des "rares entreprises mondiales à avoir réussi significativement à accroître ses performances en 2020, tout en renforçant son potentiel de création de valeurs". Le contexte sanitaire devrait permettre à l’entreprise de participer encore plus à l’effort de guerre. Mais aussi d’améliorer ses chiffres.

Lucas Jakubowicz

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